Destins brisés

Louise-Diane d’Orléans, princesse de Conti

Louise-Diane d’Orléans naît le 27 juin 1716, au Palais-Royal, à Paris. Fille du Régent Philippe d’Orléans et de Françoise-Marie de Bourbon, elle est le dernier enfant du couple. Sa grand-mère paternelle, la princesse Palatine, note qu’on lui annonça la délivrance de sa belle-fille « sur un ton si triste que je me doutais que Mme d’Orléans avait de nouveau accouché d’une septième fille, ce qui s’avéra exacte malheureusement ». En effet, sur les huit enfants mis au monde par la duchesse d’Orléans, un seul est de sexe masculin. La princesse qui vient de naître est titrée Mademoiselle de Chartres. Son enfance est très peu documentée, le duc et la duchesse d’Orléans s’intéressant visiblement peu à leurs filles, dont l’éducation est négligée. Seule l’aînée, la tumultueuse duchesse de Berry, a l’attention de son père, qui doit composer avec le caractère imprévisible de sa fille préférée qui scandalise la cour. On ressent, à travers la correspondance de sa grand-mère, que l’arrivée de la dernière-née des Orléans a causé bien du déplaisir à celle-ci, qui écrit en mars 1718 : « Elle n’est pas laide, mais elle est hargneuse et maussade ; sitôt qu’on la regarde, elle se met à pleurer ». C’est oublier que Louise-Diane n’a pas encore 2 ans et que la sévère princesse Palatine, qui se montre toujours très critique, a de quoi effrayer la jeune enfant.

Louise-Diane d'Orléans "en déesse Iris", par Pierre Gobert (vers 1730)
Louise-Diane d’Orléans « en déesse Iris », par Pierre Gobert (vers 1730)

En février 1719, Mademoiselle de Chartres contracte la rougeole, ainsi que sa sœur, Mademoiselle de Beaujolais (née en 1714). Le duc d’Orléans déserte le Palais-Royal, afin d’éviter d’attraper la maladie, qu’il pourrait ensuite transmettre au jeune Louis XV, de santé fragile. Si la princesse Palatine n’est pas des plus tendres lorsqu’elle évoque ses petites-filles aînées dans ses lettres, elle semble désormais touchée par les deux dernières et note, après leur maladie :  « Les deux petites [Mademoiselle de Beaujolais et Mademoiselle de Chartres] viennent à présent me voir chaque jour » . Louise-Diane et sa sœur Philippine-Elisabeth partagent les jeux de la petite infante d’Espagne, Marie-Anne-Victoire de Bourbon (1718-1781), qui arrive en France en mars 1722 en tant que fiancée de Louis XV. L’abbé Dubois relate : « La reine-infante fit danser les deux princesses de Beaujolais et de Chartres, qu’elle traita comme des enfants au-dessous de son âge , quoiqu’elles avaient le double du sien ». Cette même année, Louise-Diane voit partir sa sœur, Philippine-Elisabeth, pour l’Espagne, où elle est promise à l’infant Don Carlos. On ignore comment Mademoiselle de Chartres vit le renvoi de l’infante-reine et le retour de Mademoiselle de Beaujolais en 1725, après que les fiançailles de Louis XV et de la trop jeune infante d’Espagne eurent été rompues.

On ne parle plus de Mademoiselle de Chartres avant ses fiançailles avec son cousin, Louis-François Ier de Bourbon-Conti (1717-1776), en décembre 1731. A cette époque, on songe également à marier sa sœur, Mademoiselle de Beaujolais, avec le comte de Charolais (frère du prince de Condé). Mais le prince – qui collectionne les maîtresses –  ne semble pas vouloir vouloir prendre une épouse, tandis que la sœur de Louise-Diane espère encore être unie à l’infant d’Espagne Don Carlos. Ce second projet matrimonial est donc abandonné. Le 19 janvier 1732, on songe enfin à baptiser Mademoiselle de Chartres : Louis XV est son parrain tandis que la future belle-mère de la fiancée, la princesse douairière de Conti, (née Louise-Elisabeth de Bourbon-Condé) est choisie pour être sa marraine. Le mariage de Mademoiselle de Chartres et du prince de Conti est célébré le 22 janvier 1732, à Versailles. En raison de l’âge des jeunes mariés (15 ans pour Louise-Diane et 14 ans pour Louis-François), la princesse douairière de Conti souhaite qu’ils ne passent pas toute la nuit de noces ensemble, et demande à la duchesse douairière d’Orléans de ramener sa fille chez elle, à l’issue de la cérémonie. Mais la veuve du Régent aurait répondu que « dès le jour du mariage, elle avait promis de ne plus se mêler de ce qui regardait Mademoiselle de Chartres ; que tout concernerait [désormais] sa belle-mère ». Cette phrase met en évidence que Françoise-Marie de Bourbon est loin de soucier de ses filles et que, si elle s’évertue à leur faire contracter des alliances prestigieuses, elle est également ravie de s’en décharger. 

