L'Histoire portée à l'écran

Versailles : saison 3

Série historique et fictionnelle, créée par Simon Mirren et David Wolstencroft, diffusée en 2018 sur Canal +

Dans cette ultime saison, Louis XIV est convaincu de sa toute-puissance depuis qu’il a vaincu Guillaume d’Orange. Le roi désire désormais étendre son pouvoir en Espagne, où le roi Charles II reste sans hériter. Parallèlement, à Paris, la colère gronde car le peuple est écrasé par les impôts qui financent les guerres du roi…

Encore une fois, la chronologie n’est pas respectée et les erreurs historiques sont nombreuses :

Après la guerre de Hollande (1672-1678), Louis XIV accueille à Versailles l’un des grands perdants : l’empereur Léopold Ier. En réalité, ce dernier ne fit aucun séjour à la cour du roi.

Dans la série, la reine Marie-Thérèse devient la maîtresse de Léopold Ier, fatiguée par les liaisons extra-conjugales de Louis XIV, et complote contre la France pour que la couronne d’Espagne – détenue alors par son demi-frère Charles II – aille à l’empereur. En réalité, on ne connaît aucun amant à Marie-Thérèse, connue pour sa grande piété, et celle-ci ne s’est jamais mêlée de politique. Très attachée à son époux, elle cherchait à lui plaire, soutenant les guerres qu’il menait parfois en son nom. Louis XIV avait d’ailleurs une grande confiance en sa femme, allant jusqu’à lui laisser la régence du royaume lors de ses absences.

A l’écran, Louis XIV fait entrer son frère, Philippe d’Orléans, au Conseil, et lui donne des missions qui touchent à la politique. C’est oublier que le Roi-Soleil entendait régner seul : à partir de 1661 sa mère, Anne d’Autriche, fut exclue de son Conseil. De même, Louis XIV refusera toujours que son épouse y prenne place. Quant à Monsieur, il ne prenait aucune part dans les affaires du royaume, le roi ne voulant pas prendre le risque que son frère puisse un jour lui faire de l’ombre et/ou prendre goût au pouvoir.

Mme de Montespan, favorite déchue, est contrainte de s’exiler au début de la saison 3, soit à la fin des années 1670. Or, à cette période, la marquise est encore la maîtresse officielle du roi et l’Affaire des Poisons n’a pas encore éclaté. Même après la fin de sa faveur, Mme de Montespan restera encore de nombreuses années à Versailles, en tant que mère des enfants légitimés de Louis XIV. Ce n’est qu’en 1691 que la marquise quittera la cour.

Alexander Valhos (Philippe d’Orléans) et Georges Blagden (Louis XIV)
Alexander Valhos (Philippe d’Orléans) et Georges Blagden (Louis XIV)

La série met en avant l’ascension de Mme de Maintenon, ancienne gouvernante des enfants de Mme de Montespan. Cependant, celle-ci résiste au roi, désirant une relation platonique, et lui fournit des jeunes et jolies filles destinées au plaisir de la chair. En réalité, Mme de Maintenon n’eut jamais ce rôle de maquerelle et il est probable qu’elle céda aux avances du roi dès 1674, alors qu’Athénaïs de Montespan était encore la favorite officielle. Le scénario a pu s’inspirer des actions de Mme de Pompadour, favorite de Louis XV, qui lui trouva des petites maîtresses dès lors que leur liaison charnelle était terminée. Cela lui permit de demeurer favorite officielle, de conserver l’amitié du roi et l’influence qu’elle avait sur lui, tout en se protégeant d’une éventuelle rivale.

A l’écran, Mme de Maintenon entre également au Conseil du roi, et exerce une grande influence sur le roi, allant jusqu’à parler en son nom. Or, Louis XIV s’était donné pour principe de ne jamais mélanger les affaires de cœur avec les affaires de l’État. Dès lors, aucune de ses maîtresses n’eut d’influence sur les décisions politiques du souverain. De plus, la marquise de Maintenon n’étant ni membre de la famille royale, ni ministre, elle n’aurait donc eu aucune légitimité à siéger au Conseil.

Dans la série, fort de son influence sur le roi, Mme de Maintenon se permet d’enlever son fils nouveau-né à la princesse Palatine (épouse du duc d’Orléans), afin qu’il soit élevé loin de la cour. Dans la réalité, le petit Philippe, né en 1674 (duc de Chartres et futur Régent), est élevé à Saint-Cloud, la cour ne s’étant pas encore fixée à Versailles (1682). Quant à Mme de Maintenon, elle n’avait pas autant de pouvoir pour décider de retirer un enfant royal à sa mère. Cependant, il était alors d’usage que les jeunes princes et princesses soient élevés loin de la cour.

Catherine Walker (Mme de Maintenon) et George Blagden (Louis XIV)
Catherine Walker (Mme de Maintenon) et George Blagden (Louis XIV)

A l’écran, la reine est assassinée – empoisonnée sur ordre de Léopold Ier– et semble possédée par le diable dans ses derniers instants. En réalité, Marie-Thérèse meurt d’un abcès sous le bras gauche, mal soigné par les médecins, qui la mène au tombeau en quatre jours.

