Sous la Russie Impériale

Ivan IV : Terrible avec les femmes

Fils de Vassilli III, Grand-prince de Mouscou, et d’Helena Glinsky, Ivan naît le 25 aout 1530. Orphelin très jeune après la mort de son père, en 1533, et le probable empoisonnement de sa mère (en 1538) , Ivan vit dans la peur de sa famille, craignant de se faire assassiner lui-aussi. En 1547, le jeune homme se fait sacrer tsar, sous le nom d’Ivan IV, et entreprend de se trouver une épouse : son choix se porte sur Anastasia Romanovna, avec qui il convole le 3 février de la même année. Jusque là, Ivan est dépeint comme un homme cruel, aimant le sang et les tueries. Or, il semble que la belle Anastasia, première tsarine, sache, par sa douceur et sa vertu, venir à bout de la cruauté de son époux. Ivan l’aime profondément et en a six enfants :

– Anna Ivanovna (1548-1550)
– Maria Ivanovna (1551-morte jeune)
– Dimitri Ivanovitch (1552-1553), 1er tsarévitch (noyade accidentelle)
– Ivan Ivanovitch (1554-1581), 2ème tsarévitch, épouse Helena Cheremetieva en 1581 (sans postérité)
– Eudoxie Ivanovna (1556-1558)
– Féodor Ier (1557-1598), 3ème tsarévitch, tsar de Russie, épouse Irène Godounova en 1580 (sans postérité)

Il semble qu’Anastasia ait réussi à rendre Ivan IV plus humain, plus sensible et plus compréhensif. Le 7 août 1560, la tsarine meurt dans de grandes souffrances, après avoir fait une crise d’apoplexie. Très vite, Ivan soupçonne les Boyards (nobles de haut rang du conseil consultatif qui assurent l’autorité suprême lorsque le souverain est absent de Moscou) d’avoir fait assassiner son épouse – dont la famille cherchait à avoir plus de pouvoir – comme ils ont jadis fait empoisonner sa mère. Le tsar ne cesse de répéter qu’on lui a enlevé sa « jeune beauté » mais n’a aucune preuve que les Boyards aient vraiment tué sa femme. Sans doute souhaite-t-il un coupable à tout prix  pour expliquer la mort de celle qu’il aimait. Avec la mort d’Anastasia, Ivan perd son plus précieux soutien et celle qui savait le freiner dans ces pulsions. Dès lors le tsar se déchaîne à nouveau, faisant exécuter de nombreuses personnes qu’il soupçonne – à tort ou à raison ?  –  d’avoir participé au meurtre de son épouse. La répression est sanglante et Ivan IV redevient le tyran qu’il était avant son mariage. Il y gagne, pour la postérité, le surnom « d’Ivan le Terrible ». 

Anastasia Romanovna (anonyme)
Anastasia Romanovna (anonyme)

Ivan cherche du réconfort dans les bras d’une certaine Maria Temrioukovna, une jeune femme brune digne, selon le tsar, des plus grands peintres. Il l’épouse le 21 août 1561 mais Maria ne parvient pas à lui donner la même stabilité qu’Anastasia. Les humeurs du tsar sont souvent imprévisibles et seule sa première épouse parvenait à l’apaiser. Maria ne donne qu’un fils à Ivan, Vassili, né en 1563 et mort à l’âge d’un mois. Au fil des années, le tsar finit par devenir odieux avec la tsarine, la fuyant pour des orgies. Maria meurt en 1569, dans l’indifférence de son époux, officiellement de la tuberculose. Mais une fois encore, des rumeurs d’empoisonnement circulent. En troisième noces, Ivan IV épouse la jolie Marfa Sobakina, le 28 octobre 1571. Celle-ci est issue d’une ancienne famille de boyards et présente une ressemblance physique avec la défunte Anastasia. Mais rapidement, la nouvelle tsarine tombe malade et décède brusquement, le 13 novembre. La disparition soudaine de Marfa Sobakina va jeter à nouveau une vague de terreur sur la Russie car le tsar va jusqu’à soupçonner sa police d’avoir fait empoisonner sa nouvelle épouse.

