Membres de la famille Royale

Elisabeth d’Orléans, fille du Régent, chap. 3 : Les années de scandales

Voici la troisième et dernière partie de la biographie consacrée à Marie Louise Elisabeth d’Orléans, fille du Régent. Ce chapitre couvre les dernières années de la duchesse de Berry, sous la régence de Philippe d’Orléans. 

La régence : entre scandales et dévotion 

Louis XIV s’éteint le 1er septembre 1715. La Régence est assurée par  son neveu, Philippe d’Orléans, en raison du jeune âge de Louis XV, 5 ans. Du vivant de son grand-père, la duchesse de Berry, bien que déjà tumultueuse, se retenait quelque peu, afin de se pas mécontenter le roi et se voir priver de certains honneurs. Maintenant que son père est Régent de France, Elisabeth, bien que veuve (ce qui implique une certaine retenue à l’époque), ne se soucie plus de sa conduite. La princesse obtient bientôt le palais du Luxembourg et multiplie ses exigences. Le duc de Saint-Simon note : « Indignée de ne pas être reine, elle voulut en affecter partout la grandeur ». Bientôt, elle ferme les portes du jardin du Luxembourg, alimentant les rumeurs qui courent déjà à son sujet, la duchesse de Berry multipliant les amants et les divertissements couteux. Lors des soirées de jeux qu’elle organise, Elisabeth perd de grosses sommes d’argent et son père bienveillant éponge parfois ses dettes. La princesse mange et boit excessivement de « l’eau-de-vie ». Bientôt, on lui donne le surnom de « Joufflotte », ce dont elle s’amuse. 

A la fin du mois de janvier 1716, la duchesse de Berry et dite souffrante. En réalité, il semble qu’elle ait accouché d’une fillette, qui ne vivra que trois jours. Le père serait son amant du moment, le chevalier de Roye, ancien garde du corps de Charles de Bourbon, désormais marquis de la Rochefoucauld. En juin, la duchesse de Berry se fait offrir par le Régent le château de la Muette, un lieu plus discret que le palais du Luxembourg, où elle peut cacher ses amours coupables. 

Marie Louise d’Orléans par Nicolas de Largillière vers 1714)
Marie Louise Elisabeth d’Orléans par Nicolas de Largillière (vers 1714)

Parallèlement à sa conduite scandaleuse, la duchesse de Berry fait plusieurs séjours chez les religieuses, alors qu’elle se moquait jadis de la dévotion de son époux. Le marquis de Dangeau note qu’elle fait une première retraite chez les Carmélites dès la fin octobre 1715. La princesse passe une nuit au couvent, puis s’en retourne au Luxembourg. La fille du Régent fait ainsi régulièrement des retraites au Carmel. Les religieuses, qui connaissent la réputation de la duchesse de Berry, « l’exhortaient à changer une vie si scandaleuse » selon Saint-Simon. Madame, la princesse Palatine, espère même que la princesse se range enfin : « Je suis satisfaite de ma petite-fille. Elle manifeste un retour vers la religion et du dégoût pour le vice. J’espère que Dieu aura pitié d’elle et lui fera la grâce d’une conversion sincère ».  Pourtant, tout en multipliant les visites aux religieuses, Elisabeth n’en continue pas moins de mener une vie pleine d’excès. 

Quant elle ne reçoit pas au Luxembourg telle une reine, la duchesse de Berry participe aux petits soupers organisés par son père. Les invités sont peu nombreux et on y trouve des danseuses et des comédiennes ainsi que des maîtresses du Régent, parfois fournies par Elisabeth d’après la princesse Palatine : « C’est inouï […] Une fille n’a pas honte de procurer à son père une jolie femme de chambre, afin qu’il se montre indulgent à ses propres débauches ».  Ces soirées n’étant réservées qu’à un petit nombre de convives, le bruit court bientôt selon lequel des orgies ont lieux chez le Régent et il est, encore et toujours, question d’une relation incestueuse entre le duc d’Orléans et sa fille. Pourtant, aucun des familiers de ces soirées n’a jamais fait allusion à un comportement suspect entre la duchesse de Berry et son père. Selon le duc de Saint-Simon, la rumeur – qui est née peu après le mariage de la princesse avec Charles de Bourbon, – vient de « la haine et de l’envie enragée de ceux qui avaient cherché à faire manquer le mariage de la duchesse de Berry », parmi lesquels la tante d’Elisabeth, la duchesse de Bourbon. Mais les soirées en cercle restreint à l’abri des regards, et la conduite de la jeune princesse, alimentent les calomnies dont elle et le Régent sont les cibles. Madame dénonce elle-aussi ces soupers qui s’éternisent tard dans la nuit et ternissent l’image de son fils et de sa petite-fille : « Ils ne sont rentrés qu’à trois heures du matin. Elle [la duchesse de Berry] met son père en danger de mort, mais tout deux y perdent aussi honneurs et réputation. Il y aurait beaucoup de choses à dire là dessus… ». 