Dans la série, suite à la mort de son épouse (née infante d’Espagne) Louis XIV souhaite marier sa nièce à Charles II d’Espagne pour conserver des droits sur ce royaume. Pourtant, le roi de France n’a pas besoin de cette union pour avoir des droits en terre espagnole : la dot de Marie-Thérèse n’ayant pas été réglée intégralement, Louis XIV peut revendiquer des territoires espagnols. De plus, Marie-Thérèse décède en 1683 et Charles II est marié depuis 1679 à la nièce de Louis XIV, Marie-Louise d’Orléans. Le chronologie n’est donc pas respectée. Le couple n’aura pas d’enfant et dans son testament, Charles II désignera comme successeur le duc d’Anjou, petit-fils de Louis XIV et de Marie-Thérèse.

Dans le scénario, Louis XIII aurait eu un enfant de sa maîtresse, Louise de la Fayette, en 1637, avant la naissance de Louis XIV. Rien ne vient appuyer cette thèse. En revanche, la reine d’Anne d’Autriche a été soupçonnée d’avoir eu un enfant illégitime cette année là. Dans un cas comme dans l’autre, l’existence d’un bâtard (né hors mariage) ne représentait aucun danger pour Louis XIV, né légitime, et ne remettait pas en cause la succession de Louis XIII.

Dans la série, les registres font mention de quatre enfants mort-nés pour Louis XIII et Anne d’Autriche, avant la naissance de Louis XIV. En réalité, la reine n’a pas accouché mais a fait quatre fausses couches, dans les premières semaines de ses grossesses. Les registres des naissances ne gardent, par conséquent, aucune trace de ces interruptions de grossesse. Seuls les écrits des mémorialistes et des chroniqueurs de l’époque font mention de ces fausses-couches.

Jessica Clark (la princesse Palatine), Alexander Vlahos (Philippe d'Orléans), Evan Williams (le chevalier de Lorraine)
Jessica Clark (la princesse Palatine), Alexander Vlahos (Philippe d’Orléans), Evan Williams (le chevalier de Lorraine)

A l’écran, Louis XIV – en froid avec Rome – se proclame chef de sa propre Église et rompt ainsi tout lien avec le Vatican. Une telle chose n’est jamais arrivée, contrairement à ce qui s’est passé en Angleterre lorsqu’Henry VIII a adopté l’anglicanisme en 1534, afin de pour divorcer de la reine et épouser sa maîtresse.

A la mort de la reine Marie-Thérèse, il est question du remariage du roi avec l’Infante Isabelle du Portugal. Dans la série, celle-ci vient à Versailles et rencontre Louis XIV ainsi que le dauphin et semble déjà adulte. En réalité, l’Infante, née en 1669, n’a que 14 ans lorsqu’il est question du remariage de Louis XIV en 1683. La princesse dut pressentie pour épouser le dauphin, puis le roi de France, mais les négociations n’aboutirent pas. Isabelle du Portugal ne fit aucun séjour à la cour de France.

Dans le scénario, Louis XIV ayant épousé Mme de Maintenon, il propose à l’Infante de rencontrer le dauphin, dans l’éventualité d’une prochaine union. Dans la réalité, le dauphin est déjà marié, ayant épousé Marie-Anne de Bavière en 1680. En 1683, le fils de Louis XIV est déjà père d’un garçon et la dauphine est enceinte de son deuxième enfant (le duc d’Anjou, futur roi d’Espagne Philippe V).

A l’écran, les ministres Louvois et Colbert sont proches, malgré quelques différends, depuis le début de la saga. Or, les deux hommes se haïssent et intriguent l’un contre l’autre : durant l’Affaire des Poisons, Louvois espère renverser Colbert (proche de Mme de Montespan) et prendre sa place de Surintendant des bâtiments (ce qu’il obtient à la mort de ce dernier).

La série met en scène la mort de Jean-Baptiste Colbert, Contrôleur général des Finances. A l’écran, le ministre de Louis XIV meurt à Versailles, après le mariage du roi et de Mme de Maintenon (qui a lieu dans la nuit du 9 au 10 octobre 1683). En réalité, Colbert décède avant le remariage de Louis XIV, le 6 septembre 1683, à Paris.

Georges Blagden (Louis XIV) et James Clack (le dauphin de France)
Georges Blagden (Louis XIV) et James Clack (le dauphin de France)

A l’écran, le ministre de la Guerre, Louvois, indique de sa mère, a vécu jusqu’à l’âge de 95 ans. Nous somme alors en 1683. En réalité, la mère du marquis de Louvois, née Elisabeth Turpin, est décédée en 1698 à l’âge de 90 ans.

Le scénario fait état de la révocation de l’Édit de Nantes. Or, la saison 3 s’achève en 1683 et Louis XIV ne révoque l’Édit de son grand-père qu’en 1685.

Dans la série, Louis XIV rend publique son union avec Mme de Maintenon, dès le lendemain du mariage. C’est une erreur historique majeure, le roi ayant été très discret – et énigmatiquement – sur la véritable place de la marquise de Maintenon dans sa vie. Même après son mariage morganatique, le roi continue les pourparlers en vu d’épouser une princesse étrangère. Quant à Mme de Maintenon, elle respectera l’Étiquette, ne prenant jamais le pas sur les princes et princesses du sang. L’union de Louis XIV ne sera jamais rendue publique, alimentant les rumeurs, le roi prenant pour habitude de travailler avec ses ministres dans les appartements de la marquise. C’est grâce aux correspondances de l’époque, que les historiens ont pu avancer que le roi avait épousé secrètement sa maîtresse.

Cette ultime saison de Versailles prend énormément de libertés avec l’Histoire et multiplie les erreurs chronologiques et historiques. Si la série reste un bon divertissement, avec de nombreux rebondissements (notamment concernant l’énigme du Masque de Fer), elle ne reflète pas ce que fut le véritable règne de Louis XIV.