Histoire des Reines

Marie-Antoinette d’Autriche : donner un héritier au royaume

Le 19 avril 1770, la jeune archiduchesse Maria-Antonia de Habsbourg (née en 1755), archiduchesse d’Autriche, épouse par procuration  le dauphin de France, Louis-Auguste de Bourbon (né en 1754), petit-fils de Louis XV. Commence alors pour la jeune fille de 14 ans un long voyage de Vienne jusqu’à Versailles. A son arrivée, si le souverain lui réserve un accueil chaleureux, les filles de ce dernier, Mesdames de France –éternelles célibataires – surnomment déjà la jeune archiduchesse « l’Autrichienne », surnom à connotation péjorative.

La jeune princesse, dont le prénom a était francisé en Marie-Antoinette, fait la connaissance de son époux : c’est un garçon timide et effacé si on le compare à ses frères cadets, les comtes de Provence et d’Artois. Devant la beauté, le charme et la vivacité de sa jeune épouse, Louis-Auguste reste de marbre, presque effrayé. Le mariage, où les deux conjoints sont désormais présents, se tient dans la chapelle du château de Versailles, le 16 mai. Si Marie-Antoinette semble heureuse et disposée à plaire à son mari, le dauphin semble ailleurs, et nerveux face à la belle épousée. Le lendemain,  le bruit court qu’il ne s’est rien passé entre les deux époux durant la nuit de noces. Louis XV ne s’en inquiète pas : il est de l’avis d’attendre, de laisser faire le temps. Il faudra effectivement attendre, et non pas des mois mais des années, pour que le mariage soit consommé.

La dauphine Marie-Antoinette, par François-Hubert Drouais (1773)
     La dauphine Marie-Antoinette, par François-Hubert Drouais (1773)

Pourquoi donc ne se passe-t-il rien entre Louis-Auguste et Marie-Antoinette une fois les rideaux du lit fermés ? A la vérité, il semble que la dauphine fasse peur à son époux. Elle est vive, belle et multiplie les attentions à son égard dans les premiers mois de leur mariage. A l’inverse, Louis-Auguste est renfermé et très complexé. Quand son frère aîné, le duc de Bourgogne, est mort en 1761, ses parents ont dit que la mort  « s’était trompée de personne » car le jeune Louis-Auguste (alors duc de Berry) était également souffrant à cette époque . Après ce drame, toute la cour avait le regard posé non sur le duc de Berry, mais sur ses frères cadets : Louis-Stanislas de Provence (né en 1755), très mûr pour son âge, et Charles d’Artois (né en 1757), le petit dernier très enjoué. La plupart des courtisans semble alors regretter que le comte de Provence ne soit pas né avant Louis-Auguste. Seul son grand-père, Louis XV, et sa petite sœur, Madame Elisabeth, lui montrent un réel attachement. Louis-Auguste en est venu à se sentir inférieur aux autres, tandis que son épouse se met en avant. De plus, la défunte mère du dauphin, Marie-Josèphe de Saxe, s’est opposée jusqu’à sa mort, en 1767, à l’union de son fils avec une princesse issue de la famille des Habsbourg. De ce fait, les tantes de Louis-Auguste, Mesdames Adélaïde, Victoire et Sophie, ont fait naître chez le jeune homme un sentiment de méfiance envers sa femme : celle-ci, cette « Autrichienne » n’est en France qu’en tant qu’espionne à la solde des Habsbourg. Cela ne favorise en rien un rapprochement entre le dauphin et Marie-Antoinette. Leur emploi du temps et leurs passions sont également très différents : il aime lire, se lève à l’aube pour aller à la chasse et, par conséquent, se couche tôt ; la dauphine n’apprécie pas les lectures, préfère la danse et la musique, se couche tard (parfois au moment où son époux se lève) après avoir dansé ou assisté à un opéra et aime les fêtes, la foule. Cependant il faut un héritier à la France et, pour assurer sa position à la cour, Marie-Antoinette se doit de donner un fils à la couronne.

Le dauphin Louis-Auguste, par Louis-Michel Van-Loo (1769)
Le dauphin Louis-Auguste, par Louis-Michel Van-Loo (1769)

 Le 10 mai 1774, Louis XV s’éteint. A cette nouvelle, les nouveaux souverains, Louis XVI et Marie-Antoinette prient ensemble. On leur prêtent ces mots : « Seigneur guide-nous car nous régnons trop jeunes ». Déjà quatre années de mariage se sont écoulées et il n’y a pas l’ombre d’une espoir de maternité pour Marie-Antoinette. De Vienne, sa mère, l’impératrice Marie-Thérèse, lui envoie lettre sur lettre dans lesquelles elle donne des conseils à sa fille. Elle déplore également que la reine de France monte à cheval, habitude considérée comme néfaste à l’époque pour les grossesses.

Le 6 août 1775, la comtesse d’Artois, mariée depuis moins de deux ans au frère de Louis XVI, met au monde un garçon, le petit duc d’Angoulême. C’est une douche froide pour Marie-Antoinette qui, en tant que reine, aurait voulu donner naissance au premier prince de la nouvelle génération. Si le couple royal n’arrive pas à procréer, chacun se demande à qui la faute : Louis XVI est-il impuissant ou Marie-Antoinette est-elle stérile ? Le roi et la reine voient plusieurs médecins et, au terme de plusieurs consultations, il est suggéré à Louis XVI de subir une légère intervention chirurgicale mais cet acte effraye le souverain. En dernier recours, le frère de la reine, l’empereur Joseph II, se rend à Versailles en 1777, afin d’analyser au mieux la situation du couple. A Marie-Antoinette, il fait quelques reproches : elle doit se ménager, elle n’a plus l’excuse de la jeunesse pour faire passer ses caprices, elle se doit d’avoir des enfants. Joseph II parle ensuite à son beau-frère, à qui il donne des conseils avisés. En quittant Versailles, l’empereur peut écrire à sa mère et à son frère Léopold que tout est normal au sein du couple et que le roi et la reine de France « sont deux maladroits ». Il affirme qu’il n’y a désormais plus d’obstacle et que  « la grande œuvre » peut s’accomplir. 

La famille royale réunie autour du dauphin Louis-Joseph, par l’École française (1782)
La famille royale réunie autour du dauphin Louis-Joseph, par l’École française (1782)

Et effectivement, en août de la même année, Marie-Antoinette écrit à sa mère qu’elle a bon espoir d’être bientôt enceinte. Cet enfant tant attendu naît le 19 décembre 1778 mais ce n’est pas un dauphin : la reine met au monde une petite princesse, Marie-Thérèse Charlotte dite Madame Royale. Mais si le bébé n’est qu’une fille, Marie-Antoinette prouve néanmoins qu’elle est capable de porter des enfants. L’héritier tant désiré –le dauphin Louis-Joseph – naîtra en 1781. Sa naissance sera suivie par celle de futur Louis XVII, en 1785, et de la petite Sophie-Béatrice, en 1786. 

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Bibliographie 

Les reines de France au temps des Bourbons : Marie-Antoinette l’insoumise, par Simone Bertière
Marie-Antoinette, par André Castelot
Le mariage forcé ou Marie-Antoinette humiliée, par Jean-Pierre Fiquet
Marie-Antoinette, par  Evelyne Lever