La liaison de la duchesse de Berry et du comte de Riom : mariage secret et nouvelles grossesses

A la fin de l’année 1716, la duchesse de Berry délaisse le marquis de la Rochefoucauld pour le chevalier Armand d’Aydie, comte de Riom, capitaine de sa garde, né en 1692, de noblesse pauvre « n’ayant rien que ses chausses ». Celui-ci a pour grand-oncle le duc de Lauzun, qui avait conquis le cœur de la Grande Mademoiselle, cousine de Louis XIV. Le comte de Riom est décrit par la princesse Palatine comme « un fantôme des eaux car il est vert et jaune de visage […] Il est fat et n’a aucun esprit. En somme c’est un drôle fort laid : mais on dit qu’il est très vigoureux et cela charme toutes les femmes débauchées ». C’est pourtant de lui que s’éprend la duchesse de Berry, ce qui n’étonne pas Saint-Simon : « La réputation du galant ne pouvait que captiver l’incompréhensible fantaisie d’une princesse dépravée ».  Suivant l’exemple de son grand-oncle, le comte de Riom, d’abord aimable avec Elisabeth, se met bientôt à exiger de sa maîtresse toutes sortes d’honneurs, tout en la rabaissant en public. Mais la princesse ne peut se passer de son amant, qui menace de la quitter lorsque des disputes éclatent entre eux. Au Luxembourg, le comte de Riom se comporte bientôt comme s’il était le maître des lieux. Le duc de Saint-Simon rapporte : « Il faisait chaque jour essuyer à l’impérieuse duchesse ses caprices qui la faisaient pleurer tous les jours plus d’une fois ». 

Le comte de Riom, par l'Ecole française (portrait posthume, vers 1785)
Le comte de Riom, par l’Ecole française (portrait posthume, vers 1785)

La nouvelle liaison de la duchesse de Berry choque la cour et désole le Régent, qui supporte mal de voir sa fille sous l’entreprise du comte de Riom. Lorsqu’il menace de le faire exiler, Elisabeth tempête, pleure et menace même de se suicider. Le duc d’Orléans n’insiste pas mais supporte mal la présence de cet homme qui humilie constamment la princesse. 

Influencée cependant par ses visites aux religieuses – et gardant en mémoire le scandale provoqué par son accouchement alors qu’elle était veuve – la duchesse de Berry, qui ne veut pas renoncer au comte de Riom, décide de légitimer leur relation, en l’épousant.  D’après le marquis d’Argenson, le mariage de la princesse et du comte de Riom a lieu en janvier 1717, au Luxembourg : « Le Père Massillon a persuadé Mme la duchesse de Berry qu’il fallait ôter le péché. La princesse a donc épousé M. de Riom. Je vous en parle pour avoir vu l’habit de noces qui est fort beau ». Le Régent accepte cette curieuse union, à condition que le mariage ne soit pas rendu public, à l’image de celui contracté par Louis XIV et Mme de Maintenon. Si Elisabeth a voulu régulariser sa liaison avec le comte de Riom, c’est peut-être également parce qu’elle est à nouveau enceinte.  Son état lui a fait prendre du poids et des formes, qu’elle tente de dissimuler sous des robes à paniers (comme le faisait sa grand-mère, la marquise de Montespan). Saint-Simon écrit : « Elle était grosse de Riom et s’en cachait tant qu’elle pouvait ». Malgré les précautions prises, la princesse ne parvient à cacher sa grossesse et se réfugie au château de la Muette, où elle accouche d’une fille en juillet 1717. L’enfant est déclaré mort-né, « ce qui simplifiait les choses ». Pourtant, dans ses « Mémoires secrets sur le Régence », Charles Pinot Duclos (moraliste et historien, contemporain des évènements) notera : « La fille de la duchesse de Berry et du comte de Riom, que j ‘ai vue dans ma jeunesse, est actuellement religieuse à Pontoise , avec trois cents livres de pension. »… un autre mystère de l’Histoire. 

