Marie de Bourbon-Montpensier, épouse de Gaston d’Orléans
Fille d’Henri de Bourbon (1573-1608), duc de Montpensier, et d’Henriette-Catherine de Joyeuse (1585-1656), Marie naît le 5 octobre 1605, au Château de Gaillon (en Normandie). Les Montpensier et les Joyeuse sont des familles puissantes et proches du pouvoir royal : l’oncle d’Henriette-Catherine, le duc Anne de Joyeuse, était l’un des favoris d’Henri III. Quant au duc de Montpensier, c’est un lointain cousin du roi Henri IV. Gouverneur de Normandie, il a prouvé sa valeur en combattant pour le roi contre les espagnols, en Flandres, en Picardie et en Artois. Henri IV confie au duc de Montpensier les missions les plus difficiles, en raison de ses talents militaires. Blessé par une arquebuse au siège de Dreux, en 1594, Henri de Bourbon ne parviendra jamais à se remettre de cette blessure, ce qui ne l’empêche pas de continuer à guerroyer pour servir la couronne . Il décède en février 1608, âgé de 34 ans, laissant la petite Marie fille unique. Le roi est affligé par la mort de son cousin et dira de lui : « Il avait toujours aimé, servi son roi, bien fait à plusieurs et jamais fait de tort à personne ».
Bien qu’elle vive aux côtés de sa mère, Mademoiselle de Montpensier est placée sous la tutelle de son grand-oncle maternelle, le cardinal François de Joyeuse (qui aura l’honneur de sacrer la reine Marie de Médicis en 1610). Henriette-Catherine se remarie en 1611 avec le duc de Guise, Charles de Lorraine.
Peu avant le décès de son père, la petite Marie avait été fiancée au second fils d’Henri IV, le jeune duc d’Orléans, né en 1607. Lorsque celui-ci meurt prématurément en 1611, Mademoiselle de Montpensier est aussitôt fiancée au troisième fils du défunt Henri IV, Gaston, duc d’Anjou (né en 1608). Si la régente Marie de Médicis maintient cette future union entre l’un de ses fils et Marie, c’est qu’elle est proche de sa mère, la duchesse de Joyeuse. Mais c’est aussi parce que Mademoiselle de Montpensier est à la tête d’une immense fortune et accumule, à la disparition de son père, vingt-huit titres en biens et apanages, dont les principautés de Dombes et de La Roche-sur-Yon, des duchés, un marquisat et plusieurs comtés. Ses possessions rapportent à la jeune femme un revenu annuel de 330 000 livres, ce qui fait d’elle la plus riche héritière de France. Marie de Médicis, que l’on ne peut qualifier de mère particulièrement aimante envers ses enfants, ne cesse pourtant d’appeler Mademoiselle de Montpensier « ma fille » et de la choyer comme si elle faisait déjà partie de la famille royale.
Bien que le mariage entre la jeune duchesse de Montpensier et le duc d’Anjou soit arrêté depuis longtemps, ce projet rencontre de plus en plus d’hostilités les années passant. En effet, mariés depuis 1615, Louis XIII et Anne d’Autriche n’ont toujours pas d’enfant. Aussi, la jeune reine s’oppose au mariage de Gaston, redoutant qu’il ait une descendance avant elle et le roi. Le danger est d’autant plus grand qu’à la cour, le duc d’Anjou compte de nombreux partisans qui le verraient bien monter sur le trône. Quant à Gaston, il ne semble pas apprécier que l’on décide de son union et se montre réticent à convoler avec Marie de Bourbon-Montpensier. Un parti de « l’aversion au mariage » se constitue autour de Gaston, tandis que, dans le même temps, des proches du prince fomentent un complot. Leur but : assassiner le cardinal de Richelieu, ministre principal de Louis XIII, et renverser le roi pour mettre le duc d’Anjou sur le trône (avec peut-être l’idée de lui faire épouser Anne d’Autriche !). La conspiration est éventrée au cours de l’été 1626. Si, en tant que frère du roi, Gaston est intouchable, ce n’est pas le cas d’autres membres de la noblesse, qui l’ont soutenu : le comte de Chalais est décapité en juillet, tandis que plusieurs nobles sont exilés ou emprisonnés.
Gaston a désormais 18 ans, et la reine mère presse Louis XIII de lui faire épouser Marie de Bourbon-Montpensier. Le roi ne voit toujours pas d’un bon œil cette union, qui renforcerait la position de son frère, lequel serait lié à la puissante famille des Guise (la mère de Mademoiselle de Montpensier ayant convolé en secondes noces avec Charles de Guise). Mais pour Marie de Médicis, il est grand temps de marier son fils cadet car elle craint désormais que l’union de Louis XIII ne reste stérile. Dès lors, il faut absolument que le duc d’Anjou convole rapidement, afin d’avoir des enfants mâles. Ainsi, Marie de Médicis aurait une descendance masculine, ce qui empêcherait les Condés (les plus proches cousins du roi) de s’emparer de la couronne. Malgré ses réticences – et celles de Richelieu – Louis XIII, fatigué des conflits avec sa mère, cède. Il faut maintenant convaincre le principal intéressé, qui semble avoir une aversion pour la jeune Marie de Montpensier, avançant que sa promise lui semble laide et fière « comme un dragon ». Après de violentes disputes entre les deux frères, Gaston est contraint par son aîné d’épouser sa lointaine cousine. En consentant à ce mariage, Gaston obtient cependant du roi une contrepartie non négligeable, suggérée par Richelieu : les duchés d’Orléans et de Chartres.
