A la cour d'Angleterre

Louise de Keroualle, favorite de Charles II

Celle qui fut la favorite officielle du roi d’Angleterre Charles II pendant quinze ans est d’origine française. Fille de Guillaume de Penancoët, seigneur de Keroualle (ou Keroual) et de Marie de Plœüc, Louise Renée naît en septembre 1649 (probablement le 6), au château de Keroual, à Guilers, près de Brest. Bien qu’issue de la noblesse, les Penancoët n’ont pas de revenus suffisants pour tenir leur rang et vivent modestement. Enfant, Louise est envoyée au couvent Sainte-Ursule de Lesneven, afin d’y faire son éducation. Ses parents songent également à lui faire embrasser une vie de religieuse car il est peu probable qu’elle puisse prétendre à un bon mariage, compte tenu de l’état des finances familiales. Cependant, lorsqu’elle sort du couvent en 1667, Louise est remarquée par François de Bourbon, duc de Beaufort, qui se propose de l’introduire à la cour. Ainsi, en 1668, Louise de Keroualle devient demoiselle d’honneur de Madame, la duchesse d’Orléans, Henriette d’Angleterre.

Les Penancoët espèrent un temps que Louise devienne la nouvelle favorite de Louis XIV mais le roi de France est déjà sous le charme de la marquise de Montespan. Proche de la duchesse d’Orléans, Louise est choisie pour l’accompagner en Angleterre, en 1670 : Henriette est chargée par Louis XIV, son beau-frère, d’une mission diplomatique et, en tant que sœur cadette du roi Charles II, sert d’intermédiaire entre les deux pays. Le traité de Douvres, signé le 1er juin, renforce l’alliance entre la France et l’Angleterre. Un autre projet, plus secret, concerne la conversion de Charles II au catholicisme, alors que l’Angleterre est majoritairement protestante. Au cours de son séjour, Louise ne passe pas inaperçue aux yeux de Charles II, qui est connu pour aimer les femmes, avoir plusieurs maîtresses en même temps et quantité de passades amoureuses. Avant de repartir pour la France, Henriette, comblée de cadeaux par son frère, lui aurait proposé de choisir un bijou dans sa cassette personnelle. Quelle n’est pas la surprise de tous lorsque le roi demande à sa sœur de lui laisser Mlle de Keroualle, « le seul bijou qu’il désire ». La duchesse d’Orléans étant responsable de Louise vis-à-vis de sa famille – et afin que l’intéressée prenne le temps d’y réfléchir – Madame demande quelques mois de réflexion pour sa demoiselle d’honneur.

Mademoiselle de Keroualle, par Godfrey Kneller (vers 1671)
Mademoiselle de Keroualle, par Godfrey Kneller (vers 1671)

De retour en France, Henriette d’Angleterre ne profite pas longtemps de son succès dans la signature du traité de Douvres puisqu’elle décède subitement, le 29 juin. Face aux rumeurs selon lesquelles la duchesse a été empoisonnée, Charles II menace de rompre avec la France. Henriette d’Angleterre était un élément clef de l’entente entre Louis XIV et Charles II, étant très proche à la fois de son frère et de son beau-frère. Sa disparition risque de compliquer les échanges entre la France et l’Angleterre. De son côté Louise envisage, après la mort de Madame, d’entrer au couvent. Apprenant la passion que Charles II nourrit pour elle, Louis XIV persuade la jeune femme de renoncer à son projet. Il voit en elle la personne idéale pour maintenir les liens avec l’Angleterre si elle parvient à gagner la confiance de Charles II. Quant au roi d’Angleterre, il ne tarde pas à proposer à Louise une place de demoiselle d’honneur auprès de son épouse, la reine Catherine de Bragance.

Mlle de Keroualle regagne donc l’Angleterre et intègre la cour. Elle sait que le roi a déjà une favorite officielle, Barbara Villiers, dont il a plusieurs enfants, et qu’il lui arrive également de prendre quelques petites maîtresses, régulières ou éphémères. Mais Louise n’entend pas n’être qu’une passade dans la vie amoureuse du roi. Aussi, elle ne cède pas à ses avances avant d’être assurée qu’elle ne devra pas partager la couche royale avec d’autres femmes. Ce n’est qu’un an plus tard, en 1671, que Louise de Keroualle devient la maîtresse de Charles. Dès lors, elle s’applique à resserrer les liens entre lui et Louis XIV… à tel point que l’on murmure à son sujet : « le ruban de soie qui serre la taille de Mlle de Keroualle unit la France et l’Angleterre ».

Louise de Keroualle, par Peter Lely, en 1672
Louise de Keroualle, par Peter Lely, en 1672

La confiance que Charles II place en sa favorite s’accroît davantage lorsque celle-ci lui donne un fils, le 29 juillet 1672. L’enfant est baptisé Charles et reçoit le duché de Lennox. En remerciement de cette naissance, Louise est faite comtesse de Fareham, baronne de Patersfield et duchesse de Portsmouth en 1673. Les terres offertes par Charles II lui assurent ainsi une grosse rentrée d’argent. En 1675, Louise fait venir sa sœur cadette, Henriette Mauricette, en Angleterre afin de la marier. En effet, malgré l’argent qu’elle fait parvenir à sa famille, la fortune de celle-ci n’est pas suffisante pour permettre à la jeune Henriette de faire un mariage prestigieux et la jeune fille est destinée – tout comme Louise le fut un temps – à entrer au couvent. Charles II unit la sœur de sa favorite à Philippe Herbert, comte de Pembroke. Cette même année, le roi accorde au fils de Louise le titre de duc de Richmond. Malgré cette reconnaissance, la favorite doit faire face aux infidélités de son royal amant. En effet, une jeune femme pour qui Charles II avait eu un penchant étant jeune, Hortense Mancini (devenue duchesse de Mazarin), arrive à la cour d’Angleterre à la fin de l’année 1675, bien décidée à reconquérir le roi. Charles II en fait sa maîtresse sans pour autant délaisser la duchesse de Portsmouth, enceinte pour la seconde fois. Comme la reine, la favorite officielle doit se résigner devant la polygamie du monarque.