Après sa délivrance, la duchesse de Berry réapparait au palais du Luxembourg, où elle reprend sa vie mondaine et  reçoit des ambassadeurs telle une reine « assise dans un fauteuil surélevés de trois marches » d’après le duc de Saint-Simon. Outrés, ceux-ci se plaignent au Régent, qui tente ensuite de modérer sa fille. Envieuse du château de Chantilly, où elle a été reçue par le prince de Condé en 1718, Elisabeth se fait céder par le Régent le château de Meudon, où le Grand Dauphin réunissait sa petite cour jadis. Le scandale est grand car il s’agit d’une propriété royale. En échange de la jouissance de ce château, Elisabeth rend celui d’Amboise que lui avait octroyé Louis XIV à la mort du duc de Berry.

La duchesse de Berry avec son page, par Pierre Gobert (vers 1715)
La duchesse de Berry avec son page, par Pierre Gobert (vers 1715)

Il apparaît bientôt que la « féconde Berry » comme la surnomme un libelle, est encore enceinte. Mais comme elle n’entend pas se contraindre et modifier son mode de vie, la princesse doit s’aliter à la fin mars 1719, au Luxembourg. Le duc de Saint-Simon rapporte : « La grossesse était venue à terme mais ce terme, mal préparé par les soupers continuels, fort arrosés de vins et de liqueurs les plus fortes, devint orageux et promptement dangereux ». Sans mentionner la grossesse de sa petite-fille, la princesse Palatine condamne également ses excès :  « Il est impossible de se bien porter avec son affreuse gloutonnerie […] Sa maladie vient d’avoir bu trop d’eau-de-vie et d’avoir énormément mangé. Dès qu’elle est un peu mieux, elle se remet à boire et à faire de nouveaux excès ». 

La duchesse est prise de fièvres et de convulsions, que les médecins ne savent traiter qu’avec des saignées. L’état de la princesse l’amène à demander à se confesser. Mais l’Eglise le lui refuse, à moins qu’elle ne renvoie le comte de Riom : « On peut juger de l’éclat d’un tel scandale, de l’embarras de M. le duc d’Orléans et du bruit que cela fit » (Saint-Simon). C’est sans compter sur l’orgueil de la fière Elisabeth, qui s’emporte contre le Clergé et son père, lequel tente de lui faire entendre raison : « Elle se répandit en emportements contre ces cafards qui abusaient de son état pour la déshonorer par un éclat inouï, et n’épargna pas Monsieur son père de sa sottise et de sa faiblesse »

Alors qu’on la croyait perdue, elle duchesse de Berry se trouve mieux après avoir accouché, le 30 avril, d’une fille mort-née. Cette naissance, connue de tous, donne lieu à de nombreuses chansons, attribuant parfois la paternité du bébé  au Régent : « Se peut-il que d’un même enfant, il soit le père et le grand-père ? ». D’autres mettent en avant le déshonneur de la  princesse qui, veuve, continue pourtant d’enfanter (rappelons-nous que son union avec le comte de Riom n’est pas déclarée) : 

Depuis la mort de son mari,
Cet aimable duc de Berry,
Pour ne point éteindre sa race,
Elle épouse la populace.

Marie Louise Elisabeth dOrléans, par Pierre Gobert (vers 1715)
Marie Louise Elisabeth d’Orléans, par Pierre Gobert (vers 1715)

La fin d’une princesse folle 

L’Eglise ayant réclamé l’éloignement du comte de Riom durant sa maladie,  Elisabeth veut désormais que son mariage secret soit publiquement déclaré. Devant le refus du Régent, la duchesse de Berry part s’installer à Meudon, officiellement pour se remettre de ses couches. Afin d’éloigner d’elle son époux trop ambitieux, le duc d’Orléans ordonne au comte de Riom de rejoindre son régiment, à la frontière espagnole. Les supplications de la princesse n’ont pas d’effet sur son père qui prend, lui-aussi ses distances d’avec sa fille. Elisabeth ne trouvera pas plus de soutien auprès de sa mère, qu’elle a toujours dénigrée. En effet, la duchesse d’Orléans soutient la décision de son mari et menace de quitter la cour pour se retirer auprès de sa belle-sœur, la duchesse de Lorraine  (fille de Madame) si l’union de la duchesse de Berry est rendue publique. Dès lors, Françoise-Marie de Bourbon ne visite plus sa fille, tandis que le Régent limite les siennes.

