Destins brisés

Louise-Hippolyte Grimaldi, princesse de Monaco

Seconde fille du prince de Monaco Antoine Ier et de Marie de Lorraine, Louise-Hippolyte Grimaldi naît le 10 novembre 1697. Sa naissance est une déception car, après le décès d’une première fille l’année précédente, le couple princier espérait la venue d’un garçon. Louise-Hyppolite est suivie de quatre sœurs, mais le fils tant attendu ne viendra pas. C’est d’autant plus rageant pour le prince régnant, qui a eu plusieurs bâtards de ses maîtresses. Dès lors, la fille aînée d’Antoine Ier devient l’héritière de la principauté de Monaco. Pour pouvoir succéder à son père, Louise-Hippolyte doit convoler avec l’un de ses cousins Grimaldi ou épouser un homme qui acceptera d’adopter son nom et ses armoiries. Si ces conditions ne sont pas remplies,  Monaco passerait sous autorité français. 

Lorsque l’on songe à marier la princesse, Louis XIV soutient la candidature de Jacques Goyon de Matignon, comte de Thorigny, descendant de l’une des plus anciennes noblesses de Bretagne. Le Roi-Soleil souhaite ainsi consolider l’influence de la France à Monaco.  Quant au comte de Thorigny,  il apporte assez d’argent pour renflouer les caisses de Monaco et il a grand intérêt à épouser Louise-Hippolyte puisqu’elle est l’héritière du trône.  Antoine Ier doit donc négocier avec Louis XIV afin que les enfants nés de la future union de Louise-Hippolyte et de Jacques Goyon de Matignon portent le nom de Grimaldi, pour pouvoir succéder à leur mère. La chose étant conclue, Louis XIV octroie  au futur marié le titre de duc de Valentinois, en juillet 1715. Alors qu’elle n’a pas encore 18 ans, Louise-Hippolyte épouse le comte de Thorigny, le 20 octobre 1715 et devient duchesse de Valentinois. 

Louise-Hippolyte Grimaldi, par Jean-Baptiste Van Loo (vers 1720)
Louise-Hippolyte Grimaldi, par Jean-Baptiste Van Loo (vers 1720)

Le mariage de Louise-Hippolyte ne sera pas heureux : Jacques Goyon de Matignon préfère la cour de Versailles à Monaco et réside à Paris de façon quasi-permanente, multipliant les infidélités et entretenant plusieurs maîtresses. Quant à Louise-Hippolyte, elle se retrouve totalement isolée à Monaco, ne pouvant quitter trop souvent la principauté à cause de ses obligations. Malgré l’indifférence que son mari a pour elle, la duchesse de Valentinois est très amoureuse de lui, comme en témoignent de nombreuses lettres qu’elle lui écrit, et dont voici un extrait : « Je vous jure que toute ma vie je ne cesserai de vous aimer aussi tendrement que je l’ai fait depuis quinze ans [..]. C’est une justice que vous me devez d’avoir un peu d’amitié pour la personne du monde qui vous aime le plus parfaitement et avec la tendresse la plus sincère qu’il n’y aura jamais ». A cet époux trop souvent absent, qui lui fait de rares visites à Monaco et qu’elle voit occasionnellement à Paris, Louise-Hippolyte donne quand même neuf enfants, dont six survivent à la petite enfance :

– Antoine Charles Marie (1717-1718), marquis des Baux
– Charlotte Thérèse Nathalie (1719- 1790), Mademoiselle de Monaco, religieuse
– Honoré III (1720-1795), prince de Monaco, épouse en 1757 Marie-Catherine de Brignole-Sale (dont postérité)
– Charles Auguste Marie (1722-1749), comte de Matignon (sans alliance)
– Jacques (1723-1723)
– Louise Françoise (1724-1724), Mademoiselle des Baux
– François Charles (1726-1743), comte de Thorigny (sans alliance)
– Charles Maurice (1727-1798), comte de Valentinois, épouse en 1750 Marie-Christine de Rouvroy de Saint-Simon (sans postérité)
– Marie-Françoise Thérèse (1728-1743), Mademoiselle d’Estouteville (sans alliance)

Louise Hippolyte Grimaldi, duchesse de Valentinois, par l’Ecole française (vers 1730)
 Louise-Hippolyte Grimaldi, duchesse de Valentinois, par l’Ecole française (vers 1730)

Lorsqu’ Antoine Ier décède le 20 janvier 1731, Louise-Hippolyte monte sur le trône, qu’elle compte partager avec son époux. Si la jeune femme est très aimée par les monégasques, ces derniers ont du mal à accepter le duc de Valentinois comme leur souverain et ne veulent reconnaître que la seule autorité de Louise-Hippolyte.  De ce fait, Jacques abandonne une fois de plus son épouse à Monaco pour retourner en France. Pourtant, dans ses fonctions, la princesses agit toujours conjointement, en son nom et en celui de son époux, afin de bien marquer le rôle qu’elle accorde à ce dernier.  Elle demande également à ce que les pièces de monnaie soient désormais frappées à l’effigie du nouveau couple princier. Enfin, l’épouse délaissée démontre clairement son amour pour Jacques, en faisant rédiger un texte qui annonce la co-souveraineté avec le duc de Valentinois  : « Je déclare que nous gouvernerons conjointement ensemble ne voulant rien et n’étant sensible à rien que ce ne soit avec, bien fâchée de ne pouvoir partager quelque chose de plus considérable mais le zèle et l’attachement de ce peuple et le mien doit suppléer à la petitesse de nos Etats ».

