Histoire des Reines

Marguerite de Bourgogne, la reine à l’origine de la Guerre de Cent Ans

En janvier 1328, le roi Capétien Charles IV meurt, ne laissant que des filles. La couronne de France va alors à son cousin germain, Philippe de Valois (fils de Charles de Valois, qui était le frère cadet de Philippe IV). En 1329, le nouveau roi Philippe VI reçoit l’hommage de son cousin le roi d’Angleterre Edouard III (le roi d’Angleterre est alors vassal du roi de France, détenant l’Aquitaine).

Sitôt sur le trône, Philippe VI condamne  son cousin Robert d’Artois  (1287-1342) au bannissement et à la confiscation de ses biens. Ce dernier contestait depuis des années les droits de sa tante, Mahaut d’Artois (1268-1329), sur certaines terres de la famille.  Fou de colère face à la décision royale, Robert d’Artois s’embarque pour l’Angleterre et encourage Edouard III à revendiquer la couronne de France. En effet après Philippe IV le Bel (†1314), ce sont succédés ses trois fils : Louis X (†1316), Philippe V (†1322) et Charles IV (†1328), tous trois morts sans laisser d’héritier mâle. Le trône revient alors au plus proche parent mâle du roi défunt, Philippe de Valois, cousin germain des trois derniers souverains et neveu de Philippe IV.

La famille de Philippe IV (XIVe siècle). De gauche à droite : Charles IV, Philippe V, Isabelle, Philippe IV (sur le trône), Louis X et Charles de Valois (père de Philippe VI)
La famille de Philippe IV (XIVe siècle). De gauche à droite : Charles IV, Philippe V, Isabelle, Philippe IV (sur le trône), Louis X et Charles de Valois (père de Philippe VI)

Or, génétiquement, Edouard III d’Angleterre (1312-1377) est plus proche de Philippe IV et de Charles IV, étant petit-fils du premier et neveu du second, car né de la princesse Isabelle de France (1292-1358). Cependant, la couronne ne pouvant être transmise par une femme, le roi d’Angleterre et d’emblé écarté du trône de France. Robert d’Artois s’emploie à convaincre le jeune Edouard III qu’il est le candidat le plus légitime pour prétendre à la couronne de son grand-père. Alors que le roi d’Angleterre est sous pression, un conflit éclate avec l’Ecosse : l’Angleterre veut soumettre les écossais mais ces derniers sont soutenus par le roi de France. David Bruce, fils d’un chef opposant en Ecosse, trouve même refuge auprès de Philippe VI. Furieux, Edouard III cesse de vendre la laine anglaise en Flandres. Philippe VI réplique en prononçant en 1337 la saisie de l’Aquitaine. La guerre de Cent Ans débute. En 1340, Edouard III se proclame roi de France. La guerre, qui entraînera plusieurs générations dans le conflit, ne prendra fin qu’en 1455.

Gravure représentant Marguerite de Bourgogne
Gravure représentant Marguerite de Bourgogne (XIXe siècle)

Maintenant que le décor est planté, intéressons-nous à cette reine qui a, en quelque sorte, permis que cette guerre soit possible. Philippe IV marie ses trois fils avec trois princesses de Bourgogne : Marguerite convole avec le futur Louis X et ses cousines, Jeanne et Blanche (filles de Mahaut d’Artois), deviennent les épouses des futurs Philippe V et Charles IV. En 1314, un scandale éclate : Marguerite et ses belles-sœurs sont accusées d’adultère. Si Jeanne n’est que complice, Marguerite et Blanche ont toutes deux un amant : il s’agit des frères Philippe et Gautier d’Aulnay qui sont condamnés à mort. Les princesses sont jugées, tondues et emprisonnées. A cette époque, Marguerite de Bourgogne a déjà mis au monde une fille, Jeanne, née en 1311.

