Membres de la famille Royale

Louis de France, duc de Bourgogne, père de Louis XV

Le 6 août 1682, la dauphine Marie-Anne-Christine de Bavière met au monde le premier petit-fils de Louis XIV.  La naissance du prince est célébrée dans tout le royaume. A Paris, feux d’artifices et spectacles se succèdent durant une semaine.  L’enfant est titré duc de Bourgogne et recevra le prénom de ses père et grand-père, lors de son baptême, célébré à Versailles,  le 18 janvier 1687. Il sera suivi de deux frères, les duc d’Anjou et de Berry. Très vite, le caractère du prince s’affirme et ses contemporains le décrivent comme étant hautain, orgueilleux, turbulent, « incapable de souffrir la moindre résistance », coléreux « donnant à craindre que tout ne se rompit dans son corps » (d’après les Mémoires de Saint-Simon).  Lorsque le jeune Louis atteint l’âge de 7 ans, il quitte sa gouvernante pour « passer aux hommes ». Louis XIV lui choisit le duc de Beauvilliers comme gouverneur, et l’abbé de Fénelon pour précepteur. Ce dernier n’est pourtant pas apprécié par le roi, et doit sa nomination à la marquise de Maintenon. En effet, le monarque se méfie de Fénelon, qu’il sait ambitieux. Mais l’abbé se révèle être un éducateur de qualité, qui parvient rapidement à se faire respecter et aimer du duc de Bourgogne. A ses côtés, Louis apprend en s’amusant, dans l’amour de Dieu et le respect de la religion. Transformé par son apprentissage auprès de Fénelon, le jeune prince semble pourvu de toutes les vertus. En parallèle, il apprend la politique avec le duc de Beauvilliers et l’Histoire Ancienne avec l’abbé Fleury. Adepte des sciences, le duc de Bourgogne collectionne les pierres et les insectes, ainsi que les instruments de physique et les cartes de géographie.

La naissance du duc de Bourgogne, par Antoine Dieu (XVIIe siècle)
La naissance du duc de Bourgogne, par Antoine Dieu (XVIIe siècle)

Bien que devenu un jeune homme plus posé et réfléchi, le prince tient à ce que ses frères le respectent en tant qu’aîné, ce qui entraîne régulièrement des querelles entre lui et le plus jeune, le duc de Berry. C’est le duc d’Anjou qui sert alors de médiateur pour réconcilier ses frères. La grande tristesse du duc de Bourgogne est de voir son père, Monseigneur le dauphin, lui préférer ses cadets, et plus particulièrement le duc d’Anjou.  En 1695, Fénelon est nommé archevêque de Cambrai, signe, non pas d’une élévation, mais d’une disgrâce pour le précepteur de Louis, qui déplaît au souverain. Lorsque Fénelon publie ses « Maximes des Saints » en 1697, puis « le Télémaque » en 1699, il se perd définitivement aux yeux de Louis XIV, qui l’exile dans son diocèse. Cela n’empêchera pas le duc de Bourgogne de maintenir une correspondance avec son ancien précepteur, sans, toutefois, fâcher le roi. Habile, le duc de Bourgogne parvient à conserver l’affection des deux hommes que tout oppose. 

Le 7 décembre 1697, le duc de Bourgogne convole avec Marie-Adélaïde de Savoie.  Fille de Victor-Amédée II et d’Anne-Marie d’Orléans, la princesse est la petite-fille de Monsieur, frère de Louis XIV, et donc la cousine du prince français. Agissant au nom du roi, le grand-père maternel de Marie-Adélaïde négocie directement avec l’ambassadeur de Savoie, pour arranger  l’union de la petite princesse et du duc de Bourgogne. La nouvelle mariée n’étant pas encore nubile, le jeune Louis ne peut côtoyer régulièrement sa jeune épouse, qu’il voit selon le bon vouloir du roi. Les époux devront attendre l’année 1699 pour que cesse la surveillance encadrant leurs visites. Mais le renvoi récent de Fénelon plonge le  prince dans une profonde dévotion, bien lointaine des jeux de sa jeune épouse, qui est vite devenue la coqueluche de Versailles. 

