A la cour d'Angleterre

Les enfants de George III et sa succession

Le règne de Victoria Ire est connu de tous. D’abord princesse de Hanovre, elle devient reine d’Angleterre et d’Irlande en 1837, alors qu’elle n’a que 18 ans. En 1876, Victoria prend le titre d’impératrice des Indes. Son règne semble « s’éterniser » jusqu’en 1901. A cette date, la reine est devenue la « grand-mère de l’Europe », ayant des descendants dans toutes les cours européennes et même en Russie. Mais le plus surprenant, c’est l’arrivée de cette reine sur le trône d’Angleterre… un trône dont elle n’aurait jamais dû hériter, étant bien loin sur la liste de succession. 

Revenons sur la famille des Hanovre et notamment sur les enfants du souverain George III. Celui-ci, qui règne sur l’Angleterre de 1760 à 1820, a eu quinze enfants de son épouse, la reine Charlotte de Mecklembourg-Strelitz. Treize d’entre eux atteignent l’âge adulte : sept fils et six filles.

George III, la reine Charlotte et leurs six premiers enfants, par Johan Joseph Zoffany (1770)
George III, la reine Charlotte et leurs six premiers enfants, par Johan Joseph Zoffany (1770)

L’aîné, le prince de Galles George, né en 1762,  est l’héritier du trône. En 1785, il épouse par amour une jeune catholique irlandaise, Marie-Anne Smythe. Fortement endetté (par la construction du Royal Pavillon de Brighton), il doit se séparer d’elle pour épouser sa cousine allemande, Caroline de Brunswick, en 1795. Mais la princesse allemande n’est pas à son gout et c’est presque un miracle que le couple ait réussi à avoir un enfant : en janvier 1796, la princesse de Galles met au monde une fillette baptisée Caroline Charlotte Augusta, et couramment appelée Charlotte.  En 1816, la princesse Charlotte épouse Léopold de Saxe-Cobourg. Après deux fausses couches, une grossesse viable se confirme pour la princesse. Mais l’accouchement se passe mal : après cinquante heures de travail, Charlotte met au monde un fils mort-né le 5 novembre 1817. Le lendemain, Charlotte décède d’une rupture utérine. Elle avait 21 ans. Toute l’Angleterre pleure la jeune princesse – héritière du trône après son père – et l’on écrit que le peuple « n’a plus personne à aimer ».  En effet, les anglais n’aiment guère les fils du monarque George III et le regard du peuple  se tournait déjà vers la princesse Charlotte alors que son père, le prince de Galles, n’était même pas encore roi.  

Charlotte de Hanovre, (esquisse par George Dawe)
Charlotte de Hanovre, (esquisse par George Dawe)

La disparition de la princesse Charlotte pose un problème important dans la famille : qui héritera de la couronne après le prince de Galles ? Son épouse, Caroline de Brunswick – dont il est séparé – va sur ses 50 ans :  il est donc peut probable que le prince de Galles ait un nouvel enfant légitime. En revanche, celui-ci ne se prive pas pour prendre des maîtresses, qu’elles soient comtesses, actrices, ou même dames de compagnie de son épouse, et est le père de plusieurs bâtards.  

En 1820, à la mort de George III, le prince de Galles monte sur le trône sous le nom de George IV. Il a 57 ans. L’année suivante,  Caroline de Brunswick décède. Avant de mourir, elle était convaincue d’avoir été empoisonnée. George IV, qui avait tenté plusieurs fois de divorcer de son épouse, se montre indifférent à l’annonce de son décès. Il songe même à se remarier avec l’une de ses maîtresses, projet inquiétant pour ses frères qui lorgnent déjà sa couronne. Ayant un dangereux penchant pour l’alcool, le roi est souvent victime de la goutte et doit resté alité. Devenu impopulaire, George IV décède le 26 juin 1830.

