Qui était Cléopâtre VI ?
Si l’Histoire de l’Egypte a été marqué par le règne de la dernière reine, Cléopâtre VII, les existences d’autres souveraines qui l’on précédée restent obscurs. Ainsi, l’identité de celle qui fut Cléopâtre VI reste entourée de mystères, et on ne sait pas très bien où est sa place dans l’histoire des pharaons de la dynastie des Lagides. En effet, plusieurs hypothèses s’offrent à nous. A vous de vous forger une opinion sur ce mystère de l’Antiquité.
Cléopâtre VI et Cléopâtre V Tryphaena : une seule et même personne ?
Pour certains, il y aurait eu confusion entre Cléopâtre V Tryphaena et Cléopâtre VI. En effet, l’épouse de Ptolémée XII, Cléopâtre Tryphaena (« la magnifique ») porte tantôt le numéro V, tantôt le numéro VI.
La dynastie des Lagides (celle des derniers pharaons de l’Egypte antique) connaît déjà une reine du nom de Cléopâtre V : Cléopâtre V Sélène, fille de Ptolémée VIII et épouse successive de ses propres frères Ptolémée IX et Ptolémée X. Par conséquent, il serait normal que la reine suivante, du nom de Cléopâtre, porte le numéro VI. Pourtant, curieusement, l’épouse de Ptolémée XII est nommée tantôt Cléopâtre V Tryphaena, tantôt Cléopâtre VI Tryphaena. Cela peut venir du fait qu’au départ, la fille de Ptolémée VIII se prénomme seulement Sélène – qui signifie « la lune » – et ne prend le nom de Cléopâtre qu’après son union avec Ptolémée IX.
De ce fait, pour certains, la fille de Ptolémée VIII se nommait Cléopâtre V Sélène et l’épouse de Ptolémée XII, Cléopâtre VI Tryphaena. Pour d’autres, la première se nommait Cléopâtre Sélène et la seconde Cléopâtre V Tryphaena.
Mais si on adhère à la seconde hypothèse, qui pouvait bien être Cléopâtre VI ?
Une sœur cadette de Bérénice IV ?
Il est généralement admis qu’en 58 (avant J.C), alors de Ptolémée XII s’enfuit à Rome, sa fille aînée Bérénice IV est reconnue comme reine et qu’elle règne conjointement avec sa mère. Cependant, on sait que le nom de Cléopâtre V Tryphaena disparaît des monuments et des textes rédigés à partir de 68 (alors qu’en principe le nom de la reine est toujours associé à celui du pharaon). Doit-on en conclure que l’épouse de Ptolémée XII décède en 69, juste après que le pharaon lui ait retiré la co-régence ?
Si on admet que Cléopâtre V Tryphaena est morte à cette date, la Cléopâtre qui prend le pouvoir avec Bérénice IV en 58 peut être la sœur cadette de celle-ci, nommée alors Cléopâtre VI. Ce qui est certain, c’est que celle qui règne conjointement avec Bérénice IV meurt l’année suivante, en 57. Fille cadette de Ptolémée XII et de Cléopâtre V Tryphaena, Cléopâtre VI aurait donc régné quelques mois aux côtés de sa sœur aînée. Cependant, si les historiens admettent qu’un co-règne puisse exister entre une mère et une fille, ils ne comprennent pas pourquoi deux sœurs auraient été portées en même temps sur un seul et même trône. En effet, au sein de la famille des pharaons, on admet difficilement le partage du pouvoir. L’exemple de la dernière reine d’Egypte, Cléopâtre VII, qui fait assassiner sa jeune sœur Arsinoé IV, afin d’écarter toute menace de la part de la dernière survivante de sa famille, est édifiant. Dans de telles conditions, il est difficile d’imaginer qu’un règne conjoint entre deux sœurs ait pu fonctionner.
Une fille de Ptolémée XII morte en bas âge ?
Il est tout à fait possible que Cléopâtre VI soit une fille de Ptolémée XII décédée en bas âge. Dans ce cas, il y aurait bien eu confusion entre Cléopâtre V Tryphaena et Cléopâtre VI qui ne serait qu’une seule et même reine, à laquelle il convient d’attribuer le nom de Cléopâtre VI (par rapport à Cléopâtre V Sélène). La Cléopâtre qui nous intéresse n’aurait donc pas porté de numéro puisqu’elle serait morte jeune. En effet, certaines sources évoquent la naissance d’une Cléopâtre vers 75 (après Bérénice IV et avant Cléopâtre VII) et les égyptologues pensent qu’elle serait morte enfant. Cette Cléopâtre n’aurait donc pas régné. On lui donne parfois pour mère Cléopâtre V (ou VI) Tryphaena. Toutefois, il est généralement admis que seule Bérénice IV était légitime (d’après les écrits de Strabon). Notre Cléopâtre pourrait donc être née d’une concubine de Ptolémée XII et être une sœur aînée de Cléopâtre VII.
