Un Tableau, une Histoire

Portraits équestres de Louis XIV, par Pierre Mignard

Depuis l’Antiquité, le cheval est un moyen pour les hommes de pouvoir d’affirmer leur puissance et leur domination. Louis XIV a très vite saisi ce concept et n’hésite pas à se faire représenter, à de nombreuses reprises, à cheval, pour célébrer ses victoires militaires.  Ces tableaux font partie d’une politique de propagande, afin de donner, à travers l’Europe, l’image d’un roi cavalier et victorieux.

Pierre Mignard, peintre officiel de Louis XIV, est chargé par le roi de réaliser plusieurs tableaux équestres du monarque absolu, afin de célébrer ses grandes victoires. 

Depuis 1672, la Guerre de Hollande oppose Louis XIV et Guillaume d’Orange, gouverneur des Provinces-Unies (les Pays-Bas espagnols). Le 29 juin 1673, le roi de France s’empare de Maastricht, après seulement treize jours de siège. Afin de marquer les esprits, le jeune roi de 34 ans commande  à Pierre Mignard un portrait équestre, célébrant sa victoire sur l’ennemi. Louis XIV est au centre du tableau, sur un cheval cabré qu’il monte à la romain (sans étrier et sans selle, le roi étant assis sur une peau de bête). Le port majestueux du roi tend à montrer qu’il maîtrise sa monture comme il domine ses ennemis.

Louis XIV à cheval, couronné par la Victoire (siège de Maastricht), par Pierre Mignard (1673)
Louis XIV à cheval, couronné par la Victoire (siège de Maastricht), par Pierre Mignard (1673)

Le roi tient fermement dans sa main droite le bâton de commandement fleurdelisé, signe du pouvoir militaire suprême.  Vêtu à la romaine, Louis XIV se veut l’héritier des empereurs conquérants de la Rome antique. Il aborde des vêtements de  couleurs vives, qui captent l’attention.  Cette impression est renforcée par l’arrière-plan, peint avec des couleurs plus sombres.  Le monarque porte une cape rouge, – couleur royale mais également couleur de la guerre – qui semble flotter.

A gauche du tableau, l’allégorie de la Victoire déploie un étendard sur lequel nous pouvons voir un soleil rayonnant, symbole de Louis XIV, ainsi que la devise « Nec Pluribus Impar » (« le soleil qui éclaire un monde peut en éclairer plusieurs autres »), qui marque bien la volonté du Roi-Soleil de conquérir de nombreux territoires. 

Sur ce tableau, le Roi-Soleil apparaît comme l’unique artisan de la victoire,  ses troupes étant à l’arrière-plan.  Le regard du monarque n’est pas arrogant mais ferme. Tout est mis en scène pour que Louis XIV apparaisse comme un roi guerrier et conquérant.

En 1692, la France est une nouvelle fois en guerre – contre Guillaume III d’Orange, Charles II d’Espagne  et l’empereur Léopold Ier – depuis quatre ans. Les batailles terrestres de la guerre de la Ligue d’Augsbourg se déroulent principalement dans les Pays-Bas espagnols. En 1692, Louis XIV décide de marcher sur Namur, place forte importante, non loin de la principauté de Liège, alliée de la France. Avec sa citadelle, la ville de Namur est réputée comme étant imprenable. Les armées françaises du maréchal du Luxembourg assiègent la ville, assistées par l’architecte militaire Vauban. Le siège de la ville dure un mois au terme duquel la ville capitule, le 30 juin 1692. Le roi de France s’est déplacé en personne pour assister au siège de la ville, et de sa citadelle. Fier de sa victoire, Louis XIV commande à son peintre officiel, Pierre Mignard, un nouveau portrait équestre, avec le siège de Namur pour toile de fond.

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Louis XIV à cheval, couronné par la Victoire (siège de Namur),
par Pierre Mignard (vers 1692)

On retrouve, dans ce second tableau équestre peint part Pierre Mignard, des éléments du tableau célébrant la victoire sur Maastricht : le monarque est, de nouveau,  représenté sur un cheval cabré.  Louis XIV tient toujours, de sa main droite, le bâton de commandement fleurdelisé. La lumière semble venir en haut du tableau, sur notre gauche. C’est là qu’apparaît l’allégorie de la Victoire, à la même place que sur le portrait équestre de 1673, qui couronne le monarque triomphant des lauriers de la gloire. En arrière-plan, nous pouvons voir la ville de Namur, et sa citadelle, assiégées.

Dans ce portrait réalisé vers 1692, le monarque n’est pas vêtu à la romaine mais porte l’armure française.  Le peintre accessoirise la tenue du roi avec le port de l’écharpe blanche, symbole de l’autorité royale depuis le Moyen Age, laquelle donne l’impression de flotter, impression que l’on retrouve sur le premier tableau, avec la cape rouge. Mais depuis la victoire de Maastricht, Louis XIV a vieilli et a besoin rassembler le peuple français, fatigué par de trop nombreuses guerres. Ainsi, le tableau de 1692 est beaucoup plus réaliste que celui peint en 1673. Alors que le premier portrait équestre est réalisé avec des couleurs vives, pour ce second tableau le peintre a volontairement réduit la gamme de couleurs, afin de s’adapter à l’âge du monarque, qui va sur ses 54 ans. Les traits du visage du roi sont vieillissants mais l’expression de son visage  reste la même que sur le premier tableau équestre de Mignard : aucun signe d’arrogance mais de la fermeté, qui attire le respect.

Comme sur le tableau de 1673, Louis XIV est seul au premier plan. A travers ce portait équestre, le roi de France tient à faire passer un message fort à ses ennemis : malgré son âge et le nombre important de souverains alors liés contre lui, il demeure un chef d’armée redoutable. 

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