L’union entre Gaston et Marie est célébrée le 6 août 1626, à Nantes. Un témoin note : « Il ne fut jamais vu de mariage si triste […] Monsieur [Gaston] n’avait même pas un habit neuf. On entendit ni violons, ni musique ». Très vite, Marie – désormais Madame pour la cour – tombe enceinte, ce qui n’enchante pas le roi et Anne d’Autriche : tant que la reine n’a pas d’enfant mâle, Gaston est l’héritier de la couronne. Si l’enfant à naître est un garçon, il pourrait devenir roi un jour. A la cour, nombreux sont ceux qui se détournent du couple royal et vont « à Monsieur comme au soleil levant » lui faire compliments, et lui souhaitant un fils. La grossesse de Marie de Montpensier est donc particulièrement surveillée. Si la jeune princesse semble s’enorgueillir de porter un enfant – que beaucoup pourraient considérer comme le futur dauphin – et de combler les vœux de la reine mère, sa position n’est pas des plus faciles : la duchesse d’Orléans se retrouve, malgré elle, au cœur de querelles dynastiques, et Gaston n’a pour elle que de l’indifférence, même s’il est ravi d’être père avant Louis XIII.
Tout au long de sa grossesse, Marie est anxieuse, stressée à la fois par cette première grossesse, par les enjeux de celle-ci et par les nombreuses tensions dont elle est entourée et qui l’épuise au quotidien. Elle ne peut compter que sur l’affection de sa mère dans cette épreuve : la duchesse de Joyeuse, qui a eu dix enfants de son second mariage, apporte à sa fille son soutien et son expérience. La sage-femme, Louise Bourgeois, qui a assisté Marie de Médicis dans tous ses accouchements, est choisie pour s’occuper des couches de la princesse.
Le 29 mai 1627, Marie de Montpensier accouche au palais du Louvre : il s’agit d’une fille. Si ce n’est pas le fils qu’espérait Gaston, le duc d’Orléans a néanmoins réussi à un avoir un enfant avant son frère. Madame est épuisée par son accouchement, qui a été long et difficile. Une fièvre puerpérale se déclare peu après sa délivrance et les médecins « désespèrent de lui sauver la vie ». La duchesse d’Orléans meurt le 4 juin, laissant un époux désespéré aux dires des témoins. La princesse n’avait que 21 ans. Le cardinal de Richelieu note : « Cet incident fut déploré de tous les gens de bien ».
La reine mère ordonne une autopsie, pratiquée par dix médecins et chirurgiens de la cour. Ils relèvent des lésions gangreneuses et constatent qu’un morceau de placenta et resté dans l’utérus. Louise Bourgeois est de suite accusée d’avoir été négligente et d’être responsable de la mort de Madame. La sage-femme se défend, rédige une « Apologie » pour contrer le rapport des médecin. Elle note ainsi qu’au cours de sa grossesse, Marie de Montpensier a multiplié les fièvres et les malaises, « les grandes chaleurs, saignements de nez, toux ». En insistant sur le mauvais état de santé de la princesse, Louise Bourgeois espère se dégager de toute responsabilité dans le décès de celle-ci. Mais en écrivant que la duchesse d’Orléans a eu des agitations et des malaises au cours de sa grossesse, la sage-femme met en avant le fait que la jeune princesse était nerveusement fragilisée. Or, compte tenu de l’importance de la grossesse de Madame, il était primordial que tout le monde pense que la princesse jouissait d’une bonne santé. Avancer le contraire revient à mettre en évidence les tensions internes au sein de la famille royale. Charles Guillemeau, premier chirurgien du roi, écrit alors une remontrance contre Louise Bourgeois, affirmant qu’elle a exercé de trop nombreuses pressions sur l’abdomen de Madame durant l’accouchement, la traitant aussi « rudement qu’on saurait traiter la femme d’un pauvre laboureur ; on lui pressa le ventre et la matrice, sans considérer ce qui pouvait arriver après tant d’efforts à une princesse tant délicate et si sensible de son naturel. Il lui ait arrivé une douleur au côté gauche, où la compression et la contusion avait été plus grande ». La sage-femme n’ayant pas pris en compte les douleurs de Marie de Montpensier, « la fluxion s’est faite, l’inflammation est survenue, de manière que la gangrène est survenue ». Que Louise Bourgeois ait fait ou non une erreur lors des couches de la duchesse d’Orléans, ce drame met un terme à sa carrière d’accoucheuse.
Marie de Bourbon-Montpensier est inhumée en la basilique de Saint-Denis, le 20 juin. Sa fille, Anne-Marie-Louise, hérite alors d’une immense fortune. Cependant, dans ses Mémoires, celle-ci confiera sa peine d’avoir été privée d’une mère, absence qui ne pouvait être compensée par son héritage : « Le commencement du malheur de ma maison arriva peu après ma naissance, puisqu’elle fut suivie par la mort de ma mère. Les grands biens que ma mère a laissé à sa mort, et dont je suis la seule héritière, pouvaient bien, dans l’opinion de la plupart du monde, me consoler de l’avoir perdue. Pour moi, je ne saurais assez regretter sa perte ». Si Marie de Bourbon-Montpensier n’a pas eu le temps de marquer l’Histoire, la petite Anne-Marie-Louise s’illustrera quelques années plus tard, durant la Fronde, et gagnera le surnom de « la Grande Mademoiselle », se révélant plus courageuse que son père, Gaston d’Orléans.
Bibliographie
– Les reines de France au temps des Bourbons : les deux régentes, par Simone Bertière
– Les six couches de Marie de Médicis, reine de France et de Navarre, par Achille Chereau
– Les Maisons de Bourbon-Montpensier, par Christophe Frayssines de Montvalen
– Donner vie au royaume : grossesses et maternités à la cour (XVIIe – XVIIIe siècle), par Pascale Mormiche
– Louis XIII, par Jean-Christian Petitfils