Histoire des Reines

Marie Stuart, reine de coeur

Marie Stuart naît le 8 décembre 1542 dans un climat de tensions entre l’Ecosse et l’Angleterre. Ses parents, Jacques V et Marie de Lorraine, attendaient la naissance d’un garçon pour venir remplacer les deux fils qu’ils ont perdu au berceau. Miné par la honte de la défaite écossaise contre les anglais, à la bataille de Solway Moss, Jacques V s’éteint le 14 décembre à l’âge de 30 ans, laissant le trône à sa fille de six jours. Avant de mourir, le roi avait eu ces mots à propos de sa couronne : « Par une fille elle est venue, par une fille elle s’en ira ». La mère de l’enfant devient Régente et veille aux intérêts de la jeune Marie. Il est d’abord question de lui faire épouser l’héritier du trône d’Angleterre, Edouard, fils d’Henry VIII. Cependant, Marie de Lorraine, née française, reçoit l’aide de sa famille, les Guises, afin de marier sa fille au dauphin de France. Ainsi, à la fin de l’année 1547, Marie Stuart est conduite en France, à la cour d’Henri II. La petite reine vient y parfaire son éducation avant d’être en âge d’épouser le dauphin François. Elle reçoit le meilleur accueil possible, parle bientôt quatre langues, joue de nombreux instruments de musique,  danse à merveille et prend part aux chasses. Belle et intelligente, Marie séduit le roi Henri ainsi que sa famille et toute la cour : « Elle rend contents  tous ceux qui la voient, de sorte que chacun la loue et prie Dieu pour elle ». La reine Catherine de Médicis se montre maternelle envers Marie mais celle-ci, sous l’influence de ses oncles maternels, méprise la souveraine, perdant ainsi une précieuse alliée.

Le 4 avril 1558, peu avant son mariage, Marie doit signer un document secret, léguant l’Ecosse et ses droits au trône d’Angleterre à la France, dans le cas où elle mourrait sans enfant. En effet, arrière petite-fille du roi Henry VII, Marie Stuart peut revendiquer la couronne de l’Angleterre d’autant que celle qui monte sur ce trône tant convoité cette année-là n’est autre que la princesse Elisabeth, que son père Henry VIII avait déclarée illégitime. Le 24 avril 1558, Marie devient dauphine de France de par son mariage avec François. On ne peut pas avancer avec certitude qu’il y a de l’amour entre les deux jeunes gens mais ayant été élevés ensemble, ils sont très proches et ont beaucoup d’affection l’un pour l’autre. Une profonde amitié les lie et François reste en admiration devant sa jeune épouse.

Marie Stuart en 1555, par François Clouet
Marie Stuart en 1555, par François Clouet

Après la mort tragique d’Henri II le 10 juillet 1559, Marie Stuart devient reine de France mais se heurte à Catherine de Médicis, qui se soucie fort de la santé fragile du jeune François II. Le nouveau roi souffre en effet de végétations adénoïdiennes et d’un abcès derrière une oreille. La reine Mère rend responsable Marie de la faiblesse de son fils en avançant que la petite reine a un tempérament amoureux trop violent. Pourtant, il semblerait que le mariage n’ait jamais été consommé. Malgré sa maladie, François II tient à gouverner et doit faire face à la conjuration d’Amboise, organisée en mars 1560 par des nobles protestants  – dont son cousin Antoine de Bourbon- qui veulent enlever le roi et mettre sur le trône Louis Bourbon, prince de Condé et frère d’Antoine. Trahi par l’un d’entre eux, le dénommé Pierre des Avenelles, ils sont arrêtés, jugés et exécutés sur ordre du roi, fort marqué et déconcerté par ce complot. A l’exception des princes de Bourbon et de Condé, les coupables sont pendus ou décapités.

