Jeanne du Barry
Film franco-belgo-britannique de Maïwenn, avec Johnny Depp et Benjamin Lavernhe, sorti en 2023
La voix du narrateur nous raconte la vie de Jeanne Bécu, comtesse Du Barry, dernière maîtresse en titre de Louis XV. Sa jeunesse est brièvement narrée et portée à l’écran : nous y faisons la connaissance d’une jeune fille pauvre, de basse extraction, mais vive d’esprit, et qui a à cœur de s’instruire. Jeanne se sait jolie et séduisante, mais elle a également compris qu’avoir des connaissances littéraires et de la répartie lui permettront de gravir les échelons dans la société. En outre, elle sait que, pour retenir un amant, sa beauté ne fera pas tout, et qu’être cultivée l’aidera à conserver l’amour de celui qu’elle choisira. Exploitée par son protecteur, Jean Du Barry, Jeanne aspire à autre chose que de passer d’un amant à un autre, selon le bon vouloir de Du Barry. Elle est alors remarquée par l’entourage de Louis XV, qui cherche à lui faire rencontrer une nouvelle femme, suffisamment belle et intelligente pour devenir sa favorite. C’est sur cette partie de la vie de Jeanne, en tant que maîtresse du roi, que se concerne la majeur partie du film.
Bien que le personnage de Louis XV parle peu dans ce long métrage, les quelques mots qu’il prononce, ainsi que ses regards et ses gestes, sont suffisants pour que l’on s’attache rapidement à ce roi déjà âgé (58 ans lors de sa rencontre avec Jeanne) et marqué par les épreuves de la vie (orphelin à l’âge de 2 ans, il a perdu plusieurs de ses enfants et de ses petits-enfants, ainsi que son épouse Marie Leszczynska).
Cependant, bien que cela mette une touche d’humour, le comportement des courtisans – tout comme ce qu’implique l’’Étiquette – est souvent exagéré, tourné en ridicule. L’attitude des filles de Louis XV, envers sa maîtresse, manque également de finesse dans ce long métrage : si on sait que Mesdames ne se privaient pas de condamner publiquement les agissements de leur père, et qu’elle calomniaient ses favorites, elles le faisaient subtilement. Les princesses de France ne se permettaient certainement pas de singer la maîtresse du roi en public, et ce devant le monarque.
Certaines erreurs historiques auraient également pu être évitées, n’apportant rien de plus à l’histoire : ainsi, le film met en scène le mariage de Jeanne avec Jean Du Barry. Or, celui-ci est déjà marié et arrange l’union de Jeanne avec son frère, Guillaume. Ce mariage doit juste permettre à la maîtresse du roi d’avoir un titre et une situation pour paraître à la cour. Guillaume s’efface donc immédiatement après leur mariage.
Le dauphin, futur Louis XVI, avait beaucoup d’affection pour son grand-père, Louis XV. Cependant, il n’affichait pas publiquement sa sympathie à Jeanne Du Barry, car, malgré sa tendresse pour son grand-père, il condamnait son comportement libertin. Très pieux, Louis XVI n’aura pas de maîtresse. Aussi, que le dauphin se lève en pleine messe pour donner sa place à la favorite du roi est une chose bien improbable.
Enfin, le film montre Jeanne revenir ses pas, alors qu’elle s’apprête à quitter la cour, pour un dernier adieux à Louis XV. Tandis que l’entourage du roi refuse qu’elle entre à nouveau dans la chambre de son amant, le dauphin s’interpose (encore une fois, geste invraisemblable) et ordonne qu’on laisse Jeanne pénétrer dans les appartements du roi. Si, à l’écran, ce dernier entretien entre les amants est touchant, mettre en scène la réalité aurait également pu apporter un plus, avec l’interprétation de Johnny Depp : en effet, d’après le témoignage du valet Laborde, Louis XV demande à ce que rappelle Mme Du Barry peu après l’avoir congédiée. On lui indique alors « Elle est partie Sire », ce à quoi le roi répond tristement « Quoi, déjà !… » .
Un film touchant, de par le travail sur la psychologie des personnages et quelques petites touches d’humour. Une mention particulière à Benjamin Lavernhe, qui nous offre un Laborde tantôt protecteur envers la comtesse Du Barry, et tantôt instructeur, afin que la jeune femme ne se fasse pas dévorer par l’univers hostile de la Cour de Versailles.