Historia

La force noire : Les tirailleurs de 14-18

A l’occasion de la sortie du film « Tirailleurs » (avec Omar Sy), le magazine Historia consacre son mensuel à la « force noire » de la Première Guerre Mondiale, ces tirailleurs sénégalais qui ont été enrôlés (rarement par choix) pour les besoins de la France.

Les 200.000 sénégalais qui ont participé à la Grande Guerre ont longtemps été oubliés par l’Histoire. Ils ont pourtant été une force pour la France, ont combattu avec bravoure et se sont sacrifiés pour un pays qui n’a pas tenu toutes ses promesses à la fin du conflit.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la France ne va pas enrôler des sénégalais dans le but d’économiser le « sang blanc » mais bien parce que la métropole manque de soldats sur le front. D’ailleurs, certains chefs militaires, l’exemple du maréchal Joffre, soulignent le manque d’expérience de ces hommes que le gouvernement français veut envoyer sur le terrain. Face à cet argument pertinent, le Sénégal sert donc, dans un premier temps, de ravitailleur pour la France en denrées, coton… Mais avec l’enlisement du conflit, la métropole doit finalement se résoudre à enrôler les jeunes sénégalais, sur la base de vieilles légendes selon lesquelles l’homme noir « nait soldat »,  qu’il a un « sang bouillonnant » et n’est nullement effrayé par la mort.

En réalité, les jeunes sénégalais que l’on envoie se battre loin de chez eux ne sont pas moins terrorisés que les français de la métropole. Aussi, face au recrutement, la résistance s’organise : découvrez comment certains chefs de village ont tenté, par tous les moyens, de protéger les leurs ou, au contraire, comment la France a su tirer parti des rivalités entre différentes tribus pour enrôler la jeune population.

Si le recrutement forcé passe par des menaces et des répressions, la France compte d’abord sur les volontaires, avec, à la clef, la promesse d’un vie meilleure après la guerre, une reconnaissance en tant que « citoyen de la France », une pension d’ancien combattant. Hélas, la plupart des tirailleurs qui rentreront au Sénégal auront l’impression d’avoir été floués, et ne seront pas toujours vus comme des héros par leur entourage.

Sur le terrain, les tirailleurs sénégalais sont handicapés par la langue française, que tous ne maîtrisent pas, et par les maladies européennes auxquelles ils n’ont jamais été confrontés, sous le climat différent d’Afrique. Découvrez les méthodes utilisées par la métropole, pour préparer les nouvelles recrues au combat et tenter de les préserver de la rudesse des hivers. Car, contrairement à une idée reçue, les tirailleurs sénégalais ne sont pas considérés comme de  la « chair à canon » et leur recrutement difficile doit pouvoir être utile à la nation française.

Historia nous fait revivre trois batailles décisives, où la « force noire » joue un rôle important – et longtemps occulté –  se battant aux côtés des autres poilus, et subissant de lourdes pertes. Car au sein de l’armée, si les cadres supérieurs font souvent preuve de racisme, les relations entre soldats blancs et noirs sont majoritairement restées bonnes, tous étant unis face à un ennemi commun.

Si la France ne récompense pas dignement les tirailleurs sénégalais à la fin du conflit, ceux-ci ne sont pas, hélas, au bout de leur peine, et s’attirent rapidement la haine de l’Allemagne nazie : des monuments érigés en hommage à leur sacrifice sont démantelés en 1940 et plusieurs milliers de tirailleurs seront massacrés par les troupes allemandes, sur le sol français…

Le film de Mathieu Vadepied, sorti le 4 janvier 2023, met à l’honneur le souvenir de ces soldats venus d’Afrique et précipités dans la Première Guerre Mondiale.

mensuel N° 913 / janvier 2023