A la cour d'Angleterre

Charlotte de Hanovre, l’espoir du peuple anglais

Née le 7 janvier 1796, la princesse Charlotte Augusta de Hanovre est la fille unique du prince de Galles, le futur George IV (1762-1830), et de son épouse, Caroline de Brunswick (1768-1821). Héritière de la couronne de son grand-père George III – après son père – Charlotte est destinée à régner sur l’Angleterre. Sa naissance ne rapproche pas ses parents, qui ne s’entendent pas et se séparent peu après : Caroline est obligée de quitter la cour et de vivre loin de sa fille, que le prince de Galles tente d’élever dans la haine et le mépris de sa mère. C’est le contraire qui se produit : en grandissant, Charlotte montre de plus en plus d’amour pour sa mère et se met à mépriser son père, qui la prive de sa présence et ose s’afficher avec sa maîtresse, Marie-Anne Smythe. Le peuple encourage la jeune princesse à témoigner de l’amour à Caroline, victime, d’après les anglais, de la méchanceté de son mari : « Aimez bien votre mère mignonne ».

La princesse Charlotte, enfant, par Thomas Lawrence
La princesse Charlotte, enfant, par Thomas Lawrence

Alors que le gouvernement entreprend de lui trouver un époux, la princesse Charlotte rencontre Léopold de Saxe-Cobourg, en visite à Londres. Ce dernier entreprend de séduire l’héritière de la couronne tandis que le prince George espère pour sa fille un meilleur parti : il envisage sérieusement de lui faire épouser le roi des Pays-Bas, Guillaume II d’Orange, prétendant plus prestigieux que Léopold. Mais Charlotte n’a pas l’intention d’épouser le candidat choisi par son père. Furieux, le prince de Galles tient sa fille enfermée dans ses appartements en espérant qu’elle change d’avis. La princesse fait alors connaître à son père sa décision : elle désire épouser le prince de Saxe-Cobourg ou personne. 

Charlotte et Léopold en 1817, par Williams Thomas
 Charlotte et Léopold en 1817, par Williams Thomas

En se mariant, la princesse Charlotte espère échapper à la tutelle de son père et avoir d’avantage de libertés. Guillaume II ayant préféré une grande-duchesse de Russie à la princesse anglaise, le prince de Galles, piqué dans son orgueil, autorise sa fille à épouser Léopold de Saxe-Cobourg. Le mariage a lieu le 2 mai 1816, à Londres. Léopold a alors 25 ans et Charlotte en compte 20. Les deux époux s’engagent sans avoir de sentiments l’un pour l’autre et sont tous deux intéressés par l’union qu’ils contractent : Charlotte y gagne une plus grande liberté tandis que Léopold intègre la famille royale d’Angleterre ainsi que l’optique d’être un jour prince consort. Pourtant, les deux époux vont peu à peu se découvrir, se comprendre, et s’aimer. Charlotte, qui a beaucoup souffert d’avoir dû grandir sans sa mère, cache, derrière un fort tempérament, une profonde sensibilité. Son époux parvient à l’apaiser, à l’apprivoiser et on murmure bientôt que la princesse, « nature sauvage » a été  « vaincue par l’amour ». Cette même année, Charlotte fait deux fausses couches qui mettent en avant la constitution fragile de la jeune femme. 

La princesse Charlotte en 1817, par George Dawe (achevé en 1818)
La princesse Charlotte en 1817, par George Dawe (achevé en 1818)

En 1817, Charlotte est de nouveau enceinte et mène, cette fois, la grossesse à terme. Pour l’Angleterre c’est un soulagement. En effet, la princesse est non seulement restée fille unique mais n’a pas de cousins (ou cousines) légitimes. Il est donc essentiel qu’elle mette au monde des enfants. 

Le 3 novembre, Charlotte ressent les premières douleurs de l’accouchement. Celui-ci est long et difficile :après vingt-quatre de travail, il apparaît évident que la princesse n’arrivera pas expulser son enfant et pour cause : celui-ci est placé en position transverse. On se refuse à pratiquer une césarienne, laquelle serait fatale à la future reine d’Angleterre.  Les médecins, impuissants, laissent donc Charlotte en souffrance. Il faudra près de cinquante heures de travail avant que la princesse ne mette au monde un fils, hélas mort-né, le 5 novembre. Épuisée, elle décède le lendemain, 6 novembre, d’une rupture utérine et de plusieurs hémorragies. Toute l’Angleterre est émue par la disparition prématurée de Charlotte, à l’âge de 21 ans, en qui elle mettait tous ses espoirs. Un contemporain note : « le peuple n’a plus personne à aimer ». Sir Richard Croft, l’obstétricien de la princesse, se suicide trois mois plus tard. La disparition de Charlotte, de son fils et du médecin restera dans la mémoire des anglais comme « the triple obstetrical tragedy ».

L'Apothéose de la princesse Charlotte Augusta, par Henry Howard (1818)
L’Apothéose de la princesse Charlotte Augusta, par Henry Howard (1818)

La princesse et son fils mort-né sont inhumés dans la chapelle Saint-Georges, à Windsor. Léopold est abattu de la perte par sa jeune épouse, qu’il avait fini par adorer. A propos d’elle il écrit : « Elle était une bonne et admirable femme. Personne ne pourra connaître ma Charlotte comme je la connaissais réellement« . Le peintre George Dawe, qui avait commencé un portrait de la jeune femme de son vivant, achève son tableau en 1818, la représentant dans le ciel, touchée par les rayons de la lumière divine (portrait ci-dessus). La princesse est  également représentée à titre posthume sur le tableau d’Henry Howard, « L’Apothéose de la princesse Charlotte Augusta », gagnant le ciel avec son enfant. 

L’ombre de la princesse continuera de hanter Léopold : remarié en 1832 avec Louise d’Orléans, il  devient père d’une fille en 1840, laquelle sera baptisée Charlotte, en mémoire de sa défunte épouse. 

Bibliographie : 

– Victoria : le pouvoir partagé, par Monica Charlot 
– Victoria : L’apogée de l’Angleterre, par  Guy Gauthier 
– Georges III et Caroline de Brunswick, par Léon Gozlan
– La saga des Saxe-Cobourg, par Patrick Weber 

Laisser un commentaire