Estampes du duc de Bourgogne et de Marie-Adélaïde de Savoie, par Simon Thomassin (fin XVIIe siècle)
Estampes du duc de Bourgogne et de Marie-Adélaïde de Savoie, par Simon Thomassin (fin XVIIe siècle)

En 1700, le duc de Bourgogne voit son frère, le duc d’Anjou, devenir roi d’Espagne. En effet, Charles II d’Habsbourg meurt le 1er novembre sans héritier. Frère de la défunte reine Marie-Thérèse (épouse de Louis XIV) le monarque espagnol a désigné, pour lui succéder, la descendance de celle-ci. Le dauphin et le duc de Bourgogne devant accéder un jour au trône de France, c’est le jeune duc d’Anjou qui se voit proposer la couronne d’Espagne. Le 4 décembre, le nouveau roi d’Espagne, Philippe V, prend le chemin de son royaume. Ses frères, les ducs de Bourgogne et de Berry, l’accompagnent. Louis sera séparé de son épouse plus de quatre mois, ne revenant à Versailles que le 20 avril 1701.

 En août, Marie-Adélaïde tombe gravement malade, à tel point que l’on craint pour sa vie. La cour s’étonne de l’angoisse que montre le petit-fils du roi à l’idée de perdre son épouse. La princesse Palatine témoigne : « Les personnes qui s’étonnaient tant de la profonde tristesse que ressentit le duc de Bourgogne lors de la maladie de sa femme ne savaient peut-être pas qu’il en est très épris ». Lorsqu’il apparaît que Marie-Adélaïde est hors de danger, après dix jours de maladie, le jeune Louis retombe en dévotion, persuadé que la maladie de la princesse de Savoie est un signe de Dieu. Dès lors, le duc de Bourgogne évite les festivités, ne se montre que lorsque l’étiquette l’exige.  Depuis Cambrai, Fénelon lui adresse un message lorsqu’il apprend le comportement de son ancien élève : « Un grand prince ne doit pas servir Dieu de la même façon qu’un simple particulier. Saint Louis s’est sanctifié en grand roi ».  Bien qu’épris de son épouse, Louis s’en éloigne par son renoncement aux divertissements. En 1702, le duc de Bourgogne part défendre les intérêts de la France, après que l’Empire des Habsbourg lui ait déclaré la guerre. La couronne d’Espagne est au cœur de ce conflit. Durant son absence, Louis s’inquiète que son épouse ne lui écrive pas assez souvent. Il prend conseil après de Fénelon, qu’il a l’occasion de rencontrer lors de son voyage vers les Flandres.  A son retour, bien que toujours épris de sa femme, le duc de Bourgogne s’éloigne d’elle en fuyant les mondanités, préférant étudier et prier. La princesse Palatine note : « C’est inouï qu’une homme de l’âge du duc soit dévot à ce point […], sa dévotion n’est pas de l’hypocrisie, elle vient du cœur »

Louis de France, duc de Bourgogne, par Joseph Vivien (début XVIIIe siècle)
Louis de France, duc de Bourgogne, par Joseph Vivien (début XVIIIe siècle)

La première grossesse confirmée de Marie-Adélaïde rapproche les deux époux, le duc de Bourgogne ne quittant pas le chevet de sa femme. Le duc de Bretagne naît le 25 juin 1704. Premier arrière petit-fils de Louis XIV, sa naissance entraîne des festivités pendant plusieurs jours. Lorsque le petit prince meurt  de convulsions en avril 1705, le duc et la duchesse de Bourgogne sont unis dans la douleur. Voyant un signe de Dieu dans le décès de son fils, Louis écrit à son frère, Philippe  V : « Il a la vie et la mort dans ses mains, nous devons accepter aveuglément tout ce qui vient d’en-haut ».  Le ciel enverra au duc de Bourgogne un second duc de Bretagne, en 1707, suivi d’un petit duc d’Anjou en 1710. 

