Membres de la famille Royale

Elisabeth d’Orléans, fille du Régent, chap. 1 : L’enfance d’une princesse

Ironie de l’histoire, les duchesses de Berry ont marqué l’Histoire par leurs scandales. Si on se souvient  surtout de Marie-Caroline de Bourbon-Sicile, épouse du fils cadet de Charles X, l’une des petites-filles de Louis XIV, née Marie Louise Elisabeth d’Orléans, mena également une vie tumultueuse. Si elle disparaît prématurément, juste avant son 24e anniversaire, cette fille du Régent a souvent fait parler d’elle. Sa grand-mère, la princesse Palatine, dite Madame, évoquera souvent ses frasques dans sa correspondance. Le duc de Saint-Simon, ami de son père,  laisse également quantité d’écrits à son sujet. Ces deux sources fournissent ainsi de nombreux éléments sur Elisabeth d’Orléans et son entourage. De ce fait, afin de ne pas perdre le lecteur, je vous propose de découvrir la vie de cette princesse, sous la forme de trois chapitres traitant de son enfance, puis de ses années de mariage avec le duc de Berry, et enfin de ses dernières années, sous la régence de son père.

On ignore lequel de ses prénoms était utilisé en privé, la princesse signant les documents officiels avec les trois. Certains penchent pour Marie, d’autres pour Marie-Louise… J’utiliserai ici le prénom d’Elisabeth, que lui donne le lieutenant-colonel Henri Carré dans sa biographie.

Gravure de Mademoiselle d'Orléans, future duchesse de Berry
Gravure de Mademoiselle d’Orléans, future duchesse de Berry

L’éducation négligée d’une princesse : entre ambition et dissimulation 

Marie Louise Elisabeth d’Orléans naît le 20 août 1695 à Versailles. Elle est la fille du duc de Chartres, Philippe II d’Orléans, et de Françoise-Marie de Bourbon (fille légitimée de Louis XIV et de Mme de Montespan). Avant elle, ses parents, mariés en 1692, ont eu une première fille, morte au berceau. La nouvelle petite princesse est titrée Mademoiselle d’Orléans et est bientôt rejointe par deux sœurs, Louise-Adélaïde (Mademoiselle de Chartres) en 1698, et Charlotte-Aglaé (Mademoiselle de Valois) en 1700. Leur naissance est une déception, à une époque où les filles ne comptent pas. La princesse Palatine, mère duc duc de Chartres, témoigne dans l’une de ses nombreuses lettres : « C’est malheureux que tous les bâtards de mon fils soient des garçons et ses enfants légitimes des filles ». Il faudra attendre 1703 pour que naisse enfin le fils tant désiré. Il restera le seul enfant mâle sur les huit dont accouchera Françoise-Marie de Bourbon.

L’éducation des petites-filles de Louis XIV est négligée : la duchesse de Chartres se contente de mettre ses enfants au monde et Philippe d’Orléans leur passe tous leurs caprices, en père aimant mais peu présent. Les princesses vivent leur enfance au Palais-Royal, laissées aux bons soins de leur gouvernante, Mme de Marey, qui est vite dépassée par les forts caractères des jeunes filles. Leur grand-mère paternelle, Madame, témoigne dans ses lettres  : « Ces enfants sont élevées d’une façon qui est un objet de dérision et de honte. » 

Philippe d'Orléans, par Jean Baptiste Santerre (1717) et Françoise-Marie de Bourbon, par Pierre Gobert (en 1700)
Philippe d’Orléans, par Jean Baptiste Santerre (1717) et Françoise-Marie de Bourbon, par Pierre Gobert (1700)

En 1705, Mademoiselle d’Orléans tombe gravement malade, de la petite vérole. Les médecins se déclarant impuissants, c’est son père – devenu duc d’Orléans en 1701 – qui la soigne et parvient à la guérir, grâce à ses connaissances en sciences.  La tendresse du duc d’Orléans redouble pour sa fille aînée, qui restera sa préférée. Elisabeth fait son entrée officielle à la cour en 1707, à l’âge de 12 ans. A cette occasion, sa mère parvient à faire appeler sa fille Mademoiselle tout court, titre porté jadis par la cousine de Louis XIV, la duchesse de Montpensier Anne-Marie-Louise d’Orléans. Si elle se désintéresse de l’éducation de sa progéniture, Françoise-Marie de Bourbon transmet à ses filles la haute opinion qu’elle a d’elle-même. Oubliant qu’elle est la fille légitimée de Louis XIV, née d’un double adultère, la duchesse d’Orléans se voit avant tout comme la fille du roi, convaincue, d’après la princesse Palatine d’avoir « fait grand honneur » à Philippe « en consentant à l’épouser ».  Les filles de Françoise-Marie affichent très vite un caractère orgueilleux, si bien que leurs parents finissent par envoyer Mesdemoiselles de Chartres et de Valois à l’abbaye de Chelles, pour y terminer leur éducation.

