Membres de la famille Royale

Marie-Adélaïde de Savoie, mère de Louis XV

Marie-Adélaïde de Savoie naît le 6 décembre 1685. Elle est la fille aînée d’Anne-Marie d’Orléans et de Victor-Amédée II de Savoie. Celui-ci s’est engagé dans la ligue d’Augsbourg, contre la France, en 1686. Cependant, dès 1692, le duc de Savoie, prêt à changer de camps quand il s’agit de l’intérêt de son pays, entretient des rapports secrets avec la France. En 1696, un accord de paix est trouvé avec, à la clef, l’union du petit-fils aîné de Louis XIV, le duc de Bourgogne, avec Marie-Adélaïde de Savoie. Il est convenu que la princesse vivrait à la cour de Versailles jusqu’à son mariage, afin de se familiariser plus aisément avec les coutumes de son pays d’adoption. En dépit de son jeune âge, Marie-Adélaïde connait déjà beaucoup de choses sur la cour de France, grâce à sa mère, nièce de Louis XIV, et sa grand-mère paternelle, Marie-Jeanne-Baptiste de Savoie,  arrière petite-fille d’Henri IV. Consciente du rang élevé qu’elle va occuper un jour grâce à son mariage, Marie-Adélaïde écriera à sa grand-mère: « Je crois que je ne vous donnais guère de joie [lors de ma naissance] et que vous auriez bien voulu un garçon, mais je ne puis douter que vous m’ayez pardonné d’avoir été une fille ».

Marie-Adélaïde de Savoie, par François de Troy (1697)
Marie-Adélaïde de Savoie, par François de Troy (1697)

La princesse piémontaise épouse, par procuration, l’héritier de la couronne de France le 15 septembre 1696, puis, prend le chemin de la France où elle doit être accueillie par la famille royale. Marie-Adélaïde y arrive le 4 novembre 1696. Outre Louis XIV et Monseigneur le dauphin – père du duc de Bourgogne – la princesse rencontre, pour la première fois, son grand-père maternel, Philippe d’Orléans, dit Monsieur. De suite, la petite piémontaise éblouit par sa grâce, son maintien et la dignité dont elle fait preuve malgré son jeune âge. Sachant ce que représente la marquise de Maintenon pour le roi, Marie-Adélaïde n’hésite pas à l’appeler « ma tante » en privé. Louis XIV et son épouse morganatique sont définitivement sous le charme de la jeune princesse. Le monarque confie : « Je souhaiterais que sa mère [Anne-Marie d’Orléans ] soit ici, témoin de notre joie ». La jeunesse d’Adélaïde adoucit ses journées et il n’est pas rare que le roi fasse sauter celle-ci sur ses genoux lorsqu’il travaille dans les appartements de Mme de Maintenon.

Les courtisans sont divisés au sujet de la jeune duchesse : certains avancent qu’elle n’est qu’une enfant gâtée ; d’autres, qu’elle est « le rayon de soleil du roi ». Quant à son futur époux, Marie-Adélaïde ne peut le voir qu’une fois par semaine. Tandis que le duc de Bourgogne parfait son éducation, la princesse de Savoie tient déjà la première place féminine auprès de Louis XIV, qui ne cesse de la divertir par des séjours à Marly. A Versailles, la princesse embellit la Ménagerie par des peintures et des dorures.  Les courtisans « rajeunissent de la vivacité de Marie-Adélaïde » et n’hésitent pas à jouer à colin-maillard avec la princesse. Mme de Maintenon témoigne, dans ses lettres à la duchesse Anne-Marie, du « transport de joie d’avoir reçu un tel trésor » en évoquant Marie-Adélaïde. Celle-ci accompagne d’ailleurs régulièrement la marquise à Saint-Cyr où elle se fait de nouvelles camarades de jeux parmi les jeunes filles qui y font leur éducation. Si la princesse égaille Versailles, elle a aussi ses défauts, à commencer par une « paresse intellectuelle ». La marquise de Maintenon ne s’en inquiète pas, avançant qu’il « ne faut pas songer à faire la Princesse savante. Il faut se borner à lui apprendre certaines choses qui entrent dans les plaisirs de la conversations »

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Le mariage du duc de Bourgogne et de Marie-Adélaïde de Savoie, par Antoine Dieu (XVIIe siècle)

