Henriette d’Angleterre, charmante belle-sœur de Louis XIV
Henriette-Anne Stuart, appelée couramment Henriette, naît le 16 juin 1644 à Exeter, en Angleterre. Elle est le dernier enfant de Charles Ier d’Angleterre et d’Henriette-Marie de Bourbon. Son enfance n’est pas des plus heureuses : elle voit le jour en pleine guerre civile. Dans un pays protestant, la reine, qui est catholique et de qui le roi accepte tout, déchaîne des révoltes. Pour éviter d’être faite prisonnière – voire tuée – Henriette-Marie doit quitter son époux pour s’enfuir vers la France -son pays natal – avec la petite Henriette qui sera vite délaissée par sa mère. La princesse est élevée par sa gouvernante et par son frère aîné Charles, qui a dû fuir l’Angleterre lui aussi. La petite fille sera traumatisée par la vision de sa mère pleurant la mort du roi Charles Ier, décapité en 1649.
Henriette croit un instant épouser son cousin Louis XIV mais doit se contenter de son frère cadet, Philippe, duc d’Orléans, appelé « Monsieur » en qualité de premier prince du sang. Mariée le 31 mars 1661, son union n’est pas heureuse. Pourtant, Philippe se montre fort content de ce mariage. Entre autre, la nouvelle duchesse d’Orléans, appelée « Madame », est bien plus jolie que la reine Marie-Thérèse d’Autriche, qui a épousé le roi en 1660. Louis XIV n’en revient pas de la beauté d’Henriette qui s’est transformée en une charmante jeune femme. Lui qui la trouvait laide et maigre lorsqu’elle était plus jeune, avait annoncé à son frère, le duc d’Orléans, qu’il allait épouser « les os de Saint-Innocent » (en référence au cimetière du même nom situé près de l’Eglise Saint-Eustache). Philippe se dira amoureux de sa femme durant les quinze premiers jours de leur mariage. Efféminé, il la délaisse vite pour ses favoris.
La reine Marie-Thérèse, qui reste tout au long de la journée dans ses apparentements et qui ne parvient pas à s’exprimer correctement en français, néglige ses obligations de souveraine lors des divertissements. Louis XIV demande alors à sa belle-sœur de prendre la place de son épouse espagnole lors des fêtes, et de paraître telle une reine. Séduite par l’offre du monarque mais également par l’apparence et les goûts de son beau-frère, Henriette se retrouve donc en première ligne lors des divertissements royaux. Louis XIV trouve en elle ce que Marie-Thérèse est incapable de lui offrir : Madame chante et danse à ravir. Elle accompagne donc le roi dans les ballets qui se jouent à la cour, ce que la reine, qui danse bien gauchement, ne serait faire sans paraître ridicule. Intelligente, belle et ayant beaucoup de conversation, Henriette-Anne brille à la cour.
Il existe entre Louis XIV et Henriette une relation où l’on décèle bien plus que de l’amitié. Ni l’un ni l’autre ne sont heureux dans leur union, mariés avec une personne qui ne leur correspond guère. On peut parler d’un amour platonique entre le roi et Madame car il est difficile d’imaginer qu’ils aient pu aller plus loin. Beaucoup s’attendent à ce que le roi prenne une maîtresse mais celle-ci ne peut, en aucun cas, être la duchesse d’Orléans : elle appartient à la famille du monarque, est sa cousine au premier degré mais également l’épouse de son frère cadet. Louis XIV ne peut avoir de relation charnelle avec sa belle-sœur et pour cause : à l’époque le terme de « belle-sœur » n’existe pas : aux yeux de l’Eglise, en épousant Philippe d’Orléans, Henriette est devenue la sœur du roi. Une relation entre eux ne serait pas seulement un double adultère mais également un inceste. Très croyant, Louis XIV ne s’est probablement pas risqué à défier la colère de Dieu en prenant pour maîtresse Henriette d’Angleterre. Cependant, ils sont des amants platoniques, de grands complices et cela finit par irriter Monsieur ainsi qu’ Anne d’Autriche qui tente, tant bien que mal, de dissimuler l’affaire à la reine.