Louise-Hippolyte gouverne avec une douceur et une sollicitude qui lui valent le surnom de la « bonne princesse Louise ». Parmi ses actions, on note celle qui interdit de porter un fusil librement dans la principauté, ainsi que des sanctions prises contre les auteurs de textes ou de chansons diffamatoires. Lorsque le duc de Valentinois se décide à revenir à Monaco, au mois de mai 1731, il doit faire face au mépris des anciens conseillers d’Antoine Ier, qui tolèrent mal qu’un français porte désormais les armes des Grimaldi et soit appelé à gouverner. Trois mois plus tard, Louise-Hippolyte est nouveau abandonnée par son mari qui, mal accepté par le peuple, s’en retourne à Paris. Il ne reverra jamais son épouse. 

Jacques Ier, prince de Monaco, par Nicolas de Largillière (1731)
Jacques Ier, prince de Monaco, par Nicolas de Largillière (1731)

Louise-Hippolyte souffre de cette nouvelle séparation d’avec Jacques et doit faire face, seule, à une épidémie de variole, qui frappe Monaco. En novembre, elle reçoit une lettre de son époux, qui se plaint du peu de considération qu’ont pour lui les monégasques. Frustré par les moqueries dont il est la cible (en tant que mari qui ne règne qu’à travers sa femme), le duc de Valentinois annonce à Louise-Hippolyte qu’il cesse de correspondre avec elle, et qu’il demeurera à la cour de Versailles. La princesse accuse le coup et dévoile, une fois de plus, les sentiments qu’elle éprouve pour Jacques, par la réponse qu’elle lui adresse : « Je supporterai [cet arrêt] sans me plaindre de vous et continuerai toujours à vous demander de vos nouvelles […] Je finis en vous réitérant toutes les assurances de mon attachement et de ma tendresse, lesquelles ne changeront jamais ». 

Malheureuse face à l’échec de son mariage, Louise-Hippolyte contacte la variole et décède le 29 décembre 1731, après seulement onze mois d’un règne qu’Antoine Ier avait soigneusement préparé.  Elle n’avait que 34 ans. Les monégasques pleurent leur princesse, dont le règne a été trop court, et sont inquiets pour l’avenir de la principauté. Louise-Hippolyte est inhumée dans la cathédrale Saint-Nicolas de Monaco, lieu de sépulture des Grimaldi. Avec la disparition de son épouse, le duc de Valentinois doit retourner à Monaco. Il est reconnu comme prince souverain et intronisé sous le nom de Jacques Ier, mais  ne sera jamais accepté par le peuple, qui lui reproche d’avoir délaissé la principauté et son épouse. Par ailleurs, le duc de Valentinois ne semble pas avoir de goût pour le pouvoir et c’est presque contraint qu’il doit assurer une régence au nom de son fils aîné. Au cours de cette période, Jacques Ier compte beaucoup sur l’aide du chevalier de Grimaldi, Antoine-Charles (fils naturel et légitimé d’Antoine Ier, né en 1697), qu’il nomme Gouverneur-général de la principauté de Monaco, en 1732.

La famille du duc de Valentinois, par Pierre Gobert (vers 1730) : les six enfants de Louise-Hippolyte et Jacques posent sous le portrait de leurs parents
La famille du duc de Valentinois, par Pierre Gobert (vers 1730) : les six enfants de Louise-Hippolyte et Jacques posent sous le portrait de leurs parents

En 1733, Jacques Ier abdique en faveur de son fils, qui vient d’atteindre sa majorité – 13 ans.  Le jeune prince monte alors sur le trône sous le nom d’Honoré III, le 7 novembre 1733. Son père abandonne son titre de « prince de Monaco » et reprend celui de duc de Valentinois. Il quitte la principauté pour Paris où il s’établit dans son hôtel de Matignon. Malgré la proposition de la duchesse du Maine d’épouser sa fille – agrémentée d’une forte dot – le père d’Honoré III ne se remarie pas, et décède en 1751, à Paris, loin de Monaco. Le prince actuel de la principauté, Albert II, descend en ligne directe de Louise-Hippolyte et de Jacques Ier. 

Bibliographie : 

Les Grimaldi : 700 ans d’une dynastie, par Philippe Delorme
La saga des Grimaldi, par Jean Des Cars 
Monaco et ses princes, par Henri Métivier