George IV, par Thomas Lawrence  (vers 1820)
George IV, par Thomas Lawrence (vers 1820)

Le second fils de George III, le duc d’York, décède avant George IV. Né en 1763, Frédéric Auguste était fort cultivé, s’intéressant aux lettres et à la philosophie,  mais n’avait aucun goût pour les armes et la guerre. En 1791, il avait épousé la princesse Frédérica de Saxe, dont il n’avait pas eu d’enfant. Comme son frère aîné, il trompa son épouse, notamment avec Mary Anne Clarke, qui devint sa maîtresse en 1803, lorsque le duc était commandant en chef de l’armée. Mais à l’insu de Frédéric Auguste, Mary Anne vendit des commissions militaires. Lorsque le trafic fut découvert en 1809, le duc d’York fut obligé de démissionner avant d’être finalement blanchi, tandis que sa maîtresse était condamnée à neuf mois d’emprisonnement.  Veuf en 1820, Frédéric Auguste décède en 1827.

A la mort de George IV, c’est donc le troisième fils de George III, le duc de Clarence – né en 1765 – qui ceint la couronne sous le nom de William IV. Prince aimant le beau sexe – comme ses frères – il entretient une liaison avec une actrice irlandaise, Dorothy Jordan, pendant près de vingt ans. Celle-ci lui donne dix enfants, qui seront reconnus sous le nom de « Fitzclarence ». Jusqu’en 1811, le duc de Clarence vit endetté et s’affiche avec sa famille illégitime.  Après la mort de sa nièce Charlotte,  William doit se marier afin d’assurer la dynastie. En 1818, il épouse Adélaïde de Saxe-Meiningen, qui compte vingt-sept ans de moins que lui. L’année suivante, Adélaïde met au monde une fille, prénommée Charlotte, qui ne vit que quelques heures. En 1820, c’est une nouvelle fille qui naît : Elisabeth. Hélas, la petite princesse décède trois mois plus tard.  L’épouse du duc de Clarence connaît encore deux grossesses qui se soldent par une fausse couche, au grand soulagement de sa belle-sœur,  la duchesse de Kent, mère depuis 1819 d’une petite fille. Malgré l’absence d’enfant, William IV et Adélaïde reste un couple soudé.

William IV, par Sir Martin Archer Shee (XIXe siècle)
William IV, par Sir Martin Archer Shee (XIXe siècle)

Le quatrième fils de George III, Edward Auguste, duc de Kent -né en 1767 – est décrit comme « gros et gras » et  hypocrite. Comme ses frères, il est très dépensier et donc endetté. Le duc de Kent n’est pas très apprécié de son père et de ses frères et, jusqu’à son mariage, il vit avec sa maîtresse française. Le 11 juillet 1818, tandis que son frère William  épouse Adélaïde de Saxe-Meiningen, Edward Auguste s’unit avec la cousine de celle-ci, Victoire Marie Louise de Saxe-Cobourg. Née en 1786,  la princesse Victoire est veuve du prince Charles-Emich de Linange dont elle a eu deux enfants.  Le 24 mai 1819, la duchesse de Kent met au monde une fillette baptisée Alexandrina Georgina Victoria. L’enfant se place en quatrième position dans l’ordre de succession derrière ses oncles, le prince de Galles, le duc de Clarence (alors sans enfant) et son père.

En janvier 1820, le duc de Kent décède d’une pneumonie, quelques jours avant la mort de George III. George IV monte alors sur trône. En décembre, la duchesse de Clarence accouche de la petite Elisabeth qui vient rétrograder la jeune Alexandrina dans l’ordre de succession, au grand désespoir de sa mère, la duchesse de Kent. La petite Elisabeth succombe en mars 1821 et bientôt Adélaïde de Saxe-Meiningen annonce une nouvelle grossesse. Celle-ci se soldera par une fausse-couche de jumeaux en 1822.  La duchesse de Clarence n’aura plus d’enfant. 

A la mort de William IV en 1837, c’est sa nièce, Alexandrina, alors âgée de 18 ans, qui devient reine d’Angleterre sous le nom de Victoria Ire . Elle restera toujours très proche de sa tante Adélaïde, la reine douairière, qu’elle fera marraine de sa fille aînée, née en 1840. 

Victoria Ire, par Franz Xaver Winterhalter (1840)
Victoria Ire, par Franz Xaver Winterhalter (1840)

Lorsque Victoria accède au trône, trois de ses oncles sont encore en vie. Ceux-ci ne jouissent pas d’une très bonne réputation et la jeune reine s’en tiendra éloignée.