Ce « refroidissement » entre le Régent et sa fille intrigue à la cour. A Meudon, la princesse est souvent victime de fièvres et sujette à des crises d’hystérie, tantôt prostrée et tantôt furieuse contre les siens. Dans la nuit du 2 mai, elle fait une syncope suite à un souper donné pour le Régent, contre l’avis de ses médecins. Une fièvre violente se déclare  et la malade décide s’aller se rétablir au château de la Muette, à la mi-mai. Les médecins ne parviennent pas à soulager la princesse, qui éprouve également des douleurs aux pieds, qu’ils attribuent à la goutte.  Madame témoigne de l’une de ses visites : « Je trouvai ma petite-fille dans un triste état : elle avait des douleurs si affreuses aux plantes et aux doigts des deux pieds que les larmes me venaient aux yeux ». Pendant plusieurs semaines, la duchesse de Berry va de rémissions en rechutes, replongeant dans ses excès de nourriture dès qu’un mieux apparaît : « Elle ne mange rien, le lendemain elle fait trois repas. Cela ne lui vaut rien, elle passe sa nuit à vomir, elle ne peut dormir, et le lendemain elle est très mal » (Madame, 29 juin 1719). 

Le 14 juillet, une nouvelle crise contraint les médecins à donner de l’émétique à la princesse. Sa grand-mère note : « Je crois que les excès de la duchesse de Berry pour le boire et le manger la mettront en terre. La fièvre ne la quitte pas. » Elisabeth se confesse le 16 juillet et communie publiquement, faisant de ses derniers instants « un étrange spectacle » selon Saint-Simon. Aux portes de la mort, il semble cependant que la princesse se soit repentie lorsqu’elle reçoit l’extrême-onction, si on se réfère à ce qu’écrit Madame : « Ma petite-fille a dit qu’elle mourrait sans regrets, puisqu’elle était réconciliée avec Dieu, et que si sa vie se prolongeait, elle pourrait bien l’offenser de nouveau. Cela nous a si fort touchés que je ne saurai l’exprimer ».

La duchesse de Berry par Pierre Gobert (XVIIIe siècle)
La duchesse de Berry, par Pierre Gobert (XVIIIe siècle)

 La duchesse s’éteint dans la nuit du 21 juillet 1719, peu de temps avant ses 24 ans. Sa grand-mère témoigne : « Sa fin a été très douce ; on dit qu’elle est morte comme si elle s’était endormie. Mon fils est resté auprès d’elle jusqu’à ce qu’elle eût entièrement perdu connaissance ». Madame restera persuadée que sa petite-fille  est morte à cause de sa gourmandise et de sa gloutonnerie, écrivant qu’elle « s’est ôtée la vie à elle-même comme si elle se fût tiré un coup de pistolet dans la tête ». Depuis qu’elle était gravement malade, la princesse n’avait pas réclamé la présence du comte de Riom. La mort d’Elisabeth est douloureuse pour le Régent, qui perd sa fille préférée. Le duc de Saint-Simon, écrit « ses larmes redoublèrent au point que j’eus peur qu’il ne suffoquât ». Madame témoigne elle-aussi de l’abattement de son fils mais rappelle sa part de responsabilités dans le décès de la duchesse de Berry :  » Mon fils été très touché de sa mort : elle était sa préférée et ce qu’il avait de plus cher au monde […] Mon fils a perdu le sommeil. Il est dans un état qui attendrirait un rocher. Il est affligé dans l’âme, d’autant plus qu’il voit bien que s’il n’avait pas eu une complaisance excessive pour sa chère fille, la malheureuse enfant serait encore de ce monde ».  Face à la douleur du Régent, les pamphlets, cruels, reprennent la relation ambiguë qu’il entretenait avec sa fille : « La pleures-tu comme mari, comme ta fille ou ta maîtresse ? »

Lors de l’autopsie, les médecins trouvent un « ulcère à l’estomac, un autre à l’aine, la rate entièrement pourrie et en bouillie, la tête pleine d’eau et la cervelle réduite de moitié ». Cette dernière constatation tend à montrer qu’Elisabeth d’Orléans était atteinte de folie, ce qui expliquerait le comportement inconséquent qu’elle eut toute sa vie, et les crises nerfs qui ponctuaient ses disputes avec son père, le duc de Berry (qui ne supportait plus son épouse avant son funeste accident de chasse) ou le comte de Riom. La princesse Palatine avait déjà constaté le « dérangement » dont sa petite-fille était victime, écrivant peu avant sa mort : « Malgré toute son intelligence, elle est comme une enfant de neuf ou dix ans, avec sa façon de vivre désordonnée… J’avoue que je la plains de tout mon cœur ».  

