01. Les enfants dans la famille royale (XVIIe-XVIIIe siècle)
La mort n’épargne aucune classe sociale et la famille royale ne fait pas exception. Mais face à la disparition d’enfant, les réactions sont différentes, selon qu’il s’agit d’un garçon ou d’une fille. Au début du XVIIe siècle, les parents n’entretiennent pas avec leurs enfants la même relation qu’aujourd’hui : on considère le bébé comme un « mini adulte », un adulte en devenir, qui n’est pas encore totalement formé. La mortalité infantile est très élevée et, en moyenne, un enfant sur deux ne dépasse pas le stade de la petite enfance, d’où la nécessité d’avoir une importante progéniture pour espérer voir quelques uns de ses enfants parvenir à l’âge adulte. Mais là encore, la mort d’un enfant n’est pas vécue de la même manière, selon son sexe.
Au sein de la famille royale, les fils sont les garants de la continuité dynastique. Le premier devoir de la reine – ou de la dauphine – est de mettre au monde de nombreux garçons. La naissance de l’héritier du trône est toujours un grand évènement ; la venue d’un frère cadet – ou de plusieurs – est une nécessité, en prévention, justement, de la forte mortalité infantile. Si la naissance de filles permet de prévoir des alliances avec les pays voisins, un trop grand nombre de princesses n’est pas souhaité : on se désole que, sur les dix enfants nés de la reine Marie Leszczynska, huit soient des filles. Leur titre en dit long sur la place qu’elles occupent : « Madame Première », « Madame Seconde »… les numéros sont redistribués lorsque la mort emporte certaines d’entre elles en bas âge. Les filles de Louis XV sont même parfois désignées sous l’appellation de « Mesdames de France », perdant ainsi leurs identités individuelles. Dès lors, on pleure peu la disparition d’une princesse, surtout si elle est suivie par la naissance d’autres enfants.
On observe le même phénomène dans toutes les classes sociales : chez les nobles, il faut un fils pour reprendre les titres et domaines du père. Les bourgeois et les marchands transmettent également leurs affaires à leurs fils. Enfin, chez les plus pauvres, la force physique des garçons permet de les faire travailler dans les champs ou sur des chantiers, afin de subvenir aux besoins de la famille.
Si Henri IV et Marie de Médicis ne perdent qu’un enfant – un garçon – sur les six nés au cours de leur union, Louis XIV et Marie-Thérèse d’Autriche voient cinq de leurs six enfants mourir au cours de la petite enfance (à cause de la consanguinité). Seul leur fils aîné parvient à l’âge adulte. Si Louis XV et Marie Leszczynska s’émeuvent peu de la disparition de deux de leurs filles, la mort de leur second fils, le duc d’Anjou, est un drame car la reine ne parviendra pas à donner au dauphin un autre petit frère, et ce malgré quatre nouvelles grossesses. Le couple sera davantage touché par la perte de leurs filles jumelles, à l’âge de 24 ans et 32 ans : celles-ci ayant atteint l’âge adulte au moment de leur mort, une véritable relation s’était construite avec leurs parents.
La reine Marie-Antoinette amorce un changement dans la relation entre parents et jeunes enfants : elle est attentive à l’éducation de sa fille aînée dès son plus jeune âge et se montre particulièrement attristée de la mort de sa seconde fille, à l’âge de onze mois.
Fille ou fils de roi, frère ou sœur de roi, ces enfants de sang royal, disparus avant l’âge adulte, ont souvent été laissés dans l’ombre par ceux qui retracent l’Histoire de France. Ils auraient pu être un pion important sur l’échiquier politique, contracter un mariage apportant la paix, intriguer, comploter contre leur souverain. Cela nous ne le saurons jamais car ils n’ont pas vécu assez longtemps, bien que certains avaient déjà un destin tout tracé par avance, de par leur haute naissance. Je rends donc ici hommage à la mémoire de tous ces enfants oubliés.