Une seconde épouse de Ptolémée XII ?
Officiellement, Ptolémée XII se n’est marié qu’une seule fois, avec sa cousine Cléopâtre V Tryphaena. Cependant, l’historien allemand Werner Huss avance que Ptolémée XII aurait répudié Cléopâtre V en 69 (année de sa disparition des textes officiels), pour épouser une jeune femme noble. Ce ne serait pas la première fois qu’une reine est répudiée, d’autant qu’il est certain que Ptolémée XII retire à Cléopâtre V la co-régence en 69. L’aurait-il renvoyée ensuite ? Cela est tout à fait possible. N’oublions pas que Ptolémée XII est un fils bâtard de Ptolémée IX et qu’il a eu besoin de sa cousine Cléopâtre V Tryphaena (qui descend de Ptolémée X et de Bérénice III) pour asseoir sa légitimité au début de son règne. Dès lors qu’il est pharaon, il a pu vouloir se débarrasser d’une épouse qui lui faisait de l’ombre, par sa prestigieuse ascendance. Ainsi, si on admet que Cléopâtre V décède – ou est répudiée – en 69, il est tout à fait possible que Ptolémée XII ait pris une nouvelle épouse, du nom de Cléopâtre VI.
Dans ce cas, à partir de 58, Bérénice IV aurait régné conjointement avec sa belle-mère, laquelle décède en 57. Si on ignore toute d’une possible seconde union de Ptolémée XII, on peut supposer que sa deuxième épouse appartenait à la même famille, le mariage entre parents étant une tradition chez les Lagides. On peut également supposer que Cléopâtre VI est née d’un premier mariage, lui aussi méconnu, de Cléopâtre V Tryphaena. Cléopâtre VI aurait épousé Ptolémée XII (son beau-père), après la mort (ou l’évincement) de sa mère. Si Cléopâtre VI est bien une seconde épouse de Ptolémée XII, cela confirme alors les écrits de Strabon, lequel ne donne que trois filles à Ptolémée XII (Bérénice IV, Cléopâtre VII et Arsinoé IV). Cléopâtre VI aurait donc pu être une demi-sœur de Bérénice IV, en plus d’être sa belle-mère. Mais là encore, comment expliquer le règne conjoint d’une belle-mère et d’une belle-fille ?
Conclusion possible :
Le règne conjoint de deux sœurs est difficile à admettre, dans une famille où le pouvoir ne se partage pas. De même, le règne d’une belle-mère et d’une belle-fille aurait entraîné des rivalités.
Si Cléopâtre V Tryphaena met au monde une seconde fille, du nom de Cléopâtre, en 75, celle-ci meurt probablement au cours de l’enfance. Il ne faut pas oublier que la mortalité infantile est alors importante. De plus, la consanguinité – très présente chez les pharaons – multiplie les risques de maladies, de fragilité, et emporte bien des enfants en bas âge.
Toute trace de Cléopâtre V Tryphaena disparaissant à partir de 68, on pourrait supposer que la reine est décédée à cette date. Toutefois, on peut également penser que Cléopâtre V est toujours en vie et que son absence des monuments et des textes officiels est volontaire. En effet, Ptolémée XII lui ayant retiré la co-régence, il aurait pu vouloir supprimer le nom de son épouse des textes officiels, afin de la faire tomber dans l’oubli. Rappelons-nous qu’il avait besoin de son épouse au début de son règne pour asseoir sa légitimité. Jaloux de la reine, plus légitime que celui par le sang, qui aurait pu vouloir punir celle-ci en effaçant toute trace de Cléopâtre V dès 68. La reine aurait pu également être répudiée à cette époque, bien qu’aucun texte ne le précise. Ainsi, lorsque Ptolémée XII s’enfuit à Rome en 58, Cléopâtre V Tryphaeana serait réapparue, afin de porter sa fille sur le trône, et, par la même occasion, de se venger de Ptolémée XII qui l’avait écartée du pouvoir. Ayant déjà gouverné, elle aurait ainsi pu former sa fille au « métier » de reine, durant leur co-régence, afin de s’éteindre en 57. La mère de Bérénice IV aurait alors était présentée dans les écrits comme étant Cléopâtre VI Tryphaena, d’où la confusion plusieurs siècles après les faits.
Bien qu’aujourd’hui, il est probable que Cléopâtre V et VI ne soit qu’une seule et même reine, il reste toujours des zones d’ombre et des contractions autour de l’identité de Cléopâtre VI. Les historiens poursuivent leurs recherches et l’énigme de Cléopâtre VI fait toujours débat…
Bibliographie :
– Alexandrie des Ptolémées, par André Bernand
– À la recherche de Cléopâtre, par Franck Goddio
– Cléopâtre : Un rêve de puissance, par Maurice Sartre