En mai 1708, le duc de Bourgogne rejoint l’armée de Flandre, dont il prend le commandement avec le maréchal et duc de Vendôme. Son épouse lui écrit régulièrement, au grand contentement de Louis, qui confie à Mme de Maintenon : « Rien ne me fait mieux connaître l’amitié que vous m’avez toujours dit qu’elle a pour moi, et que je ne mets pas en doute ». Après la prise des villes de Gand et de Bruges, un profond désaccord naît entre le duc de Bourgogne et le maréchal de Vendôme. Leur conflit sème la pagaille au sein de l’armée française, ce qui profite à l’ennemi. A la cour, il n’en faut pas moins pour que deux « clans » s’affrontent : celui des enfants légitimés de Louis XIV (le duc du Maine et la duchesse de Bourbon) qui fait l’ éloge du duc de Vendôme ; et celui qui défend – tant bien que mal – le duc de Bourgogne, mené par Marie-Adélaïde et soutenu par les Orléans et le comte de Toulouse (frère cadet du duc du Maine).  Louis se voit reprocher toutes les erreurs militaires et, à la cour, ses ennemis espèrent son rappel par le roi, signe de déshonneur. Mais la duchesse de Bourgogne parvient à plaider la cause de son époux auprès de Mme de Maintenon et de Louis XIV.  En l’apprenant, le prince se montre extrêmement touché par l’attitude  de sa femme  : « Je suis charmé de son amitié et de sa confiance. Je me flatte que je les mérite et je tâcherai, de plus en plus, de mériter son estime ».  Depuis Cambrai, Fénelon assure également le duc de Bourgogne de son soutien : « C’est une chose inouïe qu’un prince soit attaqué dans les discours publics, dans des lettres imprimées et jusque dans les gazettes sans que personne ose contester les faits qu’on avance faussement contre ». Lorsque Louis rentre à Versailles en décembre, le roi lui accorde un long entretien au cours duquel le prince admet ses erreurs militaires et demande le pardon du monarque. Louis XIV ne tiendra pas rigueur à son petit-fils pour ses fautes, le duc de Vendôme en ayant également commises. 

Louis de France, duc de Bourgogne, par Hyacinthe Rigaud, en 1703
Louis de France, duc de Bourgogne, par Hyacinthe Rigaud, en 1703

Après le retour du prince, le couple Bourgogne paraît plus solide que jamais. Louis souhaiterait retourner à la tête de son régiment. Cependant, le roi craint que ceux qui sont hostiles à son petit-fils trouvent encore le moyen de s’en prendre à son honneur, quitte à lui reprocher de futures défaites de l’armée française. C’est dans ce contexte tendu que le duc d’Orléans, oncle de Marie-Adélaïde et cousin de Louis, est éclaboussé. Depuis des années, celui-ci se bat pour que Philippe V conserve la couronne d’Espagne. Or, en 1709 le duc d’Orléans est soupçonné de vouloir pactiser avec l’ennemi pour y gagner le trône d’Espagne. A la cour, le dauphin accable Philippe d’Orléans, soutenu par ses demi-sœurs, la duchesse de Bourbon et la princesse de Conti. Proche des Orléans, et soutenu par eux dans l’affaire du maréchal de Vendôme, le duc de Bourgogne apporte son soutien à son cousin. Philippe d’Orléans est finalement mis hors de cause par Louis XIV mais il demeure à jamais suspect dans l’esprit du roi et de ses ennemis.  Le duc de Bourgogne tente alors de tranquilliser son frère :  » Je crois  Monsieur le duc d’Orléans incapable d’avoir voulu faire quelque chose directement contre vous sur le trône d’Espagne ».  En dépit des efforts du prince, la méfiance à l’encontre de Philippe d’Orléans persistera. 

