Mes fictions historiques

Le remariage de Louis XIV 

Cette fiction historique a été écrite dans le cadre d’un concours d’écriture portant sur le thème suivant : réécrire un événement de l’Histoire. 
Afin de ne pas mélanger réalité et fiction, je vous renvoie à l’article consacré à l’union secrète de Louis XIV.

Isabelle de Bragance, infante du Portugal, par Domenico Duprà (1725)

Le 30 juillet 1683, la reine Marie-Thérèse, épouse de Louis XIV, meurt. Très vite, il est question du remariage du roi, notamment avec l’Infante du Portugal, Isabelle de Bragance. La princesse Palatine témoigne de l’événement dans une partie de sa correspondance à sa tante, la duchesse de Hanovre :  

29 septembre 1683,
« Vous me voyez bien peinée que notre roi n’ait pas retenu ma filleule pour convoler à nouveau. Je la voyais pourtant très bien remplir la place de souveraine. Sa Majesté a engagé des négociations plus assidues avec le Portugal. La jeune infante Isabelle est, parait-il, dotée de toutes les grâces ! Mais sur le portrait que j’en ai vu, elle paraît bien maigre, pas encore formée et avec le teint olivâtre ! Il faut vous dire qu’elle n’a que quatorze ans mais la reine Anne n’avait-elle pas le même âge lorsqu’elle épousa le roi Louis XIII ? Espérons que l’infante compensera par ses charmes la tache qu’elle porte depuis le berceau ! En effet, vous ignorez peut-être que la mère de l’infante n’est autre que la scandaleuse Marie Françoise Elisabeth, petite-fille du duc de Vendôme et bâtard d’Henri IV ! Nous allons avoir pour reine la petite-nièce de ce frondeur de duc de Beaufort, que je n’ai point connu, mais que la cour n’a pas oublié ! Vous me connaissez assez pour savoir quelle importante j’apporte au sang qui fait la noblesse ! Savoir que notre future reine porte une trace de bâtardise me soulève l’estomac ! Dieu me garde d’associer mes enfants à cette espèce ! Si j’aurais espéré ma filleule sur le trône de France, je m’en console aisément lorsque je vois la tête de la vieille guenipe* ! Si elle a encouragé le roi au remariage, elle ne cache pas son désespoir de le voir épouser l’infante du Portugal. S’imaginait-elle devenir reine de France ? Toute la cour fait gorge chaude des humeurs de cette femme ! »

14 juin 1684,
« Notre roi a épousé l’infante il y a deux jours. Leur union a été retardée par le décès soudain de la reine du Portugal, morte le 27 décembre dernier. La pauvre a succombé, toute heureuse de savoir que sa fille s’en allait régner sur la France. La nouvelle reine est une jeune personne qui n’est point belle, mais qui montre de l’intelligence pour son âge. Toute la cour lui a fait compliment et se trouve ravie de compter à nouveau un peu de fraîcheur dans un palais que fuyait la jeunesse depuis que le roi écoute Mme de Maintenon ! Celle-ci ne passe plus guère de temps dans les appartements du roi, qui est tout occupé à honorer son épouse ! Je souhaite à cette enfant d’être plus heureuse que la défunte reine Marie-Thérèse et de moins souffrir des écarts de conduite du roi »

18 octobre 1684,
« La vieille femme* voudrait une cour austère, plongée dans la piété, ce qui ne convient pas du tout au tempérament de notre jeune reine qui aime le jeu, la musique et les comédies. La cour semble renaître ainsi que le roi, qui s’était bien trop rapproché des dévots ces derniers temps ! La reine Isabelle est tout le contraire de celle qui l’a précédée sur le trône de France : malgré ses quinze ans, elle parvient à faire plier le roi sur ce qu’elle désire, tant que cela ne concerne pas la politique. Pour le reste, la reine a tout ce qu’elle désire et le roi se montre aussi empressé auprès d’elle qu’il le fut jadis pour la Montespan ! La reine est aimable avec tout le monde et me rend visite trois fois dans la semaine pour s’enquérir de ma santé et converser sur la vieille ripopée*. Depuis plusieurs semaines, celle-ci semble se faire de plus en plus discrète et beaucoup espèrent qu’elle se retirera bientôt à Maintenon. La reine s’en méfie et je ne peux lui donner tort. Mais enfin, le roi a trouvé une épouse fière et digne de sa grandeur. J’ose croire qu’il ne prendra plus de maîtresse maintenant qu’il a la plus charmante des épouses »