Le 7 décembre 1697, Marie-Adélaïde de Savoie épouse, en la chapelle du château de Versailles, Louis de France, duc de Bourgogne. Cependant, le mariage ne change rien à l’emploi du temps du couple : la jeune duchesse n’est pas encore nubile et et elle ne pourra goûter à la vie conjugale qu’à partir de l’année 1699. En attendant, la compagnie de la duchesse de Bourgogne est recherchée par de nombreuses personnes, à commencer par le roi. La jeune princesse est de tous les divertissements et a su toucher le cœur de son beau-père, Monseigneur, ainsi que de son grand-père, Monsieur, qui l’adore. Elle perd celui-ci en juin 1701, emporté par une crise d’apoplexie. Louis XIV, qui entend ne rien montrer de sa douleur, peut alors compter sur le soutien de Marie-Adélaïde. Mais en août, la princesse est frappée une fièvre entraînant des complications telles que l’on craint pour sa vie. La duchesse de Bourgogne se rétablit après dix jours d’angoisse. Cependant, dès sa convalescence, son époux retombe en dévotion, persuadé que la maladie de sa femme est un signe de Dieu.  Le comportement très pieux de Louis éloigne de lui Marie-Adélaïde, qui n’entend pas renoncer aux plaisirs des divertissements de la cour. Lorsqu’en 1702, son époux part dans les Flandres rejoindre l’armée, elle ne lui écrit pas, s’attirant les remontrances de Mme de Maintenon. A la cour, il se murmure alors que la duchesse prend des amants. Pour blesser la jeune femme, une rumeur se répand, selon laquelle elle est incapable de donner un héritier à la couronne.  En effet, Marie-Adélaïde tombe enceinte assez rapidement, mais fait plusieurs fausses-couches, entre 1701 et 1703. Or, pour une paix durable entre la France et la Savoie, la naissance d’un enfant mâle est indispensable. L’entourage de la princesse lui fait comprendre qu’elle soit mener à bien cette mission : lorsque le duc de Bourgogne regagne Versailles, Marie-Adélaïde se veut plus proche de son époux, qui fuit les divertissements. Après plusieurs espoirs déçus de maternité, la duchesse donne naissance à trois princes :

– Louis (1704-1705), duc de Bretagne
– Louis (1707-1712), duc de Bretagne
– Louis (1710-1774), duc d’Anjou et futur Louis XV

Lorsqu’elle perd son fils aîné en 1705, Marie-Adélaïde se réfugie dans la religion, aux côtés de son époux. Elle écrit à sa grand-mère que Dieu « l’accable de toutes sortes de chagrins » pour l’attirer vers lui. Car la perte de son enfant n’est pas le seul malheur qui frappe la duchesse de Bourgogne.  Tout d’abord heureuse que sa sœur cadette, Marie-Louise de Savoie, ait épousé Philippe V d’Espagne, la princesse est ensuite abattue lorsque son père, Victor-Amédée II, s’engage dans une guerre contre la France et l’Espagne.  Les deux sœurs s’unissent dans leur malheur, comme en témoigne leur correspondance. A l’annonce du décès du petit duc de Bretagne, en 1705, la jeune reine d’Espagne écrit : « Pour moi, qui ne suit que tante, j’ai toujours mon cher neveu dans la tête […], il me semble pourtant que je l’aimais plus que les tantes ne doivent aimer leurs neveux, car étant à ma chère sœur, je le regardais comme mon propre enfant ». Lorsqu’elle met au monde l’héritier du trône d’Espagne, en 1707, Marie-Louise demande à la duchesse de Bourgogne d’être la marraine du petit prince des Asturies. 

Marie-Adélaïde de Savoie, vers 1700, par Pierre Gobert
Marie-Adélaïde de Savoie, vers 1700, par Pierre Gobert

En 1708, le duc de Bourgogne part en Flandre, prendre le commandement de l’armée. Suite à un désaccord entre le prince et le maréchal de Vendôme, l’armée française recule, plie devant l’ennemi. A la cour,  l’honneur du petit-fils de Louis XIV est bafoué par un grand nombre de courtisans qui soutiennent le maréchal de Vendôme, et qui rejettent toutes les erreurs militaires sur le duc de Bourgogne. Marie-Adélaïde, appuyée par les Orléans, défend la cause de son époux en « fière protectrice de l’honneur du prince », à la grande surprise des alliés du maréchal de Vendôme. La princesse fait pencher la balance en faveur du duc de Bourgogne en ralliant à sa cause Mme de Maintenon.  Face aux injures et aux calomnies dont on couvre son époux, Marie-Adélaïde perd de sa joie de vivre et est victime de plusieurs fluxions, rappelant à tous sa santé fragile. Après le retour du duc du Bourgogne, en décembre, la princesse bat froid au maréchal de Vendôme, réussissant même à lui faire interdire l’entrée à Marly et à Meudon, sa présence lui étant devenue insupportable. Devant la détermination de son épouse à sauvegarder son honneur,  le duc de Bourgogne décide de faire de Marie-Adélaïde sa conseillère. Épouse dévouée, la princesse est également une mère aimante, suivant de près les progrès de son fils, le duc de Bretagne, « charmant dans toutes ses manières ».

