Historia

Mémoires de Poilus (1918 – 2018)

A l’occasion du centième anniversaire de l’Armistice signée le 11 novembre 1918, le magazine Historia consacre son mensuel aux Mémoires de Poilus. Morts au combat, portés disparus ou revenus dans leurs familles, ceux qui ont été au front lèguent à leurs proches le poids de leurs souffrances et de leurs traumatismes…

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La Grande Guerre ne s’achève pas le 11 novembre 1918. Elle laisse des soldats brisés et des familles détruites, qui restent, cent ans après les faits, toujours endeuillées par la perte d’un être cher.

Ceux qui ont survécu sont traumatisés d’être vivants, alors que tant de leurs compagnons sont morts à leurs côtés. Comment surmonter ce sentiment de culpabilité ? D’autant que ce ne sont pas les rescapés, souvent mutilés, que la France honore, mais bien ceux qui sont tombés au front. Ceux qui reviennent dans leurs foyers ne rentrent pas indemnes et doivent retrouver leur place au sein d’une famille qui a évolué sans eux : les enfants ne se souviennent plus de ce père, parti lorsqu’ils étaient au berceau ; la femme travaille, a gagné en indépendance, ne reconnaît plus le beau jeune homme qu’elle a épousé à travers ce Poilu dévisagé, mutilé ou traumatisé par les horreurs de la guerre.

Car si la guerre est finie, les poilus restent marqués par l’enfer qu’ils ont vécu. Ceux qui témoignent de leur quotidien dans un journal ou une correspondance, n’évoquent pas le moment, traumatisant,  où ils ont été amenés à tuer un homme du camps ennemi. Les Poilus gardent pour eux leurs souvenirs douloureux, qui viennent les hanter la nuit, dans leurs rêves. Le survivant n’est plus l’ homme insouciant d’avant 1914. Dès lors, des familles d’abord si heureuses de se retrouver  finiront parfois brisées, le Poilu se sentant étranger parmi les siens. En témoigne l’explosion des divorces après la guerre…

Pour ceux qui ont perdu un époux, un père, un fils, le deuil est difficile. Ce sont souvent des hommes jeunes qui sont tombés et qui laissent de nombreux enfants grandir sans référence paternelle. Le défunt père est toujours montré en exemple, son souvenir est cultivé et devient, parfois, écrasant pour ses enfants. Certains d’entre eux, en quête de repères, s’identifieront à ce père absent en exerçant le même métier. Découvrez, à travers des témoignages émouvants, comment les pupilles de la nation se sont construits en composant avec l’ombre d’un père qu’ils ont à peine connu…

Pour les veuves de guerre, la vie n’est pas simple car tous les regards sont tournés vers le front, puis vers ceux qui en sont revenus. Sous leurs vêtements noirs, elles sont comme invisibles aux yeux de la société. Parmi elles, il y a celles qui vont se remarier, par amour ou par nécessité. Ces femmes qui tentent de se reconstruire sont montrées du doigt et on leur reproche de trahir le défunt. La veuve de guerre semble condamnée à devoir vivre dans le souvenir de celui qui ne reviendra jamais et est qualifiée de « veuve joyeuse » si elle y déroge. Mais il y a aussi ces épouses qui ne se remettront pas de la perte de l’être aimé, comme en témoignent aujourd’hui leurs enfants et petits-enfants. Certaines voueront toute leur vie un culte au mari disparu…quand elles n’attendent pas, en vain, son retour. En effet, 300.000 soldats sont portés disparus à la fin de guerre. Pour les familles, commence une attente interminable car faire leur deuil sans corps est impossible. Ainsi, beaucoup de femmes refuseront d’accepter la mort de leurs époux. Le temps qui passe n’y changera rien, comme en témoignent leurs descendants…

A la douleur de perdre un être cher, s’ajoute le déshonneur quand celui-ci n’est pas mort au combat mais fusillé. En effet, au fil des années, les mutineries se multiplient, les hommes étant fatigués de combattre, refusant d’être sacrifiés. Ces hommes sont qualifiés de lâches, de traîtres, et entraînent leurs familles dans leur chute : leurs enfants sont moqués, leurs épouses évitées. Certaines perdent leur travail, doivent s’exiler. Aujourd’hui, les descendants des fusillés se battent toujours pour la réhabilitation de leurs morts : des hommes qui ont eu peur, qui en ont eu assez d’une guerre qui devait être courte…et qui n’en finissait pas.

A travers  les confidences des Poilus et les témoignages de leurs descendants, plongez dans l’intimité de ces familles touchées par la guerre et découvrez comment le souvenir du conflit continue de hanter les descendants des Poilus, qui ont à cœur que le souvenir de leurs aïeuls perdure. Un numéro poignant qui, loin des combats, nous fait vivre le quotidien de ceux dont la famille a été amputée d’un (ou de plusieurs) membre(s), temporairement ou définitivement…

mensuel N°863 / novembre 2018

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