A la mort de Philippe IV, le 29 novembre 1314, Louis X devient roi et Marguerite de Bourgogne, quoique toujours  détenue, est indirectement  reine de France. Mais Louis X ne compte pas  rappeler sa femme à ses côtés sur le trône. Le 30 avril 1315, Marguerite est retrouvée morte dans sa prison, probablement assassinée sur ordre de son époux. Louis X se remarie de suite avec Clémence de Hongrie. Il meurt le 5 juin 1316, laissant la reine enceinte. Un fils naît en novembre :  Jean Ier, qui meurt cinq jours plus tard. Reste la fille de Louis X et de Marguerite de Bourgogne comme héritière du trône. C’est la première fois, dans la dynastie Capétienne, qu’un roi de France meurt sans laisser de fils. Les Grands du royaume adoptent alors la loi salique,  qui stipule qu’une femme ne peut hériter de la couronne de France, sous prétexte qu’elle pourrait l’apporter en dot si elle se mariait. Pourtant, en Navarre, en Espagne ou en Angleterre, en l’absence d’héritier mâle, la couronne passe à la fille aînée du souverain. Ainsi, le roi transmet le trône à son fils aîné et, s’il n’en a pas à sa mort, à sa fille la plus âgée. Pourquoi ne pas faire ainsi en France ?

Jugée coupable d'adultère, Marguerite de Bourgogne est tondue (miniature du XIVe siècle)
Jugée coupable d’adultère, Marguerite de Bourgogne est tondue (miniature du XIVe siècle)

Le petit Jean Ier étant mort, la logique voudrait que le trône aille à sa demi-sœur Jeanne, issue du premier mariage de Louis X avec Marguerite de Bourgogne. Seulement voilà, Marguerite ayant trompé son époux, il n’est pas certain que Jeanne soit la fille biologique de Louis X. La famille royale refuse de mettre sur le trône une possible bâtarde. Le comte de Poitiers, frère cadet de Louis X qui devait assurer la régence durant la minorité de Jean Ier, a également pris goût au pouvoir. Ainsi la loi salique est mise en application, basée sur un prétexte de dot. Le comte de Poitiers ceint la couronne, sous le nom de Philippe V. Mais à sa mort en 1322, il ne laisse, lui-aussi, que des filles. Le dernier fils de Philippe IV, le comte de la Marche, monte alors sur le trône sous le nom de Charles IV. Le roi parvient à répudier sa femme, Blanche de Bourgogne, et épouse Marie de Luxembourg – qui meurt en couches en 1324 – puis Jeanne d’Evreux. Lorsqu’il disparaît en 1328, il laisse deux filles.

Jeanne de France, fille de Louis X et Marguerite de Bourgogne, par Jean Le Noir (XIVe siècle)
Jeanne de France, fille de Louis X et Marguerite de Bourgogne, par Jean Le Noir (XIVe siècle)

Philippe VI obtient la couronne car son père, Charles de Valois, était le frère de Philippe IV. En vertu de la loi salique,  Edouard III ne peut réclamer le trône de France. Même si, de par de sang, il est plus proche des derniers rois, il y a entre lui et son royal grand-père, une femme, Isabelle de France. Un trône ne pouvant se transmettre que d’homme en homme depuis la loi salique, Edouard III n’a, en principe, aucun droit sur le trône de France. Mais cela ne l’arrête pas et, en tant que petit-fils de Philippe IV le Bel, il revendiquera toujours la couronne. Si Marguerite de Bourgogne n’avait pas trompé son époux, elle n’aurait pas été faite prisonnière à vie et aurait peut-être donné des fils à Louis X. En admettant que le couple n’ait eu que la petite Jeanne, celle-ci aurait pu ceindre la couronne légitimement, en l’absence d’héritier mâle. Par la faute de Marguerite de Bourgogne et de son infidélité, une loi a interdit aux femmes de monter sur le trône de France. Le destin ayant refusé un héritier aux fils de Philippe IV, la France est plongée dans une guerre interminable.

Bibliographie :

Histoires d’amour de l’histoire de France (volume 1), par Guy Breton
– La Reine au Moyen Age : le pouvoir au féminin (XIVe-XVe siècle), par Muriel Gaude-Ferrau
Les Reines de France, par Paule Lejeune
– Chronologie commentée du Moyen Age français, par Laurent Theis
La France, les Femmes et le Pouvoir : l’invention de la loi salique (Ve-XVIe siècle), par Eliane Viennot