Alors que le duc d’Orléans se plaint à sa mère et fait des scènes de jalousie à sa femme – lui préférant pourtant les hommes – la reine mère tente de remettre le roi sur le chemin de la raison. Pour tenir son épouse à l’écart des fêtes – et donc du monarque – Philippe s’arrange pour qu’Henriette soit constamment enceinte. De 1661 à 1669, la duchesse endure huit grossesses dont quatre seulement sont menées à terme, ce qui met en avant la santé fragile de la jeune femme :
– Marie-Louise (1662-1689), Mademoiselle d’Orléans, épouse Charles II d’Espagne en 1679
– Philippe Charles (1664-1666), duc de Valois
– une fille (mort-née en 1665)
– Marie-Anne (1669-1728), Mademoiselle de Valois, épouse Victor-Amédée II de Savoie en 1684
Se sentant en concurrence avec la reine, Henriette désire mettre au monde un fils lorsqu’elle entame sa première grossesse à la fin de l’année 1661. La naissance d’une fille, en mars 1662, la rend folle de rage et elle parle de la « jeter à la rivière ». Elle croit mourir de chagrin à la mort de son fils unique, le petit duc de Valois, « irréparable perte dont elle ne se releva jamais bien ». Alors enceinte, Madame se montre désolée lorsqu’elle fait une fausse-couche au printemps 1667, dans laquelle les médecins pensent reconnaître un fœtus de sexe masculin. La duchesse doit subir la colère de son époux qui souhaite un enfant mâle pour faire perdurer sa lignée.
Poursuivant toujours ses amours avec Louis XIV, Henriette propose au roi de courtiser publiquement l’une de ses demoiselles d’honneur, pour calmer le duc d’Orléans et Anne d’Autriche. Le regard du roi se porte sur Louise de la Vallière mais, tombant réellement amoureux de la jeune femme, il finit par délaisser sa belle-sœur. Leur relation amoureuse a duré moins d’un an. Madame, de par sa grâce, aura d’autres amants – platoniques ? – dont le favori de son mari, le comte de Guiche, Armand de Gramont. Cette nouvelle liaison attire à la jeune femme les foudres de Philippe d’Orléans qui ne supporte pas que son mignon soit également attiré par son épouse. Délaissée par le roi, méprisée par son mari, Henriette trouve du réconfort auprès de sa fidèle petite chienne, Mimi, avec laquelle elle se fait représenter sur plusieurs portraits peints par Pierre Mignard et Charles Beaubrun.
Etant la sœur du roi d’Angleterre Charles II, Henriette sert d’intermédiaire entre son pays d’origine et la France. Monsieur se montre jaloux de son épouse, à qui le roi confie une mission diplomatique en 1670 alors qu’on refuse à Philippe tout rôle politique. En colère, le duc d’Orléans tente de mettre sa femme enceinte, pour compromettre sa visite en Angleterre, en vain. Ainsi, Henriette parvient à faire signer le traité de Douvres à son frère, le 1er juin (un accord entre les deux pays, alors en conflit).
A son retour en France, elle semble maigre et fatiguée. Le 24 juin 1670, la duchesse se plaint d’une douleur à un côté. Le 28, la douleur n’est toujours pas passée et Henriette confie à son entourage qu’elle ne se sent pas bien. Le 29, elle boit une tasse de chicoré à cinq heures de l’après-midi puis s’effondre, se tordant de douleurs, hurlant qu’elle est empoisonnée. Elle meurt dans la nuit, au château de Saint-Cloud, après avoir dit à son époux : « Vous ne m’avez jamais aimé ». Des soupçons d’empoisonnement se portent sur Philippe et son favori, le chevalier de Lorraine. Louis XIV ordonne une autopsie qui conclue qu’Henriette est morte de façon naturelle, ayant été trop souvent enceinte et d’une santé fragile. Ses organes vitaux sont trouvés dans un état si lamentable que les médecins s’étonnent même que la duchesse ait vécu si longtemps. Pourtant, certaines personnes – dont son frère Charles II, sa fille aînée Marie-Louise, et la seconde épouse de Philippe d’Orléans, la princesse Palatine – resteront persuadées que la duchesse est morte empoisonnée. Henriette est inhumée le 21 aout 1670, à Saint-Denis. Lors de son oraison funèbre, Bossuet aura ces mots restés célèbres : « Madame se meurt, Madame est morte ».
Pour en savoir plus : Louis XIV et les reines de cœur
Bibliographie :
– Les reines de France au temps des Bourbons : les Femmes du Roi-Soleil, par Simone Bertière
– Henriette d’Angleterre, duchesse d’Orléans, par Jacqueline Duchêne
– Monsieur, frère de Louis XIV, par Philippe Erlanger
– Histoire de Madame Henriette d’Angleterre, par Madame de La Fayette (née Marie-Madeleine Pioche de La Vergne)