Projet de mariage avec le duc de Berry : manigances à la cour

Mariée à un prince de sang, neveu de Louis XIV, Françoise-Marie tient à ce que sa fille aînée fasse également une union prestigieuse et œuvre pour marier Mademoiselle avec Charles de Bourbon, duc de Berry, petit-fils de Louis XIV. Elle se heurte à sa sœur, Louise-Françoise de Bourbon, qui souhaite, elle aussi, voir sa fille aînée épouser le duc de Berry. A la surprise de la duchesse d’Orléans, son époux, Philippe, n’est pas favorable à l’union d’Elisabeth avec le petit-fils du roi. Le duc de Saint-Simon  – né Louis de Rouvroy – proche du duc d’Orléans, rapporte : « Il [le duc d’Orléans] ne savait comment s’y prendre, [disant] que le mariage en soi était ridicule à proposer en temps de guerre et de misère, et le mariage de Mademoiselle plus insensé que tout autre ». Mais  Saint-Simon ne désarme pas, par « amitié pour ceux à qui j’étais attaché [et] ma haine pour Madame la Duchesse [Louise-Françoise de Bourbon] ». Le mémorialiste parvient à convaincre Philippe d’Orléans de faire sa demande au roi.

Marie-Louise-Elisabeth d'Orléans, par Pierre Gobert (début XVIIIe siècle)
Marie-Louise-Elisabeth d’Orléans, par Pierre Gobert (début XVIIIe siècle)

Ainsi, au sein de la famille royale, deux clans s’affrontent pour faire épouser au duc de Berry soit Mademoiselle d’Orléans, soit sa cousine, Mademoiselle de Bourbon. Monseigneur le dauphin, père du jeune Charles, est proche de la duchesse de Bourbon et penche pour la fille de cette dernière. Mais les Orléans peuvent compter sur l’appui de la duchesse de Bourgogne,  qui a l’oreille de Louis XIV. C’est ainsi que le roi  accepte de fiancer Elisabeth avec son petit-fils, malgré les réticences du dauphin. Né en 1686, le duc de Berry, troisième fils du dauphin, n’est pas destiné à régner. De ce fait, son éducation a, elle aussi, était négligée, comme le rapporte Madame: « Ce pauvre prince ne serait pas si niais si on ne l’avait pas élevé dans une telle ignorance ». Conscient de ses lacunes, le duc de Berry dira un jour à propos de ses précepteurs :  « Ils n’ont songé qu’à m’abêtir et à étouffer ce que je pouvais être. J’étais cadet, je tenais tête à mes frères ; ils ont eu peur des suites, il m’ont anéanti. On ne m’a appris qu’à jouer et chasser ; ils ont réussi à faire de moi un sot et une bête, incapable de tout, qui ne sera jamais propre à rien, et qui sera le mépris et la risée du monde ». 

D’un naturel gai et généreux, le prince est surnommé « Berry Bon Cœur » par la princesse Palatine, qui  a beaucoup d’affection pour lui.  Son union avec sa petite-fille ne peut que la réjouir. Le duc de Saint-Simon décrit le prince en ces termes : « M. le duc de Berry était de la hauteur ordinaire de la plupart des hommes, assez gros, et de partout, d’un beau blond, un visage frais, assez beau, et qui marquait une brillante santé. Il était fait pour la société et pour les plaisirs, qu’il aimait tous; le meilleur homme, le plus doux, le plus compatissant, le plus accessible, sans gloire et sans vanité, mais non sans dignité ». Saint-Simon déplore également l’éducation du prince, qui n’a pas été poussée très loin. Il en résulte que, selon lui, le fiancé de Mademoiselle « avait un esprit médiocre, sans aucunes vues et sans imagination », lui reconnaissant cependant « un très bon sens, et le sens droit, capable d’écouter, d’entendre, et de prendre toujours le bon parti entre plusieurs spécieux. Il aimait la vérité, la justice, la raison ». Le caractère du duc de Berry contraste avec le naturel fier et tempétueux de la jeune Mademoiselle, dont il est  pourtant « extrêmement amoureux ».

Charles de Bourbon "en cupidon", par François-Hubert Drouais (vers 1695)
Charles de Bourbon « en cupidon », par François-Hubert Drouais (vers 1695)

Bien entendu, ni la future épouse ni le fiancé n’ont eu leur mot à dire concernant leur union. Néanmoins, il semble que le duc et la duchesse de Bourgogne aient fait l’éloge d’Elisabeth auprès du duc de Berry, lequel « obéit avec plaisir » à son grand-père. Quant à la princesse, elle  a les mêmes ambitions que sa mère : s’élever par un mariage prestigieux.

Le duc de Saint-Simon va devenir le témoin direct de tout ce qui touche à la vie de Mademoiselle. Non seulement il est ami avec le duc d’Orléans mais son épouse, née Marie-Gabrielle du Durfort de Lorges, est nommée première dame d’honneur de la future duchesse de Berry.

Bibliographie :

Mademoiselle, fille du Régent, duchesse de Berry par Henri Carré
Lettres de Madame, duchesse d’Orléans, née princesse Palatine par Elisabeth-Charlotte de Bavière
Louis XIV et sa cour par Auguste de Caumont, duc de La Force
Mémoires de Saint-Simon, par Louis de Rouvroy, duc de Saint-Simon