Histoire des Rois

Robert II s’oppose au Pape par amour

Pour des raisons purement politiques, Robert, fils d’Hugues Ier Capet, est marié à Rozala de Provence (dite aussi d’Italie) en 988. Celle-ci est la fille du roi d’Italie Béranger II et veuve du comte des Flandres Arnould II. Née vers 951, Rozala avait contracté ce premier mariage vers 966 et avait donné à son époux des enfants, avant que ce dernier ne meurt en 987. Rozala envisage alors de finir sa vie dans un couvent mais le roi de France, Hugues Ier, lui propose de convoler avec son fils unique et héritier. Rozala, qui pourrait être la mère de Robert (né en 972) l’épouse  en 988, apportant en dot Montreuil et la province de Ponthieu. A cette occasion, son prénom est francisé en « Suzanne ». Les deux époux ne s’entendent pas, sans doute à cause de leur grande différence d’âge. Après quelques années de mariage, Robert répudie sa femme pour cause de stérilité, tout en conservant sa dot (vers 991/992). Le prince s’éprend ensuite de Berthe de Bourgogne. Fille du roi de Bourgogne, Conrad le Pacifique, et de la princesse Mathilde, Berthe a pour grand-père maternel le roi des francs, le Carolingien Louis IV. Elle est donc d’un haut lignage, et un parti digne d’un souverain. 

Cependant, Berthe est déjà mariée au comte de Blois, Eudes, dont elle a plusieurs enfants. Encore jeune (née vers 964) et belle, Berthe charme le fils du roi de France. Voici qu’en 996, Hugues Ier s’éteint, ainsi que le comte de Blois. Désormais roi, Robert II en profite pour épouser la jeune veuve, bien que la reine douairière,  Adélaïde d’Aquitaine, s’oppose à la nouvelle union de son fils. Peu de temps après,  le pape Grégoire V ordonne l’annulation du mariage et pour cause : Robert et Berthe sont cousins au troisième degré et le roi est également le parrain de l’un de ses enfants, ce qui crée un lien spirituel entre eux. A cette époque, pour raisons stratégiques, il n’est pas rare que les membres des familles royales se marient entre cousins. L’Eglise interdit alors les unions jusqu’au septième degré de parenté. Le remariage du roi de France est donc jugé sacrilège et incestueux. A vrai dire, Robert II a bien obtenu l’accord de plusieurs évêques pour pouvoir épouser Berthe mais le pape, vexé de ne pas avoir été consulté ( et opposé à l’étendue de la puissance Capétienne), met son veto. Robert II refusant de se séparer de son épouse, le pape excommunie le couple après la décision du concile réuni à Pavie.

L’Excommunication de Robert le Pieux, par Jean-Paul Laurens
L’Excommunication de Robert le Pieux, par Jean-Paul Laurens (1875)

Commence alors pour Robert II une lutte de quatre années avec l’Eglise car le roi de France ne tient pas à se soumettre. Durant tout ce temps, on fuit le roi et la reine comme des pestiférés. Les serviteurs qui leur sont restés fidèles évitent tout contact direct avec eux, cassent leur vaisselle une fois que le repas est terminé et jettent les restes aux chiens plutôt que de les garder pour eux. En 999, les terres royales sont frappées par l’interdit : les sacrements se sont plus délivrés au peuple (baptêmes, mariages…) . Robert II est sous pression et son conflit personnel avec la papauté a de graves conséquences sur son royaume : excommunié, il perd de sa puissance et ses sujets manifestent leur mécontentement face à la situation. Cette même année, Grégoire V meurt. C’est à son successeur, Sylvestre II, que le roi de France fait entendre sa cause. Le nouveau pape, qui a été l’un des précepteurs de Robert, décide d’alléger la peine du roi : il transforme l’excommunication en interdit de sept années dans le royaume, mais exige également du roi qu’il  renvoie son épouse.

Après cinq ans de mariage, Berthe n’a toujours pas donné d’enfant à Robert II. Pourtant, la reine a déjà prouvé sa fécondité lors de son premier mariage. Serait-ce un signe du destin ?  Certaines sources évoquent  la naissance d’un fils « débile », né avec « des pattes d’oie à la place des pieds et la tête d’un oison ». La naissance de cet enfant difforme aurait éteint à jamais la passion amoureuse de Robert II pour son épouse. Il est plus raisonnable de penser que Berthe ait fait une fausse-couche d’où la description assez étrange de l’enfant, dont elle a dû accoucher prématurément avant qu’il ne soit tout à fait formé. C’est juste après cet événement que Robert II se sépare officiellement de sa femme, en 1001… sans, toutefois, l’écarter de son lit. Le roi a certainement été influencé par le pape et par le désir d’avoir un fils que Berthe ne pouvait pas lui donner. Pourtant, le conflit avec la papauté n’est pas terminé. Si l’union du roi est annulée, Berthe reste auprès de lui et Rozala-Suzanne n’est pas rappelée à la cour. Cette dernière, officiellement reine de France, meurt en 1003. Robert II épouse alors Constance d’Arles, fille de Guillaume II de Provence, née vers 987, d’une grande beauté (et également une cousine éloignée de Rozala-Suzanne). Elle apporte en dot la Provence, qui vient agrandir le royaume de France.

Gravure représentant Constance d’Arles et Robert II (XIXe siècle)

La nouvelle reine donne au roi plusieurs enfants dont le futur Henri Ier. Mais Robert II se plaint de sa troisième épouse : il apparaît vite que Constance est hautaine, autoritaire, avare et qu’elle empoisonne la vie du roi par des intrigues et son mauvais caractère. Elle tente, entre autre, de transmettre la couronne à son troisième fils, Robert, plutôt qu’à l’aîné. Robert II, qui est – malgré ses différends avec la papauté – un roi  très pieux, doit aller jusqu’à se cacher pour faire la charité aux pauvres, craignant le courroux de Constance.  En 1010, le roi part pour Rome, accompagné de Berthe, pour faire annuler sa troisième union. Le pape s’y refuse et Berthe, qui espérait récupérer sa place, doit s’incliner. Elle reste néanmoins auprès du roi jusqu’à sa mort, vers 1024. Durant ses dernières années de règne,  Robert II doit lutter contre ses fils qui, montés par leur mère, cherchent à prendre le pouvoir. Robert II meurt en 1031 ; Constance d’Arles le suit dans la mort l’année suivante.

Si, durant toute sa vie, Robert a été en conflit avec Rome sur ses mariages, il a néanmoins soutenu les tentatives de l’Eglise pour mettre en place la « Paix de Dieu », défendu la réforme de l’ordre des moines de Cluny, puni les hérétiques et il a été le premier roi de France à toucher les écrouelles. La postérité le surnommera Robert II « le Pieux », en référence à toutes les actions qu’il a menées en faveur de l’Eglise, bien qu’il n’ait jamais obtenu l’approbation du pape dans son union avec Berthe.  

Bibliographie :

Hugues Capet : le Fondateur, par Georges Bordonove 
Robert II : fils d’Hugues Capet (996 – 1031), par Ivan Gobry
Le secret des rois de France : de Hugues Capet à Louis-Philippe Ier, par Marcel Julian