Louis XVII : le roi sans couronne
Le 27 mars 1785, la reine Marie-Antoinette donne à Louis XVI un troisième enfant, un fils que le roi prénomme Louis-Charles. Le petit prince portera également le titre de duc de Normandie. Il a pour parrain le comte de Provence, frère du roi, et pour marraine Marie-Caroline de Habsbourg, sœur de Marie-Antoinette. La naissance duc duc de Normandie vient assurer l’avenir de la dynastie. Bien que Louis-Charles ne soit que le second fils du couple royal, son aîné, le dauphin Louis-Joseph, est de santé fragile et, depuis ses 4 ans, il grandit mal. Couramment appelé Charles, le duc de Normandie est également surnommé « Chou d’amour » par sa mère, Marie-Antoinette, qui adore ses enfants. Le jeune prince lui rend bien son amour, en cultivant des roses pour elle. Le 4 juin 1789, après une longue agonie, son frère aîné s’éteint, victime de la tuberculose. Le duc de Normandie devient dés lors dauphin de France.
L’année 1789 est une période qui vient bouleverser la vie tranquille de Louis-Charles à Versailles : dans la nuit du 5 au 6 octobre, des insurgés franchissent les grilles du palais et Marie-Antoinette manque d’être assassinée. La famille royale doit quitter Versailles pour Paris où elle s’établit – de force – au palais des Tuileries. Malgré son jeune âge, le dauphin est conscient de la situation. C’est un enfant intelligent qui voit son monde s’écrouler, sa mère pleurer et son père se renfermer sur lui-même. La première réaction de Louis-Charles en arrivant au Tuileries sera « Maman, comme tout est laid ici ! ». Il faut dire que le palais n’a pas été préparé à recevoir des occupants et que les meubles les plus nécessaires manquent. Le lendemain, l’enfant demandera à Marie-Antoinette : « Maman, est-ce qu’aujourd’hui sera encore comme hier ? ». Aux Tuileries, le dauphin et sa sœur aînée, Madame Royale, sont la consolation de la reine qui ne semble plus vivre que pour ses enfants. La reine écrit à la duchesse de Polignac : « Si je pouvais être heureuse, je le serais par ces deux petits êtres. Le Chou d’Amour est charmant et je l’aime à la folie ».
Le 20 juin 1791, la famille royale s’enfuit pour gagner Montmédy et rejoindre le général de Bouillé. Le dauphin, déguisé en fille, pense qu’il s’agit là d’une « comédie ». On connaît la suite : Louis XVI et les siens sont reconnus et arrêtés à Varennes. Avant de repartir pour la capitale, Louis-Charles et sa sœur Marie-Thérèse dorment un peu dans une auberge. Là, une vieille femme, née sous le règne de Louis XIV, s’agenouillera devant le lit du dauphin pour embrasser sa petite main et pleurer devant ce qu’elle considère comme un crime de lèse-majesté. Le lendemain, c’est un long et pénible retour vers Paris. La foule gronde autour du carrosse, la reine est insultée, le peuple crache à la figure du roi et certains n’hésitent pas à clamer que le petit Louis-Charles n’est pas le fils « du gros Louis » mais celui de Fersen, prétendu amant de Marie-Antoinette. La situation est traumatisante pour le petit prince.
Le 10 août 1792, les sans-culottes envahissent les Tuileries. La famille royale est transférée « pour sa sécurité » au Temple, dans un donjon de quatre étages, le 13 août. Tandis que la reine, Madame Royale et Madame Elisabeth – sœur de Louis XVI – s’établissent au troisième étage, le dauphin et le roi s’installent au deuxième. Louis-Charles passe d’une vie de luxe à une vie plutôt bourgeoise en famille. Son père lui enseigne le latin, le français, les mathématiques et la géographie. Il distrait également son jeune fils de son mieux. Le 11 décembre, alors que Louis XVI joue au siam avec le dauphin, ce dernier ne parvient pas à dépasser le chiffre seize et déclare : « Le chiffre seize ne me porte pas chance » … pauvre roi ! C’est ce jour là que commence le procès de Louis XVI. Louis-Charles quitte alors son père pour désormais vivre auprès de sa mère, sa sœur et sa tante.
Le 20 janvier, le roi, qui vient d’être condamné à mort, fait des adieux déchirants à sa famille. Prenant son fils sur ses genoux, Louis XVI lui fait jurer de ne jamais chercher à venger sa mort. Le dauphin promet, les larmes aux yeux. Il se jettera ensuite aux pieds des municipaux en les suppliant de lui permettre d’aller demander pardon « aux messieurs des sections de Paris pour obtenir que son papa ne meure pas ». Le lendemain matin, Louis-Charles refuse de manger. A 10h20, les bruits de tambours et les « vive la République » annoncent la mort de Louis XVI. Au Temple, Marie-Antoinette salue alors son fils du titre de roi. Pour les royalistes, Louis-Charles est désormais le roi Louis XVII. Les cours étrangères reconnaissent également l’enfant comme le roi de France : la Grande-Bretagne, la Sardaigne, l’Espagne, l’Autriche, la Prusse et même les États-Unis d’Amérique. En Russie, Catherine II ordonne que tous les français se trouvant dans son pays reconnaissent Louis XVII comme leur roi, sans quoi ils seront expulsés. A l’étranger, le comte de Provence – futur Louis XVIII- reconnaît également son neveu comme le roi de France.