Mais outre ce « dérangement du cerveau », le duc de Saint-Simon écrit que les médecins ont également la surprise de découvrir que la princesse était de nouveau enceinte : « Cela ne promettait que de grandes peines et fut soigneusement étouffé ».  Sans faire mention de la nouvelle grossesse de sa petite-fille, Madame note qu’elle se console de la perte d’Elisabeth « et cela pour bien des raisons : j’ai appris après sa mort beaucoup de choses qu’il m’est impossible d’écrire […] Plût à Dieu que j’aie moins de motifs à me consoler de sa mort ! C’est pire que tout ce que vous sauriez imaginer ».  Personne, pas même la duchesse de Saint-Simon, première dame d’honneur de la duchesse de Berry, n’était au courant de son état. Peut-être Elisabeth ignorait-elle également sa grossesse récente. 

La duchesse de Berry est inhumée le 24 juillet à Saint-Denis. Contrairement à l’usage, aucune oraison funèbre n’est prononcée pour rendre hommage aux qualités de la défunte : « On a été tellement embarrassé pour la faire qu’on a jugé à propos de ne rien faire du tout » renseigne Madame, avec son franc-parler. A défaut d’éloge funèbre, la princesse Palatine se souviendra de sa petite-fille en ces termes : « Mme de Berry avait beaucoup d’esprit et une éloquence naturelle ; elle parfait fort bien quand elle le voulait. »

La duchesse de Berry (lithographie par Delpech, 1840)
La duchesse de Berry (lithographie par Delpech, 1840)

Est-ce pour avoir été délaissée durant son enfance, parce qu’elle n’était qu’une fille, que Marie Louise Elisabeth d’Orléans se jeta ensuite dans un tourbillon de folie, voulant être traitée en reine ? Ni sa mère, indifférente, ni son père, aveuglé par sa tendresse pour sa fille, n’ont cherché à corriger le caractère violent de la jeune Mademoiselle. La princesse Palatine accuse d’ailleurs la duchesse d’Orléans d’avoir failli à son rôle de mère, notant lors de l’agonie de sa petite-fille : « Au fond, elle a bon cœur ; si sa mère avait davantage pris soin d’elle et l’avait mieux élevée, elle ne nous aurait causé que de la joie« . 

Si elle scandalisa par ses actes irréfléchis et jugés indignes d’une princesse de sang, Elisabeth sut se contrôler quand il le fallait : jusqu’à son mariage avec le petit-fils de Louis XIV. Même le duc de Saint-Simon, qui avait encouragé cette union, admit ensuite qu’il s’était trompé sur la nature de la princesse. La duchesse de Berry supporta sans doute mal de ne pas recevoir la reconnaissance qu’elle attendait du fait de sa position. Elle ne fut pas heureuse non plus en amour, se faisant humilier par le comte de Riom, à qui elle passait pourtant tous ses caprices. Blessée dans son orgueil, elle se réfugia dans la nourriture, jusqu’à devenir boulimique. Elle n’écouta jamais ses médecins, lorsqu’ils la mettaient en garde contre sa gourmandise. Malheureuse, et peut-être atteinte de troubles psychologiques,  la princesse cherchait peut-être à se suicider en multipliant les excès sans se soucier des conséquences, comme le résumera Jules Michelet : « Elle voulut, ce semble, périr, se tua, s’extermina par ses grossesses ». Bien que sa vie fut brève, Elisabeth d’Orléans marqua l’Histoire par un comportement fort éloigné de celui-ci que l’on attendait d’une princesse royale… elle fut imitée en cela par plusieurs de ses sœurs, dont l’éphémère reine d’Espagne, Louise-Elisabeth d’Orléans

Bibliographie :

– Mademoiselle, fille du Régent, duchesse de Berry par Henri Carré
– Lettres de Madame, duchesse d’Orléans, née princesse Palatine par Elisabeth-Charlotte de Bavière
– Louis XIV et sa cour par Auguste de Caumont, duc de La Force
– Mémoires de Saint-Simon, par Louis de Rouvroy, duc de Saint-Simon