Bilan : trois mariages et trois morts suspectes. Ivan le Terrible se remarie une quatrième fois avec Anna Koltovskaïa, le 29 avril 1572. Sa nouvelle épouse ne doit pas le satisfaire car en 1575, le tsar l’envoie finir ses jours dans un couvent. Il aurait eu ces mots : « tu as maigri, et je n’aime pas les maigres ». Elle devient religieuse, sous le nom de Doria, et décédera en 1626. En 1574, le tsar a entamé une liaison avec Anna Vassiltchikova, qui le pousse probablement à divorcer de sa quatrième épouse. En 1576, Ivan débute une nouvelle idylle avec Vassilissa Melentieva dont il se sépare en 1577. Son épouse suivante a été oubliée de l’histoire, à cause de son union bien courte avec le tsar : Maria Dolgouroukaï. Issue de la noblesse, elle épouse le tsar à début de l’année 1580. Doutant de la virginité de sa nouvelle femme, Ivan IV propose une promenade en carrosse, au lendemain de ses noces. Une fois Maria installée, au lieu de monter, le tsar lance les chevaux au galop , après leur avoir fait manger de l’avoine gonflée de bière. L’attelage ne fait que quelques centaines de mètres avant de s’enfoncer dans un étang, entraînant vers le fond la pauvre Maria, qui périt noyée sur une simple rumeur.

Ivan IV, par Viktor Vasnetsov (1897)
Ivan IV, par Viktor Vasnetsov (1897)

Le tsar demande ensuite la main de la reine d’Angleterre, Elisabeth Ire. Ayant eu connaissance du tragique destin des épouses d’Ivan IV, Elisabeth n’a guère l’envie de subir un sort semblable à celui de sa mère Anne Boleyn – décapitée sur ordre de son époux Henry VIII – et rejette  la proposition d’Ivan le Terrible. Ce dernier finit par épouser Maria Nagaïa, en septembre 1580, qui lui donnera un fils : Dimitri (1583 – assassiné en 1591).

Si Ivan IV se montre sans pitié avec ses épouses, il agit de même avec sa belle-fille, Helena Cheremetieva : troisième femme du tsarévitch Ivan Ivanovitch, Helena l’a épousé en 1581, après que le tsar ait fait enfermé dans un couvent les deux premières épouses de son fils, accusées d’être stériles.  En novembre de la même année, alors qu’Helena est enceinte, Ivan IV la frappe brutalement au ventre à coups de pied, sous prétexte que sa bru s’est présentée devant lui en peignoir et non fardée.  Le diplomate italien  Antonio Possevino  rapporte : « Elle [Helena] se leva immédiatement à la rencontre du tsar, mais il était déjà impossible de le calmer. Il la frappa au visage, et ensuite il la battit de sa crosse, la frappa tant et si bien qu’elle perdit l’enfant la nuit suivante ».  Alerté par les cris de sa femme, le jeune tsarévitch  Ivan tente de s’interposer : « Tu as enfermé ma première femme sans raison dans un couvent, tu as fait la même chose avec la seconde, et voilà maintenant que tu roues de coups la troisième, pour tuer l’enfant qu’elle porte en son sein ! » Incapable de maîtriser sa crise de nerfs, le tsar frappe son fils à coups de sceptre. Touché à la tempe, Ivan Ivanovitch s’écroule, mortellement blessé : « Après avoir blessé son fils, le père fut pris d’un profond chagrin, et appela immédiatement des médecins de Moscou […] son fils mourut au bout de cinq jours et fut transporté à Moscou dans la détresse générale. » (Antonio Possevino) Le tsarévitch décède effectivement le 19 novembre 1581. Ce triste jour d’automne, Ivan IV a  ainsi tué son fils, ainsi que l’enfant qu’Helena portait. Le tsar ne se remettra pas d’avoir assassiné son propre enfant et héritier, dans un excès de rage.  Quant à la jeune veuve, elle choisit de se faire religieuse après la mort de son époux.

"Ivan le Terrible tue son fils" de Ilia Répine (vers 1885)
« Ivan le Terrible tue son fils » de Ilia Répine (vers 1885)

Le 18 mars 1584, Ivan le Terrible meurt après un règne mouvementé. Sa dernière épouse, Maria Nagaïa lui survit  jusqu’en 1612. Le dernier fils que lui a donné sa première épouse, Anastasia, lui succède sous le nom de Féodor Ier mais Ivan IV prend soin de mettre en place un Conseil de régence avant sa mort. En effet, le nouveau tsar souffre d’un retard mental, qui le rend inapte à gouverner par lui-même. 

A la fin du XXe siècle, les experts scientifiques entreprennent d’analyser les restes d’Anastasia Romanovna, et relèvent une importante concentration de mercure : la tsarine est donc bien morte d’un empoisonnement. Reste à savoir si celui-ci est accidentel (le mercure étant utilisé en médecine, notamment pour faciliter les accouchements) ou volontaire. Le petit-neveu d’Anastasia sera élu tsar de Russie en 1613, sous le nom de Michel Ier Romanov. Il est l’origine de la dernière dynastie royale.  

Bibliographie : 

Les Tsarines : les femmes qui ont fait la Russie, par Vladimir Fédorovski
Ivan le Terrible ou le métier de tyran, par Pierre Gonneau
– Terribles tsarines, de Henri Troyat 

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