En 1710, la duchesse de Bourgogne favorise le mariage du duc de Berry, son beau-frère, avec Mademoiselle d’Orléans. Bien que Monseigneur  le dauphin et une partie de la cour n’y soient pas favorables, Louis XIV cède à sa petite-fille.  Marie-Adélaïde sera bien mal récompensée de son intervention, la nouvelle duchesse de Berry se montrant rapidement bien moins « douce et facile » que l’on ne le pensait. La duchesse de Bourgogne devient dauphine à la mort brutale de Monseigneur, survenue le 14 avril 1711. Devenue la première dame du royaume, Marie-Adélaïde est très jalousée par les filles illégitimes de Louis XIV, la princesse de Conti et la duchesse de Bourbon, ainsi que par la duchesse de Berry. La dauphine n’en a cure et se console en répétant « Je serai leur reine ».  Son fils aîné, le duc de Bretagne, fait également la fierté de la princesse en « montrant une aisance bien au-dessus de son âge » lorsqu’il paraît en public.

La duchesse de Bourgogne, par Pierre Gobert (1710)
La duchesse de Bourgogne, par Pierre Gobert (1710)

Le 6 février 1712, la dauphine se sent mal, victime d’une forte fièvre et de douleurs entre l’oreille et la mâchoire. Son époux la veille et les médecins sont optimistes. Le roi et Mme de Maintenon prennent régulièrement des nouvelles de Marie-Adélaïde dont l’état empire le 10 février, après que la rougeole ait été diagnostiquée. Le dauphin est écarté de la chambre de son épouse, tandis que  Louis XIV est résolu à ne pas quitter le chevet de sa petite-fille. La princesse s’éteint le soir du 12 février, laissant un époux inconsolable. Dans un moment de lucidité, elle avait confié à ses dames d’honneur : « Princesse aujourd’hui, demain rien, dans deux jours oubliée ».  Sa disparition cause également au roi l’un de ses plus grands chagrins, « la seule véritable douleur qu’il ait eue en sa vie » d’après le duc de Saint-Simon. Quant à Mme de Maintenon, elle perd, avec Marie-Adélaïde « la douceur de son existence ».  

Lors de l’autopsie, les médecins constatent que la dauphine était enceinte de six semaines. Le « sang brûlé » qu’ils trouvent à l’ouverture du corps alimente des rumeurs d’empoisonnement d’autant que l’autopsie ne révèle « aucune marque de rougeole, ni de petite vérole, ni de pourpre sur son corps ». Il se peut que, ce qui a été diagnostiqué comme étant la rougeole soit en fait une infection dentaire, d’où les douleurs sous la tempe que la dauphine a eu au début de sa maladie. Cette infection aurait dégénéré en septicémie, et emporté la princesse.  Avec Marie-Adélaïde, « s’éclipsèrent joie, plaisirs, amusements mêmes et toutes espèces de grâces : les ténèbres couvrirent toute la surface de la cour ». La princesse avait, un jour, demandé au duc de Bourgogne qui il épouserait si elle devait décéder la première. Le prince lui avait alors répondu : « J’espère que Dieu ne me punira pas assez pour vous voir mourir ; et, si ce malheur arrivait, je ne me remarierai jamais car, dans les huit jours, je vous suivrai au tombeau ». Le dauphin tiendra parole, ayant contracté la rougeole au chevet de sa femme : il décède le 18 février, bientôt suivi du duc de Bretagne, le 8 mars.  Tout ce qui reste alors de Marie-Adélaïde, c’est le duc d’Anjou, un enfant de 2 ans, de constitution fragile, qui, pourtant, deviendra roi sous le nom de Louis XV après le décès du Roi-Soleil. 

Bibliographie : 

– Les reines de France au temps des Bourbons : les Femmes du Roi-Soleil, par Simone Bertière 
– Louis et Marie-Adélaïde de Bourgogne : la vertu et la grâce, par  Sabine Melchior-Bonnet
– Marie-Adélaïde de Savoie, duchesse de Bourgogne (1685-1712), par Yvonne Brunel
– L’année des quatre dauphins, par Olivier Chaline