Cinquième fils de George III, Ernest Auguste, duc de Cumberland – né en 1771 – est un personnage qui attire la méfiance et qui a la réputation d’avoir une « tête d’assassin », tant il est antipathique. Entre autre, il est soupçonné d’avoir assassiné l’un de ses valets. Une rumeur dit également que le duc de Cumberland aurait eu un fils de sa propre sœur, la princesse Sophie Mathilde, sujet qui fait encore débat aujourd’hui. A la mort de son frère William IV, le duc hérite du trône de Hanovre et devient Ernest Auguste Ier (la loi salique en vigueur dans les États allemands ne permet pas à Victoria de ceindre la couronne de Hanovre). En 1815,  il épouse la princesse Frédérique de Mecklembourg-Strelitz, alors âgée de 37 ans et deux fois veuve. Certaines rumeurs avancent que la princesse a assassiné ses deux premiers maris, le prince Louis de Prusse, (mort à l’âge de 23 ans, après trois ans de mariage) et Fréderic Von Solms-Braunfels, (décédé en 1814, à l’âge de 43 ans). Malgré son âge avancé, la duchesse de Cumberland parvient à donner un enfant à son troisième époux,  le futur roi de Hanovre George V, né en 1819. Ernest Auguste Ier décède en 1851, dix ans après son épouse.

Ernest-Auguste de Hanovre, duc de Cumberland, par George Dawe (1828)
Ernest-Auguste de Hanovre, duc de Cumberland, par George Dawe (1828)

Le sixième fils de George III, Auguste Frédéric, duc de Sussex, voit le jour en 1773. C’est un personnage excentrique qui épouse secrètement la fille du comte de Dunmore, Augusta Murray, en 1793. Lorsqu’il l’apprend en 1794, George III exige l’annulation du mariage, lequel est finalement déclaré morganatique.  Le duc de Sussex et son épouse auront deux enfants. Après la mort d’Augusta en 1830, Auguste Frédéric se remarie avec une certaine Cecilia Letitia Gore. Il meurt en 1843.

Le septième fils de George III, Adolphe duc de Cambridge – né en 1774 – est terne et se complaît dans le célibat jusqu’en 1818. Il prend alors pour épouse la princesse Augusta de Hessen-Kassel qui compte vingt-trois ans de moins que lui. Le couple aura trois enfants. Le duc de Cambridge décède en 1850. 

Les filles de George III (de gauche à droite : Augusta, Charlotte et Elisabeth) par Thomas Gainsborough (1784)
Les filles de George III (de gauche à droite : Augusta, Charlotte et Elisabeth) par Thomas Gainsborough (1784)

Quant aux filles de Georges III, tantes de Victoria Ire, elles vivent cloîtrées jusqu’à leur mariage, ce qui explique qu’elles contractent souvent une union tardive. L’aînée, la princesse Charlotte (1766-1828) épouse en 1797 Frédéric Guillaume Ier de Wurtemberg, déjà veuf d’un premier mariage, dont elle n’aura pas d’enfant. La princesse Augusta (1768-1840) ne se mariera pas et restera dans l’ombre. Sa sœur Elisabeth (1770-1840) épouse en 1818  Frédéric VI de Hesse-Hombourg. Ils n’auront pas de descendance, en raison de l’âge fort avancé d’Elisabeth au moment de leur union. La princesse Mary (1776-1857) connaît également un mariage stérile, épousant  à l’âge de quarante ans son cousin, le duc de Gloucester, William Frédéric de Hanovre. Sophie Mathilde (1777-1848) –  soupçonnée d’inceste avec son frère le duc de Cumberland-  parvient à faire  un mariage d’amour avec un général dont elle a un fils, Thomas (1800-1839), qui mourra sans alliance.  La dernière des sœurs, Amélie (1783-1810), elle est la fille préférée de George III. A sa mort prématurée, à l’âge de 27 ans -de la tuberculose – le roi sombrera définitivement dans la folie.

Bibliographie : 

– La dernière reine : Victoria (1819-1901), par Philippe Alexandre et Béatrix de L’Aulnoit 
– Histoire de Guillaume IV, roi d’Angleterre, par Pierre François Bourguignon d’Herbigny
– Victoria : L’apogée de l’Angleterre, par  Guy Gauthier 
– Georges III, par Léon Gozlan

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