5 mars 1686,
« Après plusieurs espérances déçues, la reine est grosse  pour de bon ! C’est un soulagement pour elle qui se lamentait depuis des mois de ne pouvoir enfanter. Si le roi se montre plus que ravi d’être père à nouveau, la nouvelle n’enchante guère Monseigneur le dauphin et sa clic. Imaginez-vous la chose : la reine et la dauphine vont sans doute accoucher au même moment ! Monseigneur fit grise mine lorsqu’il apprit la future naissance d’un nouvel enfant tout à fait légitime du roi. Il flotte ici un parfum de jalousie ! La vieille guenipe, qui n’aime pourtant guère Monseigneur, ne se réjouit pas davantage de la grossesse de la reine. Celle-ci en prend son parti et, comme sur un air de défit, s’en est allée visiter Mme de Montespan pour partager son expérience des couches ! Comme je plains notre pauvre reine de devoir accoucher en public. Voilà au moins une chose dont je n’aurai plus à souffrir »

2 septembre 1686,
« Deux jours après la délivrance de la dauphine, la reine est accouchée d’un fils. L’enfant est fort grand, vigoureux et avec déjà beaucoup de cheveux. Le roi s’est félicité d’être père après son propre fils ! Le prince a de suite été titré duc de Bretagne et des réjouissances ont eu lieu dans tout le royaume. Monseigneur le dauphin fait grise mine car Sa Majesté déploie davantage de fastes que pour la naissance de son petit-fils, le duc de Bourgogne, qui vient pourtant se placer -avec ses frères – devant le duc de Bretagne dans la succession au trône** »

2 février 1687,
« Sitôt les trois fils de Monseigneur le dauphin baptisés, le roi a souhaité en faire de même pour son dernier-né, qui a reçu le baptême le 31 janvier. La reine a poussé des cris lorsque Sa Majesté lui a fait part de son souhait : que le duc de Bretagne reçoive le prénom de Louis François. Outre que le roi a déjà eu un fils prénommé ainsi, et mort dans les langes, la reine ne peut s’empêcher d’y voir un lien avec la vieille Maintenon, qui semble regagner l’oreille du roi. Cette femme a profité de l’état de faiblesse de la reine, suite à sa délivrance, pour se rapprocher de nouveau de Sa Majesté, et il semble que notre souveraine n’ait plus son mot à dire lorsque la vieille est impliquée dans une affaire ! »

23 juin 1688,
« Il fait ici une chaleur insupportable, qui doit exciter les tensions entre Sa Majesté et Monseigneur le dauphin. Ce dernier se plaint en effet des projets d’avenir qui sont fait pour le duc de Bretagne, alors que le roi ne prévoit toujours rien pour les fils de Monseigneur. Le duc de Bretagne est pourtant encore dans ses langes mais le roi ne peut s’empêcher d’espérer pour lui une brillante destinée. Déjà il regarde vers l’Espagne, où le roi Charles II n’a toujours pas d’héritier. Le père de la reine, Pierre II du Portugal, s’est remarié dès l’annonce de la grossesse de sa fille, craignant que notre petit duc de Bretagne ne prétende plus tard au trône du Portugal. La cour nous joue là une comédie des plus pathétiques avec un dauphin jaloux d’un nourrisson qui n’est pourtant pas une menace pour lui ! »

