Historia

Duels : le rituel de l’honneur et du sang

A l’occasion de l’exposition «Duels, l’art du combat » qui se tient à Paris au Musée de l’Armée (les Invalides), le magazine Historia revient sur cette pratique très codifiée, qui a progressivement évolué au fil du temps, passant d’un moyen destiné à se faire justice à un sport, à travers l’escrime.

Le mot « duel » va de paire avec la bravoure et la dignité. L’homme qui se sent insulté demande « réparation » à celui qui l’a outragé, afin de pouvoir laver son honneur, quitte à y laisser la vie. Pour beaucoup, cette situation romanesque renvoie aux « Trois Mousquetaires » d’Alexandre Dumas, où des esprits chevaleresques croisent le fer pour l’honneur. Mais dans la réalité, de nombreux duels sont déclenchés par orgueil, pour des motifs dérisoires, et on les trouverait ridicules s’il n’y avait un réel risque de mort, destin qui attend le vicomte de Valmont, dans le roman « Les liaisons dangereuses ».

Si le duel existe depuis le Moyen-Age, cette pratique devient un véritable fléau dans la France de l’Ancien Régime. La noblesse y a recours, pour régler un différend qui entache l’honneur de « l’offensé ». Celui-ci fait alors appel au roi, pour affronter « l’offenseur » au cours d’un duel, qui prend une dimension judiciaire, puis qu’il est approuvé par le pouvoir royal. Le duel est cependant codifié et encadré et on ne peut y avoir recours que pour les crimes capitaux (meurtre, viol, trahison). Dans la croyance populaire de l’époque, le vainqueur du duel sera forcément l’innocent car Dieu ne peut laisser mourir celui qui est dans son bon droit. Pour le vaincu, c’est la mort et le déshonneur (même s’il s’agit de l’offensé). On comprend pourquoi les membres de la noblesse apprennent très tôt à manier l’épée…

Cependant, les motifs des duels évoluent et de plus en plus ne sont engagés qu’en raison d’une hyper-susceptibilité. Aussi, les duels se voient interdits dès la Renaissance… ce qui n’empêche pas les hommes de s’affronter à l’abri des regards, à l’aube dans un lieu tranquille, sous le regard de quatre témoins. Par conséquent, les ordonnances se multiplient sous le règne des Valois puis des Bourbons, rappelant que les hommes ne peuvent usurper le droit de justice au souverain. Sous Louis XIII, les duellistes sont mêmes passibles de mort. Si le pouvoir royal est si ferme, c’est que la noblesse tire l’épée pour des motifs souvent irrationnels (un mot de travers…), privant le royaume d’une fine lame qui aurait pu servir la couronne. Historia revient sur des duels qui ont marqué l’Histoire par leur fin tragique, à l’exemple de ceux livrés par François de Montmorency (1627) ou Henri de Sévigné (1651), l’époux de la célèbre épistolière.

Le duel judiciaire attirait déjà les curieux pour sa mise en scène et sa scénographie. Aussi, à la fin du XVIIIe siècle, le duel acquiert une nouvelle dimension, passant d’un règlement de compte à une rencontre sportive, grâce au gala d’escrime. Il n’est plus question de laver son honneur mais d’une compétition courtoise, devant un public. En Angleterre, le « duel spectacle » entre le chevalier de Saint-George et le chevalier d’Éon (qui combat habillé en femme) régale la noblesse londonienne en 1787. Désormais il s’agit de démontrer son talent à manier l’épée plutôt que de blesser (voire tuer) l’adversaire.

"The Fencing-match" (Assaut d’armes entre le chevalier d’Eon et Saint George), par Alexandre-Auguste Robineau (1787)
« The Fencing-match » (Assaut d’armes entre le chevalier d’Eon et Saint George), par Alexandre-Auguste Robineau (1787)

Après la Révolution Française, et l’instauration de la République, un grand nombre de différends entre hommes politiques se réglera – encore – par le duel… à ceci près que l’épée est remplacée par le pistolet. Doit-on y voir une nostalgie et/ou une fascination pour l’époque où il était glorieux de défier l’adversaire en duel pour défendre son honneur ? A ceci près qu’au XIXe siècle, les motifs de ces affrontements sont souvent absurdes car il s’agit essentiellement de divergences politiques. Découvrez comment certaines séances houleuses entre parlementaires ont débouché sur des joutes (au premier sens du terme), dans un pré…

Mais ces nouveaux affrontements au pistolet dérangent de plus en plus. Dès lors que cette arme occasionne des blessures plus graves et augmente le risque de mort, le duel est désormais perçu comme un assassinat prémédité. Il faudra le déclenchement de la Première Guerre Mondiale pour que le duel passe de mode, en raison des nombreuses de vie perdues au cours du conflit…

Dans ce numéro, l’historien Jean-François Solnon revient également sur la mort étrange d’Henriette d’Angleterre, belle-sœur de Louis XIV, qui disparaît soudainement à l’âge de 26 ans, persuadée d’avoir été empoisonnée…

mensuel N° 929 / mai 2024