Histoire des Reines

Marie-Amélie de Bourbon faillit épouser un couvent

Marie-Amélie Thérèse de Bourbon-Siciles est née le 26 avril 1782. Fille de Ferdinand Ier de Bourbon-Siciles et de Marie-Caroline de Habsbourg-Lorraine (sœur de la reine Marie-Antoinette) Marie-Amélie est le dixième enfant du couple et la sixième fille d’une fratrie qui comptera dix-sept enfants. Sa mère est une femme autoritaire, fière de sa haute naissance, et qui domine totalement son faible époux. Marie-Caroline souhaite conclure de prestigieux mariages pour ses filles et les placer sur des trônes. Il est justement question d’unir Marie-Amélie à son cousin, le dauphin Louis-Joseph, fils de Louis XVI et de Marie-Antoinette, né en 1781. Les deux sœurs réuniraient ainsi leurs familles. Mais la mort de l’héritier du trône, en 1789, ainsi que la Révolution Française, mettent fin à ce beau projet. L’avenir de la jeune Marie-Amélie reste donc en suspend tandis que ses sœurs aînées font de prestigieuses unions : en 1790, la plus âgée, Marie-Thérèse, devient impératrice d’Autriche en épousant son cousin, François II de Habsbourg-Lorraine. La même année, la seconde, Louise, devient grande-duchesse de Toscane. En 1802, la cadette de Marie-Amélie, Antoinette, épouse le prince des Asturies, le futur roi d’Espagne Ferdinand VII. Né en 1784, tout comme sa jeune épouse, ce prince n’a pas une bonne réputation et est considéré comme un mauvais homme sans gentillesse ni beauté. En revanche, Antoinette est charmante, ce qui fait qu’on l’a peut-être préférée à son aînée qui est dite « laide, grande, maigre le tient rouge, les yeux petits et les dents mal rangées ». La pauvre Antoinette décède en 1806 après plusieurs fausses-couches. Marie-Amélie pleure sincèrement cette sœur dont elle était très proche. Antoinette lui avait d’ailleurs écrit peu après son mariage : « Ma chère Amélie, toi qui as encore ta liberté, écoute les conseils d’une sœur. Quel que soit le mariage qu’on te propose sans connaître l’époux et le pays, ne l’accepte pas et réfugie-toi plutôt dans un monastère, même sans faire de vœux ».

Marie-Amélie de Bourbon-Sicile, vers 1810
Marie-Amélie de Bourbon-Siciles, vers 1810

 En 1807, Marie-Amélie voit une autre de ses sœurs, Marie-Christine, épouser le prince de Sardaigne tandis que le prince des Asturies, veuf d’Antoinette, envisage de demander sa main.  Il épousera finalement une infante du Portugal. Marie-Amélie échappe donc à l’immonde veuf de sa sœur défunte mais envie ses sœurs et se résigne assez mal au célibat. Pourtant, l’exemple de ses parents, qui se querellent sans cesse, ne peut lui apporter une bonne opinion du mariage. Quant à ses sœurs mariées, trois sont déjà mortes, mal remises de leurs couches (Marie-Thérèse, Louise et Antoinette) entre l’âge de 21 et 34 ans. A 25 ans, Marie-Amélie rêve de fonder une famille dans un climat de sérénité. En juin 1808, elle rencontre le prince Louis-Philippe d’Orléans. De très bonne éducation, il dégage un certain charme qui séduit Marie-Amélie même si elle n’en laisse rien paraître. Né en 1773, Louis-Philippe est toujours célibataire. Il faut dire qu’il est en exil, ayant dû fuir la France après l’exécution de son père, Philippe-Egalité, en 1793. Apparenté à la famille royale, Louis-Philippe est à l’époque pressenti pour épouser Elizabeth de Hanovre, fille du roi d’Angleterre Georges III. Cependant, la princesse anglaise approche de la quarantaine et a peu d’espoir de maternité. Marie-Amélie est plus jeune, cultivée et appartient non seulement à la maison des Bourbons mais également à la puissante famille des Habsbourg d’Autriche. Une pareille union ne peut que s’avérer bénéfique pour Louis-Philippe. Il faut remettre les choses dans le contexte, en France : le futur Louis XVIII n’a pas eu d’enfant. Quant au futur Charles X, son fils aîné, le duc d’Angoulême, n’a pas eu d’héritier et son fils cadet, le duc de Berry, n’est pas encore marié. L’héritage des Bourbons (entre autres la couronne de France) pourrait bien aller au duc d’Orléans et à ses descendants. Une union avec Marie-Amélie ne peut que renforcer la légitimité de Louis-Philippe.

Marie-Amélie et ses enfants, par Alexandre-Evariste Fragonard
Marie-Amélie et ses enfants, par Alexandre-Evariste Fragonard

Si la jeune princesse espère épouser le duc d’Orléans, celui-ci rencontre beaucoup d’hostilité chez les parents de Marie-Amélie. Marie-Caroline a perdu sa sœur, la reine Marie-Antoinette, dans la Révolution Française à laquelle le jeune duc et son père ont pris part. Quant à Ferdinand Ier, il se déclare tout bonnement incapable de payer une dot à sa fille. Enfin, Louis-Philippe est encore en exil et les parents de Marie-Amélie espèrent faire d’elle une reine comme ils l’ont fait pour ses sœurs. C’est pourtant la jeune femme qui va faire que les choses vont se conclure : alors que l’on envisage de lui faire épouser Ferdinand VII d’Espagne, veuf de sa sœur Antoinette, Marie-Amélie déclare « mille fois le duc d’Orléans ». La princesse a choisi et ses parents s’inclinent. Le 25 novembre 1809, Marie-Amélie épouse Louis-Philippe. Le couple s’installe en France en septembre 1814, après la montée sur le trône de Louis XVIII. La duchesse d’Orléans donnera dix enfants à son époux et mènera une existence bourgeoise avec sa famille. En 1830, elle deviendra reine des français, exauçant alors le vœu de sa mère qui voulait voir toutes ses filles établies sur un trône.