Historia

Moscou : Le mythe de la nouvelle Rome

Afin de coller à l’actualité, le magazine Historia vous propose deux dossiers dans son mensuel de mai 2022, en revenant tout d’abord sur la volonté expansionniste de la Russie de Vladimir Poutine.

Depuis l’empire des tsars, les dirigeants russes cherchent à agrandir leur territoire car, selon eux, la puissance d’un pays se mesure à son étendue. La Russie ambitionne de prendre la tête du monde orthodoxe, et il apparaît aujourd’hui clairement que Vladimir Poutine cherche à renouer avec les frontières du passé, d’avant la chute de l’URSS. Ce n’est pas un hasard si, depuis 1991, les armoiries russes comportent un aigle à deux têtes (il regarde à la fois vers l’Orient et l’Occident) : Vladimir Poutine affiche sa volonté de restaurer un pouvoir fort, qui s’inscrit dans l’héritage tsariste.

D’après le président de la Fédération de Russie, les russes et les ukrainiens ne forment qu’un seul peuple et n’ont été séparés que par des « accidents » survenus au cours de l’Histoire. La vérité, c’est que l’Ukraine a toujours suscité l’intérêt des pays qui l’entourent, en raison de la richesse de ses terres. Découvrez comment s’est construite l’Ukraine, grâce aux Cosaques qui résistent à leurs voisins, jusqu’à ce qu’un traité passé avec la Russie ne mette le pays sous la tutelle du tsar. Devenue une province russe au XVIIIe l’Ukraine perd son autonomie. Catherine II et Alexandre Ier poursuivront une politique de « russification » du pays, exploitant les sols et faisant d’Odessa un grand port de commerce et un point stratégique.

Mais le peuple ukrainien, dans sa majorité, ne se considérera jamais comme russe et, à la chute de Nicolas II en 1917, il proclame l’indépendance du pays, qui ne gagnera sa liberté qu’en 1991, après de nombreux affrontements avec les bolcheviques. Depuis, Kiev s’est farouchement opposé à un nouveau rapprochement avec la Russie.

Découvrez les grandes figures et les dates clefs qui ont fait l’Ukraine, ainsi que tensions et les crises politiques qui existent entre le pays et la Russie de Vladimir Poutine, depuis le début du XXIe siècle… ce qui a conduit au déclenchement de la guerre, le 24 février 2022.

"Les Trois Glorieuses" par Léon Cogniet (vers 1830)
« Les Trois Glorieuses » par Léon Cogniet (vers 1830)

Dans ce numéro, découvrez également un dossier consacré aux trois rois Bourbon qui ont accédé au pouvoir après des crises à l’intérieur du pays et qui ont cherché à réconcilier les français, plutôt que de sanctionner pour les actes passés.

Nous l’avons vu avec l’élection présidentielle de 2022, le peuple a besoin d’une figure unificatrice, afin de rapprocher les français divisés. Lorsqu’Henri IV monte sur le trône, en 1589, il est haï par un grand nombre de ses sujets, car protestant dans une France majoritairement catholique. Mais le premier monarque issu de la dynastie des Bourbon est persuadé de pouvoir régner sur un royaume où deux religions sont pratiquées. La France sort d’une période sanglante de guerres de religion (1562-1598) mais, plutôt que de réprimer ceux qui ont participé aux massacres, Henri IV pardonne et promulgue l’Édit de Nantes, afin que les français puissent coexister. Découvrez les concessions et les actions qui rendront Henri IV populaire, roi d’abord rejeté puis pleuré par tous ses sujets, après son assassinat.

Lorsqu’il ceint la couronne de France en 1814, Louis XVIII doit composer avec les acquis de la Révolution. Frère d’un roi guillotiné, sûr de sa légitimité conférée par sa royale naissance, ce petit-fils de Louis XV aurait pu vouloir imposer un retour à l’Ancien Régime. Mais Louis XVIII est intelligent et se veut proche du peuple, qui vient de connaître la République, puis l’Empire de Napoléon Ier. Le descendant d’Henri IV prend son ancêtre en exemple, pour réconcilier les français : les nostalgiques de la monarchie absolue et ceux qui regrettent la République, née du soulèvement du peuple. Ainsi, il pardonne publiquement, dès 1800 depuis son exil, aux « fauteurs » de la Révolution. Louis XVIII œuvre pour l’unité nationale, choisissant de conserver le personnel compétent de l’empereur déchu, issu de la bourgeoisie, plutôt que de s’entourer d’une « noblesse parasite ». Il se veut « le père » de tous les français. Son frère cadet, Charles X, perdra sa couronne pour avoir mené une politique opposée à celle de son prédécesseur.

Après l’abdication forcée de Charles X en 1830, les députés poussent sur les marches du trône le cousin des Bourbons, Louis-Philippe d’Orléans, afin d’éviter l’instauration d’une nouvelle République. Le nouveau roi des Français cherche, lui-aussi, à rassembler autour de lui : tout en étant un monarque légitime (car descendant d’Henri IV), il ne veut être ni couronné, ni sacré mais uniquement « intronisé » car élu par la nation. Le drapeau tricolore est adopté et une colonne, symbole de liberté, est érigée à l’emplacement de la Bastille. Louis-Philippe inaugure également un musée consacré « à toutes les gloires de la France » au château de Versailles, afin de montrer la continuité de l’Histoire de France, de Clovis à Napoléon Ier ! Le roi montre également son respect pour ceux qui l’ont précédé à la tête du royaume, en faisant rapatrier la dépouille de Napoléon Ier, suivie de grandes cérémonies : une manière de tendre la main aux bonapartistes. 

Louis-Philippe se veut un roi moderne, se promène parmi ses sujets, envoie ses fils au collège et met en scène sa vie de famille bourgeoise. Mais malgré ses efforts pour réunir tous les français derrière lui, le roi sera la cible de nombreuses tentatives d’assassinat (à l’image de son aïeul Henri IV) et sera finalement contraint de s’exiler, les français ayant choisi la voie de la République à celle de la monarchie…

mensuel N°905 / mai 2022