Dégoûté par la politique, François II laisse sa mère prendre les rennes du pouvoir et se réfugie auprès de son épouse qu’il ne quitte presque jamais, malgré ses malaises de plus en plus fréquents. Souffrant toujours de douleurs à l’oreille, François meurt complètement épuisé le 6 décembre 1560 à l’âge de 16 ans, victime d’un « abcès au cerveau » (probablement une méningite encéphalique). Il laisse une veuve de 18 ans qui éprouve beaucoup de peine face à la perte de son jeune époux. Catherine de Médicis ne souhaite pas que Marie demeure à la cour. Pourtant, le nouveau roi de 10 ans, Charles IX, déclare qu’il souhaite l’épouser  (il gardera un portrait d’elle contre son cœur durant des années) ! Marie Stuart décide de rentrer en Ecosse afin de rependre son trône. Le 15 août 1561, Marie fait ses adieux à son pays d’adoption : « Adieu France ! Je pense ne vous revoir jamais plus ».

François II et Marie Stuart, d'après François Clouet (Livre d'Heures de Catherine de Médicis)
François II et Marie Stuart, d’après François Clouet (Livre d’Heures de Catherine de Médicis)

De retour en Ecosse, Marie Stuart doit faire face au conflit qui oppose les protestants aux catholiques. Tolérante, la jeune reine prend pour conseiller son demi-frère, Jacques Stuart, comte de Moray (fils illégitime de Jacques V). Marie se rapproche d’un catholique, David Rizzio, qui devient son secrétaire. A cette jeune reine, il faut un mari et la reine d’Angleterre, Elisabeth Ire, lui propose alors d’épouser son favori, Robert Dudley. Marie Stuart, indignée, refuse.  En février 1565, elle fait la connaissance de son cousin catholique, Henry Stewart, lord Darnley. Prise de passion pour lui, la reine l’épouse secrètement en avril avant un mariage public, le 29 juillet 1565.  Son jeune époux lui réclame alors le titre de roi. Marie cède contre l’avis de son conseil et du comte de Moray. Celui-ci ne tarde pas à être déclaré traître et fuit la cour. Il prend alors part à une conspiration, ressemblant des nobles rebellés, destinée à assassiner Rizzio, avec la complicité de lord Darnley. Ce dernier est persuadé que cet italien est plus que le secrétaire de son épouse et ne supporte plus sa présence auprès de Marie. Lord Darnley ordonne donc son assassinat. Les conjurés entrent ainsi chez la reine, au palais de Holyrood, au soir du 9 mars 1566. Celle-ci, enceinte de six mois, est en compagnie de Rizzio et de sa demi-sœur naturelle, la comtesse d’Argyll. Tandis que Henry entraîne sa femme dans une autre pièce, Rizzio est poignardé à maintes reprises avant de trépasser. Dans cette affaire, Darnley n’a été qu’un pion. Lorsque la reine apprendra que son époux était l’un des commanditaires du meurtre de Rizzio, elle ne lui pardonnera pas. La reine se retrouve prisonnière à Edimbourg. Elle ignore que son demi-frère naturel, le comte de Moray, est lui aussi impliqué dans ce complot. Aussi, lorsqu’il se présente devant elle,  Marie s’en remet à lui. Pour le comte de Moray, lord Darnley doit recevoir la couronne matrimoniale et exercer le pouvoir en apparence tandis que lui et les lords gouverneront véritablement. Ces derniers tiennent tout particulièrement à ce que l’Ecosse reste protestante. Pour Moray, la reine n’aura d’autre choix que celui d’accepter ces conditions si elle ne veut pas être condamnée à la prison ou à la peine capitale. Ayant fait comprendre à son mari qu’il n’est qu’un pion, Marie parvient à s’enfuir avec l’aide de ses partisans.

