Historia

Le dernier âge d’or des Gladiateurs

A l’occasion de la sortie du film Gladiator II, le magazine Historia vous propose une plongée dans la Rome Antique du début du IIIe siècle, afin de dissocier la fiction de la réalité historique.

C’est l’un des films les plus attendus, vingt-cinq ans après la sortie du premier opus. Déjà à l’époque, Ridley Scott ne s’était pas soucié de coller à la réalité historique, se servant uniquement de l’Antiquité comme d’un décor pour « le grand spectacle » qu’il voulait mettre en scène. Car pour le réalisateur du film, il s’agit surtout d’une succession de batailles spectaculaires, de combats sanguinaires et démesurés dans l’arène, plutôt que de rester fidèle aux faits historiques.

C’est l’occasion de démêler le vrai du faux dans ce péplum, afin de comprendre les libertés que s’est octroyées Ridley Scott avec la chronologie des évènements.

Ce que l’on retient de Gladiator, c’est une Rome corrompue de l’intérieur, où tout est affaire de trahison et d’argent entre les politiciens et les hommes influents. Le deuxième opus reprend le même schéma, deux décennies plus tard, avec des protagonistes présents il y a vingt-cinq ans, et des nouveaux, fictifs ou réels. On retrouve ainsi Lucilla, sœur de l’empereur Commode, et son fils Lucius, devenu adulte. Les faits se déroulent vingt ans après le premier film, qui s’est terminé avec la mort de Commode, tué dans l’arène par le général Maximus. En réalité, il est impossible que Lucilla soit encore vivante : comme dans le premier film, la fille de Marc-Aurèle prend part à un complot pour renverser son frère, qui échoue. Si, à l’écran, Commode épargne sa sœur, en réalité Lucilla est exilée puis assassinée sur ordre de l’empereur, en 182, soit bien avant la mort de ce dernier,  en 192. Si la passion de Commode pour les combat de gladiateurs est connue (il laissa courir une rumeur selon laquelle il était lui-même fils de gladiateur), l’empereur ne fut pas tué dans l’arène. Victime d’une conspiration, Commode est étranglé dans son bain par un lutteur (ou gladiateur selon les versions), après avoir survécu au poison que sa maîtresse lui avait administré…

Le deuxième opus s’ouvre sous le co-règne, véridique, de Caracalla et de son frère Geta. Entre leur accession au pouvoir et l’assassinat de Commode, Rome connaît une période trouble, durant laquelle se succèdent cinq empereurs en l’espace de quelques mois. Pour être élus – et se maintenir au pouvoir – les prétendants au titre d’empereur doivent acheter leurs sympathisants, et composer habilement avec l’armée, qui joue alors un rôle décisif, à l’inverse du Sénat, qui voit son influence diminuer dangereusement. La garde prétorienne (constituée de soldats d’élite), qui doit théoriquement fidélité à l’empereur, se rallie à celui qui se montre le plus généreux avec elle… quitte à trahir l’empereur déjà en place. Quant aux différentes troupes militaires, elles se rangent derrière leur commandant, qui leur promet une belle prime en cas de victoire sur l’adversaire… trois hommes sont ainsi élus empereur de Rome, en même temps, par leurs armées respectives.

Celui qui parvient à se maintenir seul au sommet du trône impérial se nomme Septime Sévère. Commandant au grand génie militaire, il est apprécié par ses légions et remporte de nombreuses victoires, bien avant de convoiter le pouvoir impérial. Fin stratège, Septime Sévère est également connu pour sa fidélité en amitié (une valeur qui se fait rare) et sait se montrer reconnaissant avec ceux qui lui ont apporté leur soutien. La loyauté de l’armée toute entière lui est bien vite acquise, le nouvel empereur se préoccupant du confort et de l’efficacité de ses soldats. Dévoué à sa patrie et à sa famille, Septime associe ses deux fils au pouvoir, afin qu’ils lui succèdent tout naturellement, à parts égales. Caracalla et Geta sauront-ils rester unis à la mort de leur père, en 211 ?

Les deux films nous offrent des scènes spectaculaires au sein de l’arène : des gladiateurs combattant jusqu’à la mort, des animaux exotiques venant pimenter les duels et exécutions… En réalité, les jeux qui se déroulent dans l’amphithéâtre sont bien plus codifiés et il y a peu de décès chez les gladiateurs. En effet, si les premiers d’entre-eux furent des prisonniers ou des esclaves, avec le temps la « gladiature » devient une activité volontaire et rémunérée : les gladiateurs sortent d’écoles prestigieuses qui les forment aux combats dans l’arène et ils doivent avant tout divertir le public par leur style, lors des affrontements. Leur courage et leurs techniques font de certains gladiateurs les idoles de la foule. Ce divertissement est avant tout un moyen d’unifier les citoyens romains autour de valeurs guerrières, qui les rassemblent. Même si la mort est omniprésente pour les gladiateurs (car cela demeure une activité risquée), il n’est pas question de leur faire affronter des bêtes sauvages, comme on peut le voir à l’écran : c’est le rôle de chasseurs expérimentés de se mesurer aux animaux capturés dans les provinces de Rome. Montrer au peuple des fauves, éléphants et rhinocéros, c’est avant tout mettre en avant la diversité et la richesse de l’empire. Mais là encore, il est exclu que les chasseurs soient vaincus et dévorés par les animaux dans l’arène : c’est là uniquement le sort réservé aux condamnés à mort (prisonniers de guerre, traîtres…), qui sont livrés aux bêtes, sans arme pour pouvoir se défendre face à elles.

Au delà du décryptage du film Gladiator II, Historia vous donne également les clefs pour comprendre la fin de « l’âge d’or » des gladiateurs, dans un empire qui basculera bientôt dans l’anarchie, avec des invasions et des guerres civiles… un chaos qui aura nécessairement un impact sur la gladiature, qui fédérait jusqu’alors les romains autour d’une même passion…

mensuel N° 934 / novembre 2024

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