Désormais au Temple, Louis XVII a la préséance sur les dames de sa famille qui, par exemple, le servent en premier aux repas. Cette situation inquiète les républicains. Ils conviennent qu’il faut faire de l’enfant un « citoyen » et le 3 juillet, à 10 heures du soir, on arrache Louis XVII à sa famille. Pendant une heure, Marie-Antoinette va s’interposer entre son fils et les municipaux. Ces derniers menacent alors de tuer les deux enfants de la reine si celle-ci s’obstine à les empêcher d’emmener son fils. Marie-Antoinette embrasse Louis-Charles, qui ne cesse de pleurer, et le laisse partir. L’enfant est confié au cordonnier Antoine Simon et à son épouse. Pendant deux jours, Madame Royale entendra son petit frère pleurer. Puis, Louis-Charles se console grâce, notamment, aux attentions de Marie-Jeanne Simon qui s’occupe fort bien de l’enfant. Marie-Antoinette peut apercevoir son fils à travers une petite ouverture lorsque celui-ci se promène dehors. Elle guette parfois des heures pour le voir quelques instants.
Sur la demande du révolutionnaire et homme politique Jacques-René Hébert, Simon s’applique à faire du « louveteau » un parfait sans-culotte. Il lui enseigne des chants révolutionnaires et un jour qu’il entendait du bruit dans la tour du Temple, Louis-Charles dira même : « Est-ce que ces putains-là ne sont pas encore guillotinées ? » . Il parlait ainsi de sa mère, sa sœur et sa tante… Un jour Simon surprend Louis-Charles à faire un geste « nuisible à sa santé » : Hébert se saisit de l’occasion pour parler d’inceste entre Marie-Antoinette et son fils. L’enfant doit signer une déclaration dont il ne comprend probablement pas un mot. Il signe « Louis-Charles Capet » d’une écriture tremblante qui ne ressemble en rien à la sienne :soit l’enfant a hésité, soit on l’a faire boire. Le 7 octobre, le jeune garçon est confronté à sa tante puis à sa sœur. Il confirme, néanmoins de façon peu sûr de lui, que sa mère et sa tante ont commis l’inceste avec lui, le faisant dormir entre elles deux. Devant ces déclarations, Madame Elisabeth est effondrée. Louis-Charles signe ensuite le documents relatant l’entrevue d’une écriture maladroite, hésitante, oubliant jusqu’au « p » de « Capet ». Sans le savoir, il vient de participer à la condamnation à mort de sa mère, donnant là des arguments de force aux accusateurs. Le 16 octobre, alors que Marie-Antoinette monte sur l’échafaud, on sait que Louis-Charles « riait aux éclats avec les municipaux ». Il ne saura jamais que sa mère est morte.
Brutalement, le 19 janvier 1794, le fils de Louis XVI est retiré à Simon qui doit quitter son poste de « précepteur du fils Capet ». Du 30 janvier au 27 juillet ( 9 Thermidor) plus personne n’entrera dans la chambre de Louis-Charles qui est totalement isolé du monde. Madame Elisabeth et Madame Royale, qui n’entendent plus l’enfant, sont même persuadées qu’il a quitté le Temple.
Louis XVII est véritablement emmuré dans une pièce sans fenêtre, où on lui passe de maigres repas à travers une petite ouverture. Il n’a aucun contact avec l’extérieur. Enfin, à la chute de Robespierre, six mois après le début de ce terrible enfermement, le député Barras pénètre dans la chambre de l’enfant. Louis-Charles est recroquevillé dans un lit trop petit pour lui, il est conscient mais ne parle pas. Il est visiblement très mal en point et semble avoir des douleurs à la tête et aux genoux. Ces vêtements sont également trop petits. Dans toute la pièce, des ordures se sont accumulées depuis des mois, rendant l’air irrespirable. On tente de mettre l’enfant debout pour qu’il marche : il hurle de douleur et on doit le recoucher.
Dans ces conditions de vie plus que déplorables, inhumaines, Louis XVII ne dormait et ne mangeait beaucoup. Dés lors, le régime que subissait l’enfant s’améliore un peu : les repas sont meilleurs, la chambre est munie de carreaux, un médecin vient voir le malade. Deux gardiens s’occupent de lui : Laurent – qui sera remplacé plus tard par un certain Lasne – et Gomin. En revanche, on refuse de le faire sortir même pour aller dans le jardin et pourtant on a diagnostiqué que l’air ferait du bien au petit prisonnier. Si sa tante a été guillotinée en mai 1794, sa sœur Marie-Thérèse est toujours au Temple. Là encore pas question que la jeune fille voit son frère : on la laisse dans une ignorance totale du sort de Louis-Charles.
Au début du mois de juin de l’année suivante, Louis XVII est souffrant et son état s’empire brusquement le 8 juin 1795, vers 2 heures du matin. On envoie chercher le médecin Pelletan qui a vu l’enfant quelques jours auparavant. Louis-Charles souffre de sueurs froides et de coliques violentes. Il décède à 3 heures du matin dans les bras de Lasne, probablement d’une péritonite tuberculeuse. Ainsi s’achève la vie de Louis XVII qui commença comme un conte de fée à Versailles et qui bascula bien vite dans une période de peur et d’angoisse, pour se terminer dans un véritable enfer. Les révolutionnaires se servirent de cet enfant contre sa propre mère pour ensuite l’oublier, l’abandonner, le laisser mourir ne sachant pas très bien quoi en faire. Il ne leur était plus d’aucune utilité et constituait plutôt une gêne qu’autre chose. Le comité a fait donner à Louis XVII une mort bien pire que celle de ses parents : une mort lente et misérable dans l’ombre de tous.
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Bibliographie :
– Louis XVII et l’énigme du Temple de Georges Bordonove
– Louis XVII de André Castelot
– Les princes du malheur : le destin tragique des enfants de Louis XVI et de Marie-Antoinette de Philippe Delorme