Le 18 mars, la souveraine rentre victorieuse à Edimbourg. Certains conjurés parviennent à s’enfuir, d’autres sont exécutés. Quant au comte de Moray, il est gracié par sa demi-sœur, celle-ci ignorant son rôle dans l’assassinat de Rizzio. Le 19 juin, Marie  accouche d’un fils qui sera prénommé Jacques. Elle fait alors demander à la reine Elisabeth d’être la marraine de l’enfant. La souveraine anglaise accepte mais cette naissance l’affecte car elle-même ne peut être mère. Les relations entre Marie et son époux se détériorent tandis que ce dernier convoite encore et toujours la couronne matrimoniale que la reine ne semble pas prête à lui donner. 

Lord Darlney, né Henry Stewart, vers 1564 (anonyme)
Lord Darlney, né Henry Stewart, vers 1564 (anonyme)

C’est à cette époque que Marie se rapproche d’un noble écossais, James Hepbrun, comte de Bothwell et grand amiral. Le comte de Moray vient justement de s’allier avec lui dans un but bien précis : débarrasser Marie de son époux ! En réalité, le  demi-frère naturel de la reine compte d’abord évincer lors Darnley avant d’éliminer Marie et prendre ainsi le pouvoir. Le comte de Bothwell et du même avis que Moray : les agissements de lord Darnley ne peuvent que nuire à la couronne et à l’Ecosse. Il faut donc « délivrer »  la souveraine de cet époux trop encombrant. La jeune reine ne donne pas son consentement mais ne va pas à l’encontre de Moray et Bothwell. Le 10 février 1567, Henry Stewart est retrouvé sans vie à Kirk O’Field. Atteint d’un mal qui pourrait être la syphilis, il se reposait là bas quand sa demeure fut détruite par une explosion. On raconte d’abord que l’époux de la reine d’Ecosse est mort dans l’explosion mais son corps est retrouvé dans le jardin. Il apparaît vite que Lord Darnley a été étouffé ou étranglé. Les soupçons se portent bien vite sur le comte de Bothwell. La rumeur accuse également Marie d’avoir pris part au complot contre son époux. On ne peut cependant pas établir que cela soit le cas. Pour Philippe Erlanger, la reine d’Ecosse croit d’abord  son mari victime d’un accident et ne soupçonne pas son ami Bothwell de ce crime. Marie montre, au contraire, beaucoup de peine face à la mort de lord Darnley. Quant à la reine Elisabeth, elle se dit convaincue de l’innocence de sa cousine mais est beaucoup plus réservée sur l’implication de Bothwell. Pour conforter ces soupçons, le comte de Moray  – qui a organisé l’assassinat de Darnley mais s’est éloigné avant l’exécution de son plan  pour ne pas être suspecté – fait tout pour mettre en avant la liaison de sa demi-sœur avec le grand amiral. Celui-ci demande alors à être jugé dans l’affaire de la mort de Darnley. En effet le père du défunt, le comte de Lennox, est convaincu de la culpabilité de Bothwell. Sans preuve, ce dernier est acquitté.

Au lieu de se tenir à distance du grand amiral, que beaucoup soupçonnent encore, Marie s’affiche avec lui. Le 15 mai, elle devient sa femme. La reine n’aurait eu d’autre choix que de l’épouser pour sauver son honneur suite à un viol. De ce mariage, on en fait gorges chaudes à la cour d’Angleterre et beaucoup sont persuadés que Marie Stuart vient d’épouser l’assassin de Lord Darnley. Pire encore : on est convaincu qu’à défaut d’avoir joué un rôle dans le meurtre de son mari, la reine d’Ecosse était au courant du complot qui se tramait contre lui et n’a rien fait pour l’arrêter. Au mois de juin, Marie est faite prisonnière par les insurgés, sur ordre de la confédération écossaise.  Quant à Bothwell, il s’est enfui en Scandinavie, abandonnant son épouse sans le moindre remord. Enfermée au château de Loch Leven, Marie Stuart fait une fausse-couche (elle était enceinte des œuvres de son troisième époux).