Le 14 avril 1711, Monseigneur le dauphin meurt de la tuberculose. A la cour, son décès soudain renverse les alliances, le duc de Bourgogne étant désormais le nouveau dauphin.  Pour le successeur de Louis XIV,  Fénelon rédige « l’Examen de conscience sur les devoirs d’un roi ». Le futur règne du duc de Bourgogne, qui se prépare dans l’ombre, a l’apparence d’une véritable rénovation de la monarchie. Louis XIV a instauré le pouvoir absolu et soumet entièrement son peuple. Fénelon entrevoit une grande et belle égalité pour tous les français devant la loi, notamment en soumettant la noblesse et au clergé à l’impôt, et en respectant la liberté de conscience. Ce futur régime tranche singulièrement avec celui mis en place par Louis XIV. Ignorant tout des projets de Fénelon pour le futur règne de son petit-fils, le roi implique davantage celui-ci dans les affaires du royaume. Le nouveau dauphin, qui fuyait déjà les divertissements de la cour, redouble d’application pour être capable de diriger la France. Avec son épouse, il incarne la jeunesse d’un règne nouveau et tout le monde rêve de voir le jeune couple accéder au trône, fatigué du long règne de Louis XIV.  Le prince et Marie-Adélaïde forment, avec leurs enfants, une famille unie.  Jadis enfant difficile, le dauphin suit de près l’apprentissage de son fils aîné, le jeune duc de Bretagne. 

Louis XIV entouré du dauphin, du duc de Bourgogne et du duc de Bretagne (tenu par  Mme de Ventadour), par Nicolas de Largillière (début XVIIIe siècle)
Louis XIV entouré du dauphin, du duc de Bourgogne et du duc de Bretagne (tenu par Mme de Ventadour), par Nicolas de Largillière (début XVIIIe siècle)

Le 6 février 1712, la dauphine est victime de fièvres. Inquiet, Louis la veille. Lorsque la rougeole est diagnostiquée, le prince est éloigné. Marie-Adélaïde décède le 12 février, laissant un époux dévasté. Envoyé à Marly, le prince, déjà fiévreux, doit s’aliter pour ne plus se relever. Les marques de la rougeole sont visibles sur le corps du prince dans la journée du 16. Le dauphin communie et s’éteint au matin du 18 février.  Le nouveau règne si bien préparé par Fénelon disparaît avec le petit-fils du roi. Le dauphin est regretté par beaucoup, à l’exemple du duc de Saint-Simon : « C’est un châtiment. Dieu nous a montré un prince que nous ne méritons pas […] La terre n’en était digne et il était mûr déjà pour la bienheureuse éternité ». La princesse Palatine, qui n’a pourtant pas toujours été des plus tendres avec le prince, reconnaît : « C’est une perte affreuse pour tout le royaume, car c’était un homme vertueux, juste et intelligent […] Il a fait tout le bien qui était en son pouvoir et, de sa vie, il n’a fait de mal à personne ».  Lors de l’autopsie, les médecins constatent que le corps du dauphin est « tout gangrené depuis les pieds jusqu’à la tête, ayant le cœur flétri et un des côtés des poumons pourri ». Mais c’est la découverte de l’œsophage brûlé qui donne lieux « à beaucoup de soupçons que sa mort n’était pas venue d’une mort naturelle ». Le duc de Saint-Simon évoque alors un poison, qui aurait emporté le dauphin, et son épouse avant lui. Tous les soupçons sont dirigés vers le duc d’Orléans, pourtant lié d’amitié avec le couple Bourgogne. La mère de l’accusé, la princesse Palatine, tente d’expliquer la mort du dauphin en écrivant que « son cœur était desséché et aplati, d’où on conclut qu’il est mort de chagrin ». Le 8 mars, le duc de Bretagne rejoint ses parents dans la tombe, frappé, lui-aussi, par la rougeole. Les trois corps sont inhumés le même jour,  le 16 avril, à Saint-Denis. Le petit duc d’Anjou, âgé de 2 ans, ne doit la vie qu’aux bons soins de sa gouvernante, la duchesse de Ventadour. C’est ce fragile enfant qui succédera à son arrière grand-père, en 1715, sous le nom de Louis XV. 

Bibliographie : 

Louis XIV et la famille royale, par Christian Bouyer
L’année des quatre dauphins, par Olivier Chaline
Louis et Marie-Adélaïde de Bourgogne : la vertu et la grâce,  par Sabine Melchior-Bonnet