16 janvier 1689,
« Le roi est des plus satisfaits de son jeune fils, le duc de Bretagne, qui éclipse tout le monde grâce à son visage d’ange. Monseigneur le dauphin ne cache pas ses mauvaises humeurs lorsqu’on évoque l’intelligence que montre son jeune frère. C’est un enfant vif et éveillé, curieux de tout, qui ne se plaint jamais. On pressent déjà qu’il sera un prince doué pour les études, ce qui ne fut pas le cas de Monseigneur le dauphin. L’héritier du trône doit se sentir bien imparfait ! Le roi n’a jamais eu l’occasion de se montrer fier de son fils aîné, qui l’a déçu dans de nombreux domaines. Tous les regards sont désormais tournés vers le duc de Bretagne qui, à défaut du trône de France, recevra très certainement celui du Portugal. La reine semble avoir recouvré son influence auprès de Sa Majesté, ce qui rend malade la vieille ripopée. Notre souveraine, fière du fils qu’elle a donné à la France, a retrouvé toute sa superbe et son assurance. En dépit de son jeune âge et de son inexpérience, elle parvient facilement à obtenir tout ce qu’elle veut, et charme chacun personne d’une parole. Elle commence à montrer un certain goût pour la politique en échangeant avec les ambassadeurs. Bien qu’elle n’ait pas eu le droit d’intervenir, la reine Isabelle a bien marqué sa position lors de la Révocation de l’Edit de Nantes, l’année dernière. Depuis, la vieille Maintenon lui bat froid bien que leurs relations ne furent jamais qu’à peine tièdes ! Pour notre bien à tous, il serait bon que le roi renvoie la vieille guenipe et écoute avec plus d’attention son épouse, qui est de bons conseils. »

31 mars 1690,
« Tandis que les médecins s’acharnent sur notre pauvre dauphine, la reine vient de commencer une nouvelle grossesse. Le roi est enchanté de la chose. Celui qui l’est moins c’est Monseigneur le dauphin, qui ne voit décidément pas d’un bon œil la progéniture née du second lit de Sa Majesté. D’ailleurs, Monseigneur n’a guère apprécié la remarque, lancée trop hâtivement par le prince de Tarente. Ce dernier a confié dernièrement au duc de Richelieu que Dieu avait fort mal fait les choses en faisant naître Monseigneur avant le duc de Bretagne car ce dernier promettait d’être à la hauteur de Sa Majesté ! La princesse de Conti ayant entendu la conversation, rapporta au dauphin tout « le bien » que l’on disait de lui ! Depuis cet incident, Monseigneur s’est mis en tête que l’on cherche à le priver de ses droits à la couronne au profit de son frère. »

21 avril 1690,
« Hélas, hier soir j’ai vu mourir la chère et pauvre dauphine. Quant à reine, elle pleura autant que moi cette jeune princesse qui décidément, ne s’est jamais faite à la cour. Malgré son état, notre souveraine est restée auprès de la dauphine jusqu’à ce qu’elle demande l’extrême-onction. On craint désormais pour la santé de la reine qui a été très troublée par la mort de la dauphine, rappelée à Dieu si jeune. »

18 août 1690,
« La grossesse de Sa Majesté est épuisante. Les médecins lui ont interdit toute activité et la reine doit maintenant se déplacer en chaise longue. Il me faut vous avouer que son ventre a grossi énormément et que le premier médecin de Sa Majesté a annoncé la prochaine naissance de deux enfants. Le roi était alors au comble du bonheur, tandis que la reine a été prise de panique. Notre souverain s’enorgueillit d’avoir la plus grande descendance d’Europe, mais ne pense pas assez à la santé de la reine Isabelle, qui ne se voit prodiguer que des saignées dès qu’elle ressent un malaise ou une fatigue. A force de déboires, les médecins finiront par la mener au tombeau, tout comme la dauphine. »