En février 1676, Louise fait une fausse-couche qui ruine ses espoirs d’être mère à nouveau. De son côté, Charles II n’a jamais cessé de côtoyer des actrices et des chanteuses. A force de collectionner des passades amoureuses, le roi finit par transmettre à Louise une « chaude-pisse », maladie vénérienne. Dès lors, toute sa vie elle souffrira de troubles gynécologiques, que les médecins de l’époque ne pourront soigner. Plutôt que de s’opposer aux autres maîtresses de Charles II, Louise décide de vivre en bons termes avec elles, pourvu qu’elles respectent sa place de favorite officielle et lui laissent la préséance.

Louise de Keroualle et son fils, par Henry Gascar (1674)
Louise de Keroualle et son fils, par Henry Gascar (1674)

En 1682, Louise fait un séjour à la cour de France où Louis XIV la remercie pour l’alliance que la duchesse maintient entre son royaume et celui de Charles II, malgré les tensions : en Angleterre, les protestants se soulèvent de plus en plus contre les catholiques, accusant la reine, la duchesse de Portsmouth et l’héritier du trône, le duc d’York (frère cadet de Charles II) de trahison. Louise est également soupçonnée par le peuple anglais d’être une espionne à la solde de la France. Des complots se forment et l’aîné des bâtards du roi, le duc de Monmouth, qui est protestant, se voit déjà sur le trône, d’autant plus que Catherine de Bragance ne parvient pas à mener une grossesse à terme. De plus, l’Angleterre a signé un traité de paix avec les Pays-Bas (ennemi de la France) depuis l’union de Guillaume d’Orange – neveu de Charles II – avec la fille du duc d’York, en 1677.

C’est à la cour de France que Louise rencontre Philippe de Bourbon, duc de Vendôme, neveu de son premier protecteur, le duc de Beaufort. Elle tombe sous le charme du prince et, lorsque celui-ci arrive à Londres en 1683, Louise en fait son amant. N’acceptant pas la cour que le duc de Vendôme fait à sa favorite, Charles II lui intime l’ordre de quitter l’Angleterre. Il lui faudra l’appui de Louis XIV pour que Philippe de Bourbon-Vendôme se décide à regagner Paris. En 1684, la favorite acquiert, en France, le duché d’Aubigny-sur-Nère. Depuis quelques années, elle a également la double-nationalité française et anglaise.

Louise de Keroualle "en Thétis", par Pierre Mignard, en 1682
Louise de Keroualle « en Thétis », par Pierre Mignard, en 1682

 Le 14 février 1685, Charles II décède, à l’âge de 54 ans, trois jours après avoir fait une crise d’apoplexie. Sur son lit de mort, le roi a affirmé être catholique. Le nouveau monarque, Jacques II – frère cadet de Charles II – fait vite comprendre à la duchesse de Portsmouth que sa présence n’est plus nécessaire à la cour. En août, Louise quitte l’Angleterre pour regagner la France, avec son fils. Duchesse d’Aubigny, elle s’occupe du mieux qu’elle peut des paysans  vivant sur ses terres. En 1688, elle a une brève liaison avec Henri de Lorraine, duc d’Elbeuf, de douze ans son cadet. Peu à peu, Louise voit ses rentes anglaises diminuer, puis disparaître totalement avec l’arrivée au pouvoir de Guillaume III d’Orange et de Mary II, respectivement gendre et fille de Jacques II, qui renversent le roi en 1689. Adorant le jeu, il arrive à Louise de perdre gros et elle accumule les dettes. Cependant, à chaque fois, Louis XIV suspend les procès que les créanciers intentent à la duchesse.

En 1692, Charles Lennox retourne en Angleterre et, reniant sa foi catholique, devient protestant au grand désespoir de sa mère. Le duc de Richmond fait également allégeance à Guillaume III. Accumulant les dettes, ayant un sérieux penchant pour le jeu, les femmes et la boisson, le duc meurt en 1723, laissant à Louise deux petits-enfants, Charles et Anne Lennox. Louise de Keroualle décède le 14 novembre 1734, dans son hôtel parisien, à l’âge de 85 ans. Aujourd’hui, le prince William d’Angleterre – appartenant à la dynastie des Windsor –  a pour ancêtre Louise de Keroualle à la 11e génération par sa mère, Diana Spencer, qui descend à la fois de Charles et d’Anne Lennox, petits-enfants de la favorite de Charles II.

Bibliographie :

Henriette d’Angleterre, duchesse d’Orléans par Jacqueline Duchêne
Louise de Kéroualle, duchesse de Portsmouth par Henri Forneron
Louise de Kéroualle, presque reine d’Angleterre par Monique de Huertas