Louis François de Bourbon, prince de Conti, par Alexis Simon Belle (vers 1730)
Louis François de Bourbon, prince de Conti, par Alexis Simon Belle (vers 1730)

Le jeune couple réside la plupart du temps dans son hôtel à Paris, où au château familial, à Issy. En dépit de son âge, Louis-François de Conti a déjà la réputation d’être un prince débauché. Il semble pourtant que son union avec Mademoiselle de Chartres l’ait assagi. L’année suivant son mariage, il s’illustre au cours de la guerre de succession de Pologne et fait montre de grandes qualités militaires, qui lui valent l’admiration de tous : le prince de Conti participe au siège de Philippsburg (en Allemagne) en 1734 et est nommé maréchal de camp. Louise-Diane ayant débuté une grossesse au début de l’année, Louis-François obtient la permission du roi de rentrer à Paris, pour l’accouchement de son épouse. La princesse de Conti accouche d’un garçon, le 1er septembre 1734 : l’enfant est prénommé Louis-François Joseph et titré comte de La Marche. Louis-François ne s’attarde pas auprès de l’accouchée et de son fils : il rejoint l’armée et reçoit le grade de lieutenant-général, en 1735. Il restera dans l’Histoire comme l’un « des plus grands hommes de guerre de son siècle ». Durant les absences de son époux, la princesse de Conti fait de nouveaux aménagements au château d’Issy, qui se voit « agrandi et somptueusement embelli » grâce à elle. 

En 1736, Louise-Diane débute une  nouvelle grossesse et s’installe à Issy. Le 25 septembre, alors que la jeune femme est enceinte de quatre ou cinq mois, elle ressent des maux de tête et des douleurs dans les reins. Son médecin, M. Finot, envoie chercher son accoucheur, alors à Versailles. Deux confrères sont également appelés au chevet de la princesse de Conti, qui a maintenant une forte fièvre. Celle-ci fait une fausse-couche (assez avancée pour que l’on voit que l’enfant était un garçon) et décède le 26 septembre, « après trente-six heures de maladie », à l’âge de 20 ans. Car, selon « le bruit public », Louise-Diane a succombé à la petite vérole (maladie qui a emportée sa sœur, Mademoiselle de Beaujolais, en 1734), également à l’origine de sa fausse-couche. Le médecin de la princesse, M. Finot, réfute cette rumeur et explique que la princesse de Conti a été victime de la « maladie de la pierre » (d’où les douleurs dans les reins) : devant l’état de la jeune femme, on n’a trouvé d’autre remède que la saignée qui, répétée plusieurs fois, a provoqué une fausse-couche, une opération « dont elle avait besoin » mais qui a été fatale à la princesse. Pour Gustave-Joseph Witkowski (historien et médecin du XIXe siècle), il est également possible que ce qu’on a pris pour la « maladie de pierre » soit en réalité une complication de la grossesse, d’où la nécessité pour les médecins de provoquer un accouchement prématuré (et donc de sacrifier l’enfant à venir), pour espérer sauver Louise-Diane. Mais ce sont surtout les nombreuses saignées (pratiquées avant et après la fausse-couche) qui ont emporté la princesse de Conti : « La vérité est la que la malheureuse princesse a succombé , comme tant d’autres en ce temps de délire de la lancette, à la douzaine de saignées inutiles qui furent pratiquées par ses quatre bourreaux ».

Portrait présumé de Louise-Diane d'Orléans, princesse de Conti, "en Flore", par Jean-Marc Nattier (1731)
Portrait présumé de Louise-Diane d’Orléans, princesse de Conti, « en Flore », par Jean-Marc Nattier (1731)

Louise-Diane est inhumée le 30 septembre 1736, en l’Église Saint-André-des-Arts, à Paris, tandis son cœur est porté au Val-de-Grâce. Le commissaire Dubuisson résume en quelques mots ce que la Cour vient de perdre : « Cette princesse était jeune, belle et d’un caractère doux, mais elle ne passait pas pour avoir beaucoup d’esprit ». L’absence d’intérêt pour l’éducation de la petite Mademoiselle de Chartres explique sans doute ce défaut, que Louise-Diane n’a pas eu le temps de corriger. Louis XV porte le deuil de sa cousine durant onze jours. Louis-François de Conti est anéanti par la disparition de son épouse. Veuf à 19 ans, il se retire dans son château de l’Isle-Adam durant deux ans, où il se consacre à la chasse pour oublier son chagrin. Il ne se remariera pas et se consacrera pleinement au domaine militaire. Au cours des dernières années de sa vie, il aura des enfants naturels, nés de liaisons passagères. Son unique fils légitime sera le dernier prince de Conti : en effet, Louis-François II épousera par obligation l’une de ses cousines, Fortunée-Marie d’Este, mais leur union restera stérile. En revanche, le prince aura deux fils naturels de sa maîtresse Anne Veronese, une actrice. S’exilant lors de la Révolution Française, Louis-François II décédera en Espagne, en 1814.

Bibliographie :

Les filles du Régent, par Edouard de Barthélemy
Lettres de Madame, duchesse d’Orléans, née princesse Palatine, par Elisabeth-Charlotte de Bavière
– Lettres du Commissaire Dubuisson au Marquis de Caumont, par Simon-Henri Dubuisson
Anecdotes & curiosités historiques sur les accouchements, par Gustave-Joseph Witkowski