Historia

Pourquoi parlons-nous français ? 1200 ans de métamorphoses

Le magazine Historia fait peau neuve et consacre son mensuel à notre langue nationale, afin de faire écho à l’inauguration de la Cité internationale de la langue française, au château de Villers-Cotterêts en octobre 2023.

La langue française est en perpétuelle évolution. Mais depuis combien de temps parlons-nous le français, et à partir de quoi notre langue s’est-elle construite ? Pour le comprendre, il faut remonter à l’Antiquité. A l’époque, les gaulois parlent « le franquiste » aux origines germaniques. L’expansion de la République Romaine introduit bientôt le latin en Gaulle, qui va être largement adopté pour faciliter les échanges commerciaux. Les élites ne tardent pas à abandonner leur langue maternelle pour le latin, afin de pouvoir accéder à la citoyenneté romaine, qui leur apporte de nombreux avantages. Ainsi, l’emploi de la langue gauloise se restreint pour disparaître ensuite totalement.

Sous le règne de Charlemagne (au VIIIe siècle), on enseigne le latin aux enfants. Il s’agit en effet de la langue de l’Église, dans laquelle sont écrits les textes religieux. Pour autant, de nombreux dialectes circulent encore dans le vaste empire des Carolingiens et les accords de paix ou alliances politiques sont traduits en « langue romane » pour le peuple franc.

Le Moyen-Age voir apparaître un genre littéraire nouveau, le « roman » qui s’articule autour du thème de l’amour courtois. Ce qualificatif de « roman », on le doit au fait que les textes sont rédigés en langue romane et non en latin, comme c’est le cas pour les textes officiels (religieux et politiques).

En 1539, le roi François Ier décide d’en finir avec les multiples dialectes qui sont parlés dans le royaume et impose officiellement le français comme langue officielle, avec l’ordonnance de Villers-Cotterêts. Au cours des siècles suivants, la langue française ne va cesser de prendre de l’importance, d’abord sur le territoire mais aussi au-delà des frontières : dans de nombreuses cours étrangères, la langue française est utilisée par les élites mais aussi dans la diplomatie.

Si la langue française est tant employée en Europe – et jusqu’en Russie au XVIIIe siècle – c’est d’abord parce qu’elle est synonyme de raffinement mais aussi de culture : dans les salons parisiens, les dames de la noblesse – à l’exemple de Mme de Scudéry – manient avec grâce l’art de la conversation, jouant avec les mots et les tournures de phrases. Beaucoup d’européens trouvent des similitudes entre notre langue et le latin, ce qui permet au français de devenir à la mode chez les princes, qui le parlent « plus souvent et plus volontiers » que leur propre langue. Les troupes de théâtre qui se produisent à l’étranger le font « dans la langue de Molière », de plus en plus appréciée. Les penseurs, les hommes de lettres et philosophes du « siècle des Lumières » sont également français et sont invités à la cour de Catherine de Russie ou de l’empereur de Prusse Frédéric II. Associée à l’élégance et au savoir, la langue française devient donc aussi, par extension, celle de la diplomatie dès lors qu’elle est parlée par toutes les cours européennes. Elle semble alors solidement ancrée.

Avec la colonisation de l’Amérique, la langue française s’exporte sur un autre continent. Mais l’Angleterre concurrence alors sérieusement la France dans la conquête du Nouveau Monde. La perte d’une grande partie des colonie, à la fin du règne de Louis XV, freine alors la progression de notre langue outre-Atlantique. En Europe, la rupture vient avec la Révolution Française : pour la noblesse d’Europe, notre langue devient alors, non plus celle de la pensée des Lumières, mais celle de l’oppresseur et de la terreur. De nombreux souverains craignent que les bouleversements qui  secouent la France ne donnent des idées à leurs sujets, mettant en danger la monarchie. Dès lors, tout ce qui vient de notre pays, les avancées comme la langue, sont à proscrire. L’Angleterre, terre d’exil pour de nombreux nobles français, tirera son épingle du jeu en imposant progressivement l’anglais, sur la scène internationale…

Avec le temps, la langue française évolue : certaines expressions disparaissent, d’autres se créent et quelques formes verbales sont peu à peu abandonnées, à l’exemple du subjonctif imparfait. Des orthographes sont également simplifiés (« clef » est de plus en plus souvent écrit « clé »), et cela inquiète certains académiciens, qui considèrent que la langue française est en danger. Il est également établi que notre langue est aujourd’hui « envahie » par des expressions et mots venant de l’anglais. Va-t-on vers un appauvrissement de la « langue de Molière » ?

Un voyage dans le temps qui vous fera découvrir toutes les subtilités de notre langue, parfois ambiguë et déroutante…

mensuel N° 927 / Mars 2024