Les enfants royaux

14. Xavier, duc d’Aquitaine, frère de Louis XVI

Avec la naissance d’un premier fils, le duc de Bourgogne, en 1751, la dauphine Marie-Josèphe de Saxe assure la continuité de la dynastie des Bourbons. Cependant, pour renforcer sa position, elle se doit de donner d’autres enfants mâles à la couronne. Une fausse-couche en mars 1752 fait craindre à nouveau que la dauphine soit d’une santé trop délicate pour mener des grossesses à terme sans problème. De ce fait, lorsque qu’elle tombe à nouveau enceinte, toutes les précautions sont prises afin que Marie-Josèphe ne perde pas l’enfant à venir.  Prudente, la dauphine cesse de participer aux voyages de la cour et demeure à Versailles, dans l’attente de sa délivrance. 

Le 8 septembre 1753, Marie-Josèphe met au monde un second garçon. Il avait été décidé, avant sa naissance, de prénommer l’enfant Xavier, en référence à Saint François Xavier, « protecteur » de la Maison de Saxe. Quant à son titre, l’usage aurait voulu que le second fils du dauphin soit fait duc d’Anjou. Cependant, les fils cadets de Louis XIV et de Louis XV, qui avaient porté ce titre, étaient morts en bas âge. Le roi est donc déterminé à choisir un autre titre pour son petit-fils : on s’arrête sur celui de duc d’Aquitaine, qui n’a jamais été porté par un membre de la famille des Bourbons. Son origine est quasi-royal puisque les derniers ducs d’Aquitaine étaient les rois d’Angleterre, de la dynastie des Plantagenêts, au XIVe siècle. 

Gravure représentant "l'heureux accouchement de Madame la dauphine et la naissance du duc d'Aquitaine"
Gravure représentant « l’heureux accouchement de Madame la dauphine et la naissance du duc d’Aquitaine »

A sa naissance, le duc d’Aquitaine est seulement ondoyé par le Cardinal de Soubise, Grand Aumonier de France. L’accouchement de la dauphine est suivi de festivités. Tandis que Marie-Josèphe retourne à ses devoirs, le nouveau-né est mis sous la protection de sa gouvernante, la duchesse de Tallard (née Marie-Isabelle de Rohan), dame d’honneur de la reine, qui s’occupe également du duc de Bourgogne et de la princesse Marie-Zéphyrine, aînés du duc d’Aquitaine. Marie-Maximilienne de Silvestre, lectrice de la dauphine, a laissé dans ses lettres à Maurice de Saxe (oncle de Marie-Josèphe) de précieuses informations concernant le petit duc d’Aquitaine : « Il n’est pas tout à fait aussi fort que le duc de Bourgogne, mais c’est que ses os sont plus petits ; il est gras, beau et plein de vie » (13 septembre 1753). Le petit prince reçoit la visite de son trisaïeul, Stanislas Leszczynski (le père de la reine Marie Leszczynska), qui quitte sa Lorraine pour rendre visite à ses arrière petits-enfants. 

Visiblement de santé fragile comparé à ses aînés, le duc d’Aquitaine tombe malade au début du mois février 1754, à cause de « trop de dents qui cherchaient à percer à la fois ». Mlle de Silvestre note le 17 février que le prince a de la fièvre et que  » l’on ne doute plus que ce soient quatre dents prêtent à percer, ce qui est bien violent pour un enfant de cinq mois ». Malgré les efforts des médecins et du chirurgien dentiste du roi, l’état du duc d’Aquitaine s’aggrave. Inquiets, le dauphin et la dauphine ne paraissent pas aux divertissements qui sont alors donnés. En proie à des convulsions, il semble que le duc d’Aquitaine soit victime de la coqueluche, maladie qui touche principalement les enfants de faible constitution. Le 21 février, le prince est baptisé en hâte et reçoit les prénoms de Xavier Marie Joseph, selon les vœux de ses parents (prénom choisi à sa naissance, suivi de ceux des parents du Christ, l’enfant étant né le jour de la nativité de la Vierge). 

"Enfant endormi sur un coussin" par Elisabeth-Louise Vigée-Lebrun (vers 1783)
« Enfant endormi sur un coussin » par Elisabeth-Louise Vigée-Lebrun (vers 1783)

Le duc d’Aquitaine meurt le 22 février, âgé de cinq mois. Son corps quitte Versailles le soir même pour les Tuileries. Le 25 février, le petit Xavier de France est inhumé à Saint-Denis tandis que son cœur est porté au Val-de-Grâce. En raison du jeune âge du duc d’Aquitaine, la cour ne prend pas le deuil et les divertissements reprennent sitôt après ses funérailles. L’enfant, dont la naissance avait été célébrée avec faste, est vite oublié par la cour : « Quelques heures, une larme à peine, et l’on y songea plus ». Louis XV écrit cependant à Stanislas Leszczynski : « La plus grande consolation que je puisse avoir dans la vive douleur que me cause la mort du duc d’Aquitaine, mon petit-fils, est que je suis persuadé que vous voudrez bien y prendre part ». 

Face à la mort de leur fils, le dauphin et de la dauphine, forts pieux, acceptent ce qu’ils considèrent comme « la volonté de Dieu ». Un contemporain note : « Au milieu de tout ce que la douleur a de plus sensible, cette princesse [Marie-Josèphe de Saxe] se fait admirer par sa grandeur d’âme ». La dauphine est cependant marquée par la disparition de son fils et elle s’alarme désormais à la moindre maladie chez ses autres enfants, comme le remarque Mlle de Silvestre : « Tout nous épouvante depuis la perte que nous avons faite » (mai 1754).  Le fait que Marie-Josèphe soit à nouveau enceinte à ce moment-là aide sans doute la dauphine et son époux à surmonter la perte du duc d’Aquitaine : six mois après sa mort, le petit Xavier est « remplacé » par le duc de Berry (futur Louis XVI), qui hérite de ses meubles et de ses appartements à Versailles, comme si un prince pouvait se substituer à un autre. Ainsi, la naissance de trois autres garçons (tous devenus rois de France), fera tomber le duc d’Aquitaine dans l’oubli. Son seul portrait, réalisé après sa mort par François Latinville, a aujourd’hui disparu. 

Bibliographie : 

Maurice Comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, Dauphine de France :  Lettres et documents inédits des Archives de Dresde (édition de 1867)
– Le dernier duc d’Aquitaine : Xavier de France (1753-1754), par Francisque Habasque
– La dauphine Marie Josèphe de Saxe, mère de Louis XVI, par Émile Regnault

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