22 octobre 1690,
« C’est avec beaucoup de mal que je vous écris aujourd’hui. Hier, Dieu a rappelé à lui notre reine. Sa Majesté a été prise de douleurs le 19 dans la soirée. Les médecins savaient que la délivrance serait difficile, à cause de la grande fatigue de la reine. Au matin, Sa Majesté n’avait toujours pas accouché et les médecins confiaient au roi qu’ils ne sentaient plus les enfants bouger. La reine, qui délirait, appelait sa mère d’une manière qui nous fendait l’âme. Je me suis installée auprès d’elle, sur son lit de travail, priant pour sa délivrance. Ce ne fut que le lendemain, le 21, qu’après près de trente heures de travail, la reine fut accouchée un garçon qui mourut aussitôt. La reine n’en eu pas même conscience je pense, tant elle ressentait encore les douleurs de l’enfantement. Le second enfant était déjà mort, et les médecins durent entailler la chair de Sa Majesté pour l’extraire. Dans le même temps, la reine recevait l’extrême-onction. Dans un moment de lucidité, elle confia avoir peur de la mort mais qu’elle savait que Dieu l’accueillerait puisqu’elle n’avait jamais voulu faire de mal à personne. Elle s’éteignit quelques heures plus tard. Le roi pleura fort et pleure encore aujourd’hui. Notre reine n’avait que vingt et un ans. Vous ne serez pas surprise d’apprendre que la vieille ripopée s’est empressée de venir lui apporter son soutien et qu’il est enfermé dans ses appartements depuis ce matin ! Il n’est décidément pas bon d’être l’épouse d’un monarque ! »

30 octobre 1690,
« Le duc de Bretagne est mort hier, sans doute tué par les médecins, qui n’ont d’autre remède que de tirer des palettes de sang et ce même sur un enfant de quatre ans. Depuis trois jours le jeune prince était souffrant et sujet à des vomissements. Il n’aura pas survécu bien longtemps à sa mère, que tout le peuple pleure encore. Monseigneur le dauphin n’a pas été affecté par le malheur qui frappe le roi. Le voici débarrassé  d’un frère qui lui avait tant fait d’ombre, bien qu’il ne fut en rien une menace. Ces épreuves nous montrent que nous sommes bien peu de chose. »

17 juin 1717
« Je puis maintenant dire que je n’ai jamais cru à la maladie de feu le duc de Bretagne, disparu si tôt après la reine. J’ai la certitude que feu Monseigneur le dauphin a fait empoisonner l’enfant, dans un moment où chacun pleurait la reine Isabelle. Suite à la disparition du prince, Monseigneur a tout fait pour occuper l’esprit du roi et mettre en avant ses propres fils. Je ne pense pas que Sa Majesté ait pu nourrir quelques soupçons à l’encontre du dauphin. Mais bon nombre de personnes à la cour ont été septiques face à la mort si inattendue du duc de Bretagne. Sur cette affaire nous ne saurons jamais la vérité et je n’ai pour moi que mes convictions. »

 * surnoms donnés à Mme de Maintenon par la princesse Palatine
** le dauphin était le père de trois fils : les ducs de Bourgogne, d’Anjou et de Berry. 


Au delà de la fiction : L’héroïne de notre fiction, l’Infante Isabelle Louise Josèphe de Bragance, est née le 6 janvier 1669. Fille unique du roi du Portugal Pierre II et de sa première épouse, Marie Françoise Elisabeth de Savoie, l’infante gagnera le triste surnom de « l’éternelle fiancée », l’histoire lui attribuant pas moins de dix-sept prétendants. En effet, son père tenta à de nombreuses reprises de marier sa fille avec une tête couronnée, à l’exemple de Victor-Amédée II de Savoie ou encore du dauphin Louis de Bourbon. Lorsqu’en France, la reine Marie-Thérèse décède en 1683, le nom de l’infante Isabelle fut cité pour un éventuel remariage de Louis XIV. On sait que ce dernier épousa secrètement Mme de Maintenon. Quant à l’Infante Isabelle, elle mourut de la variole, le 21 octobre 1690, à Lisbonne. Elle ne s’était jamais mariée.

Note : Merci de respecter ce travail personnel et de ne pas le reproduire sans citer votre source. 

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