Marie Stuart en 1578, par Nicolas Hilliard
Marie Stuart, en 1578, par Nicolas Hilliard

 Le 29 juillet 1567 la reine signe son abdication, renonçant à la couronne en faveur de son fils, le petit Jacques VI, qui n’est encore qu’un nourrisson. La Régence est confiée au comte de Moray, qui n’a pas hésité à trahir sa demi-sœur.  Le nouveau roi d’Ecosse est retiré à sa mère et confié à sa gouvernante, la comtesse de Mar. En mai 1568, la reine déchue s’évade avant d’être reprise. Bien que sa captivité soit la plus douce possible, Marie Stuart ne se fait pas oublier et insiste pour rencontrer sa cousine, la reine Elisabeth. Très vite, elle revient sur l’acte d’abdication qu’elle aurait signée sous la contrainte.  Ce n’est qu’en 1572 que Marie reconnaît son fils comme le roi d’Ecosse.  Dans sa résidence surveillée, elle jouit d’une certaine liberté : elle tient sa propre cour, va à la chasse et correspond avec l’Europe entière. Mais Marie Stuart continue de calomnier sa cousine, Elisabeth, qui a toujours refusé de la recevoir.

Dans les années 1580, la reine déchue  devient un symbole pour tous ceux qui souhaitent que l’Angleterre redevienne catholique, et qui ne voient en Elisabeth Ire qu’une bâtarde hérétique. Marie Stuart est désormais considérée comme victime de l’injustice de sa cousine, et non plus comme une femme sans morale qui a fait assassiner son second mari.  Il est maintenant question de remplacer « l’usurpatrice » (Elisabeth) par sa cousine, légitime, sur le trône d’Angleterre. A partir de là, Marie Stuart devient une véritable menace pour la souveraine anglaise et protestante. Après plusieurs tentatives d’assassinat contre Elisabeth Ire, le Parlement anglais décide d’en accuser Marie Stuart, symbole de la rébellion, qui a organisé autour d’elle tout un réseau hostile à sa royale cousine.  Dans cette nouvelle bataille, Marie ne peut compter sur son fils. En effet, Jacques VI a été élevé par des réformés dans la haine de sa mère, qu’on lui a dépeint comme une épouse adultère et responsable de la mort de son père. De plus, Jacques VI ne pardonne pas à sa mère d’avoir souhaité reprendre la couronne d’Ecosse, allant jusqu’à considérer son fils comme un usurpateur. Désormais, le fils de Marie Stuart regarde vers l’Angleterre et conclut une alliance avec la reine Elisabeth afin de lui succéder, étant son plus proche parent. Le roi d’Ecosse avoue qu’il « serait stupide de préférer sa mère à son trône »

Exécution de Marie Stuart par Abel de Pujol (XIXe siècle)

Lorsqu’une nouvelle conspiration pour libérer Marie et assassiner Elisabeth Ire échoue, la reine déchue est traduite en justice, en 1586. Sont avancées des lettres compromettantes de Marie à Bothwell, ainsi qu’une lettre dans laquelle l’accusée approuve un projet visant à assassiner Elisabeth Ire. Face aux accusations, Marie Stuart se défend, niant toute implication dans les complots éventrés. La reine d’Angleterre hésite longtemps avant de signer la condamnation à mort de sa cousine. Mais en la laissant en vie, Elisabeth met en jeu sa  propre sécurité. Marie Stuart est condamnée a être décapitée à la hache. L’exécution a lieu le  8 février 1587. La reine déchue n’avait que 44 ans. Sa devise est restée dans les mémoires : « En ma fin est mon commencement ». Sitôt après sa mort, Marie Stuart entre effectivement dans la légende comme une reine martyre, victime de la politique et de ses ambitions. Le seul tort qu’elle avait été d’être plus légitime aux yeux des catholiques que sa cousine anglaise.

Bibliographie :

– Les reines de France au temps des Valois (tome 2),  par Simone Bertière
– Marie Stuart,  par Philippe Erlanger
– Le pouvoir contesté : Souveraines d’Europe à la Renaissance, par Thierry Wanegffelen
– Marie Stuart, par Stefan Zweig 

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