Historia

Les grandes affaires de poisons : d’Agrippine au « parapluie bulgare »

Le magazine Historia consacre un numéro spécial aux grandes affaires de poisons qui ont marqué l’Histoire, de l’Antiquité à nos jours.

Depuis toujours les poisons fascinent, inquiètent. Ils font leur apparition dès l’Antiquité et sont appréciés pour se débarrasser d’un ennemi ou d’un rival gênant, « proprement », dans laisser de traces, contrairement aux armes blanches. Les poisons les plus prisés sont le cyanure, le mercure ou encore l’arsenic. Certains peuvent être utilisés en médecine… mais un mauvais dosage fait rapidement passer le malade de vie à trépas… surtout quand il n’existe pas d’antidote. Il s’agit donc de les manier prudemment, à l’exemple de Cléopâtre, qui teste les poisons sur les prisonniers condamnés à mort. Le philosophe Socrate a lui-même été condamné à se « suicider par le poison ». Une manière, pour les juges, de se décharger de sa condamnation ?

L’empoisonnement étant difficile à prouver en cas de mort soudaine, des soupçons d’assassinat par le poison naissent souvent après un décès brutal, surtout lorsqu’il s’agit d’un personnage important : l’empereur romain Claude a-t-il été emporté par une crise d’apoplexie ou était-ce le poison ? Que penser de la mort de son successeur, Britannicus, qui est emporté quelques mois après son père, à l’âge de 14 ans ? Une crise d’épilepsie fut avancée mais sa disparition permet à son frère adoptif, Néron, de s’emparer du pouvoir. Dès lors que la mort du jeune prince arrange bien du monde, n’est-il pas plus « logique » de croire à un empoisonnement ? Quand la mort touche une grande figure de l’Histoire, il est difficile, pour ses partisans, d’y voir la maladie ou un coup du sort…

La peur des poisons se poursuit au Moyen Age et les affaires d’empoisonnement se multiplient, comme en témoignent les archives de l’époque, qui recensent de nombreux procès. Hériter plus vite, se débarrasser d’un époux gênant ou d’une personne faisant obstacle à un projet, les scandales n’épargnent aucune classe sociale et la comtesse Mahaut d’Artois, belle-mère du roi de France Philippe V, est, elle aussi, soupçonnée d’empoisonnement, au  début du XIVe siècle. Il faut dire que les membres de la famille royale meurent les uns après les autres, ce qui a permis au genre de Mahaut d’Artois, fils cadet du roi, de ceindre la couronne après trois morts jugées suspectes. La fin de la dynastie Capétienne doit-elle être imputée au poison ?

La plus grande affaire criminelle est sans doute celle de « l’Affaire des Poisons », qui entache la fin du règne de Louis XIV, entre 1678 et 1682 : l’enquête menée par le lieutenant de police La Reynie met à jour un important réseau d’empoisonneuses, qui fournissent aussi bien à leur clientèle philtres d’amour et  « poudres de succession », quand il ne s’agit pas de pratiquer des avortements ou de faire dire une messe noire. Dès lors, les dénonciations et arrestations vont se multiplier, tout comme les bûchers. Découvrez cette page sombre de l’histoire, qui éclaboussa les proches du Roi-Soleil.

Les légendes se nourrissent des rumeurs et des soupçons : ainsi,  Jean Racine s’empare de la fin prématurée de Britannicus pour sa pièce de théâtre, tandis que Maurice Druon fait des derniers Capétiens « les rois maudits », décimés par une malédiction et des empoisonnements. Quant à Victor Hugo, il va s’inspirer de l’histoire de la famille Borgia, entourée par des morts suspectes, pour donner naissance à la légende noire de la belle Lucrèce, dans son drame de 1833.

Mais parfois, des rumeurs invérifiables à l’époque de la mort, peuvent être confirmées des siècles plus tard. Ainsi, en 2004, des analyses pratiqués sur les restes d’Agnès Sorel, maîtresse de Charles VII, démontrent que la favorite royale est morte empoisonnée au mercure ! En 1450 déjà, on soupçonnait le futur Louis XI ou encore l’argentier Jacques Cœur – son exécuteur testamentaire – de l’avoir assassiner. Le mercure étant également utiliser en médication, Agnès Sorel a-t-elle été victime d’une erreur médicale, ou a-t-elle été empoisonnée volontairement ? Le médecin légiste Philippe Carlier, qui a étudié les restes de la favorite, vous livre sa théorie.

Au début du XXe siècle, l’opinion publique va se passionner pour les affaires d’empoisonnement, de plus en plus médiatisées : Violette Nozière, accusée de parricide, ou encore Marie Besnard, suspectée de onze empoisonnements au sein de sa famille. Malgré les doutes et les analyses scientifiques, la culpabilité de l’accusée ne peut être établie avec certitude. Retour sur une affaire qui dura treize ans, dans laquelle chacun y allait de sa théorie.

L’intérêt du public pour les meurtres par le poison va sans doute inspirer les auteurs de romans policiers, à l’exemple d’Agatha Christie : infirmière bénévole durant la Première Guerre Mondiale, puis pharmacienne, la jeune femme étudie les différentes substances chimiques qui peuvent, selon le dosage, guérir ou tuer. Surnommée « la reine du crime », Agatha Christie publie des dizaines de romans, dont certains seront adaptés au cinéma ou à la télévision.

A travers ce numéro, revivez les grandes affaires de poisons, où il est parfois difficile de distinguer légende et réalité. Pour vous y aider, des historiens et des scientifiques analysent les derniers instants et/ou les restes des « victimes », ne négligeant aucune piste, pour vous apporter un peu de lumière dans des enquêtes obscures et passionnantes, où le poison est toujours le coupable idéal.

spécial N°51 / janvier-février 2020

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