Historia

La grande saga des Francs : Du royaume chrétien au premier empire européen

Le magazine Historia vous propose de remonter le temps pour faire connaissance avec les rois Francs, issus des Mérovingiens et des Carolingiens.

Beaucoup de choses ont été écrites à propos de ces rois lointains, dont les noms nous semblent étrangers, venus d’un autre temps (Sigebert, Childebert, Chilpéric…). Si on a retenu ceux de Clovis ou de Dagobert, l’histoire de leur règne reste confuse. En effet, la plupart des sources narrant leurs exploits ont été rédigées bien après leur mort, afin de servir le pouvoir alors en place. Tantôt présentés comme des chefs païens sanguinaires, tantôt comme des « rois fainéants », qui sont vraiment les Francs, qui ont donné naissance à la première dynastie royale, à la fin du Ve siècle ? Pourquoi l’immense empire de Charlemagne fut-il démantelé à sa disparition ?

On attribue souvent aux Francs l’invention des premières écoles, l’unité territoriale ainsi que la conversion au baptême d’un peuple païen. La réalité est plus complexe. L’origine même des Francs est sujet à débat : afin de justifier leur présence sur le trône, on prétend que Clovis descend de Priam, roi de Troie. Cette glorieuse origine, qui fait des Francs les égaux de l’élite romaine, les rend légitimes à exercer le pouvoir. Cultivant le mystère de leurs origines, Clovis et ses descendants s’inventent des racines prestigieuses. Les deux dynasties doivent leur nom à ceux qui sont considérés comme leurs fondateurs : Mérovée pour les Mérovingiens (le grand-père de Clovis) et Charlemagne (Carlorum en latin) pour les Carolingiens. Lorsque le père de ce dernier, Pépin le Bref, détrône le dernier Mérovingien, il fait passer son acte, non pour un coup d’État, mais pour un retour à la tradition ancestrale selon laquelle le roi doit être élu (comme sous la Rome Antique). 

Louis Ier le Pieux, par Jean-Joseph Dassy (1837)
Louis Ier le Pieux, par Jean-Joseph Dassy (1837)

Sous les deux dynasties, il n’est pas rare de voir plusieurs rois, régnant en même temps sur diverses parties du royaume. Car durant cette période, le droit d’aînesse n’existe pas et, si le roi en place tente de transmettre sa couronne à sa descendance, la coutume veut que chacun de ses fils hérite d’un territoire : ainsi, Clovis laisse quatre enfants mâles qui vont se répartir ses possessions. Trois siècles plus tard, l’empire de Charlemagne, passé à son fils unique Louis Ier le Pieux, est divisé entre les quatre fils de ce dernier. Découvrez les frontières du royaume des Francs, qui évoluent au fil des conflits et des successions.

Sous les deux dynasties, on constate que des frères deviennent souvent rivaux, jaloux des possessions des uns et des autres. Il n’est pas rare que des guerres éclatent dans la fratrie, afin d’étendre son territoire. Tous les prétextes sont bons  pour engager les hostilités et la fin du VIe siècle est marquée par le conflit entre Sigebert Ier et Chilpéric Ier, lequel se prolongera par-delà leur mort, opposant les reines Bruhenaut et Frédégonde, mais aussi leurs descendances. Car chez les Mérovingiens, le pouvoir est aussi une affaire de femmes : ainsi, on avance que c’est l’épouse de Clovis, la reine Clotilde, qui obtint la conversion du roi païen, lequel s’attache à créer des liens durables entre la papauté et sa famille. Quant à Brunehaut, elle exerce le pouvoir au nom de son fils, de ses petits-enfants et de ses arrière-petits-fils, n’hésitant à dresser ses descendants les uns contre les autres pour conserver sa place au sommet.

Clotilde et Clovis, par Antoine-Jean Gros (XIXe siècle)
Clotilde et Clovis, par Antoine-Jean Gros (XIXe siècle)

Chez les rois Francs, l’assassinat des membres de sa famille, pour agrandir son territoire et/ou protéger ses frontières, est monnaie courante et tous les coups sont permis. Au début du VIIe siècle, Clotaire II élimine tous ses cousins et demeure le seul roi des Francs… mais son vaste royaume sera à nouveau divisé deux générations plus tard. Charlemagne, qui est passé à la postérité comme l’empereur sage « à la barbe fleurie », n’est pas en reste : son frère Carloman, qui hérite lui aussi de leur père Pépin le Bref (en 768), meurt obscurément en 771 et ses deux fils  disparaissent peu après sans que l’on puisse dire avec certitude s’ils ont été assassinés ou enfermés dans un monastère…

Si l’histoire des Francs est ponctuée de querelles sanglantes, il faut néanmoins retenir que, face à l’envahisseur, les différents rois, tous liés par le sang, s’unissent pour défendre le royaume de leurs aïeuls communs.

Le VIIe siècle est marqué par une succession de règnes courts, durant lesquels les « maires du palais » vont prendre de plus en plus d’importance, exerçant davantage le pouvoir que le roi en place… jusqu’à renverser la dynastie régnante. Revivez le basculement du pouvoir des Mérovingiens aux Carolingiens, qui s’est lentement amorcé sur plusieurs années. Les rois de cette seconde dynastie régnante vont progressivement adopter l’idée de la primogéniture, afin que l’intégralité du royaume soit transmis à leur fils aîné. Entre-temps, l’héritage territorial laissé par Charlemagne aura été dilapidé par ses descendants.

Louis V “le fainéant”, par Louis-Félix Amiel (XIXe siècle)
Louis V “le fainéant”, par Louis-Félix Amiel (XIXe siècle)

Démêlez le vrai du faux dans les légendes qui courent au sujet des Francs et qui leur « collent à la peau » : rois incultes, barbares ou « fainéants », les historiens font la lumière sur ce qui caractérise aujourd’hui les Francs, sur ce qui véridique et sur ce qui tient du mythe. Si l’empreinte des rois Francs est difficilement visible dans nos frontières et paysages d’aujourd’hui, certains mots et noms francs ont traversé les siècles et se cachent encore dans notre vocabulaire ou dans des prénoms modernisés mais hérités de ces dynasties qui présentent de nombreux points communs. En effet, si les Carolingiens ont su détrôner les Mérovingiens, leur pouvoir s’est également réduit au fil du temps et des générations, les Grands du royaume finissant même par élire des rois issus d’une autre famille puissante, les Robertiens. La mort prématurée du dernier Carolingien, Louis V, en 987, ouvre la voie à Hugues Capet et à une nouvelle dynastie…

mensuel N°897 / septembre  2021

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