Françoise de Maintenon, l’épouse secrète du Roi-Soleil
Françoise d’Aubigné naît à Niort le 27 novembre 1635, à la conciergerie du Palais de Justice de Niort. Son père, Constant d’Aubigné, y est incarcéré pour le meurtre de sa première épouse et de son amant. Sa seconde femme, Jeanne de Cardilhac, lui a déjà donné deux fils : Constant (1629-1647) et Charles (1634-1703). Jeanne ayant obtenu le droit de rester auprès de son époux, elle met au monde son dernier enfant derrière les barreaux. Le bébé est baptisé le 28 novembre, et reçoit le prénom de Françoise en l’honneur de son parrain, François de la Rochefoucauld. Le grand-père paternel de Françoise n’est autre que le poète Théodore Agrippa d’Aubigné, compagnon d’armes du roi Henri IV.
La famille d’Aubigné est sans le sou et c’est la tante paternelle de Françoise, Louise-Arthémise, épouse du seigneur de Villette, qui prend soin de la fillette à partir de 1638 et ce jusqu’en 1643. C’est en elle que Françoise trouvera une véritable mère, Jeanne de Cardilhac se désintéressant de sa fille, la considérant comme un poids dans sa vie déjà bien difficile. Françoise a 8 ans lorsque sa famille la reprend, Constant étant sorti de prison et s’étant mis en tête d’aller faire fortune en Guadeloupe. Une fois sur place, il abandonne vite femme et enfants pour retourner en France chercher des appuis financiers, son aventure aux Amériques se révélant être un échec.
En 1647, Jeanne et ses enfants sont de retour en France. C’est pour y apprendre la mort de Constant, survenue le 31 aout. La famille de Françoise vit alors dans la misère. La mort tragique par noyade de son aîné, Constant, n’émeut pas la fillette, qui était peu attachée à ce frère, lequel semblait s’être attiré l’amour exclusif de leur mère. Françoise et son frère Charles en sont réduits à aller demander un peu de nourriture aux portes des couvents. La jeune fille n’oubliera jamais cette époque où elle se sentait humiliée sans cesse. En 1648, Louise-Arthémise se propose de reprendre Françoise auprès d’elle, Charles ayant était placé comme page chez le gouverneur de Niort. Chez les Villette, Françoise est très proche de son jeune cousin Philippe, tandis que sa tante la considère comme l’un de ses enfants. A la fin de l’année, Françoise est retirée de son nouveau foyer par Mme de Neuillant, mère de sa jeune marraine, Susanne de Baudéan (future duchesse de Navailles). Cette dernière s’offusque que Françoise soit dans une famille huguenote et compte en faire une bonne catholique. La jeune fille est placée chez les ursulines de Niort quelques mois, où elle trouvera en Sœur Céleste une seconde mère. Celle-ci parvient à faire pencher Françoise du côté de la religion catholique, quoiqu’on ne puisse dire qu’elle fut un jour tout à fait huguenote. Retirée ensuite du couvent, Françoise doit travailler telle une domestique pour Mme de Neuillant qui, avare, l’habille en pauvrette et lui fait garder les oies.
En 1650, Mme de Neuillant se rend à Paris pour préparer le mariage de Susanne. Elle y emmène Françoise pour la déposer aux ursulines de Paris, afin qu’elle y termine son éducation religieuse. Au début de l’année 1651, Françoise rencontre Paul Scarron, un poète infirme qui, séduit par la jeune fille timide, lui propose de la doter, afin qu’elle rentre en religion, ou de l’épouser. Connaissant son avarice, ce n’est pas Mme de Neuillant qui procurerait à Françoise une dot pour se faire religieuse ou pour se marier. On pense que Françoise optera pour la première proposition de Scarron. Contre toute attente, la jeune femme annonce préférer « l’épouser plutôt qu’un couvent ». La chose est faite le 4 avril 1652, à Paris. Françoise d’Aubigné a alors 16 ans, Paul Scarron en compte presque 42. Pour l’occasion, on est parvenu à retrouver Jeanne d’Aubigné, qui signe une procuration pour le mariage de sa fille auquel elle ne vient pas. On perd ensuite toute trace de la mère de Françoise qui passe pour être décédée peu après.
Chez Scarron, des personnes de haut rang se fréquentent. Françoise tient ainsi salon et apprend à plaire à travers sa conversation. Elle ne répond pas aux quelques billets galants qu’elle reçoit mais elle est ainsi assurée d’avoir un avenir après la mort de Scarron, en formant un réseau de connaissances autour de sa personne. En effet, la haute société vient chez Scarron : le maréchal d’Albret, le marquis de Villarceaux, les Richelieu… Françoise y fait bientôt la connaissance de Ninon de Lenclos qui passe pour avoir eu dans son lit tous les gentilshommes de Paris.
Le 6 octobre 1660, Paul Scarron meurt, laissant son épouse de 25 ans dans la misère. Françoise, couverte de dettes, voit ses bien saisis et doit se retirer au couvent des Hospitalières. Elle bénéficie d’une faible pension accordée par Anne d’Autriche grâce à l’appuie de ses amies rencontrées à l’hôtel d’Albret : Bonne de Pons, marquise d’Heudicourt et Athénaïs de Rochechouart de Mortemart, marquise de Montespan. Désormais veuve, Françoise n’a plus que sa bonne réputation comme bien. Mariée à un homme malade et vieux, elle ne l’a jamais humilié ou trompé, ce qui lui apporte l’estime de tous. Elle rend service à tout le monde et ne demande jamais rien pour elle. Cependant, maintenant que Scarron est mort, Françoise répond plus favorablement aux attentes du marquis de Villarceaux : il est probable qu’elle fut sa maîtresse de 1661 à 1663.
En 1668, Françoise fait ses premiers pas à la cour lors d’une fête à Versailles, à laquelle Athénaïs de Montespan l’a conviée. Cette même année, Françoise prend en charge la petite Louise d’Heudicourt, fille de son amie. Son entourage peut voir combien Mme Scarron s’occupe des enfants avec tendresse et dévouement. Ainsi, en 1669, Mme de Montespan demande à Françoise de bien vouloir prendre soin secrètement de l’enfant qu’elle a mis au monde en mars et dont le père n’est autre que Louis XIV. Françoise accueille bientôt un second bébé, né des amours royaux de la marquise – le futur duc du Maine – en mars 1670. Elle élève les enfants illégitimes du roi comme s’ils étaient les siens, se faisant la plus discrète possible pour ne pas attirer l’attention. Même ses ami(e)s ignorent ses activités au service du roi.
A partir de 1672, date à laquelle Mme de Montespan donne un troisième enfant au roi, les bâtards de Louis XIV sont réunis dans une maison à Vaugivard. Pour éloigner les soupçons, Françoise continue de s’occuper de la petite Louise d’Heudicourt ainsi que d’un petit garçon prénommé Toscan. Ce dernier serait un fils illégitime de son frère Charles, bien que certains historiens se demandent si Toscan ne serait pas le propre fils de Françoise, issu d’une liaison coupable. Quoiqu’il en soit cet enfant meurt vers l’âge de 10 ans.
Bibliographie :
- Les Femmes du Roi-Soleil, de Simone Bertière
- Reines et favorites : Le pouvoir des femmes de Benedetta Craveri
- Madame de Maintenon de Jean-Paul Desprat
- La marquise de Maintenon de Eric Le Nabour