Historia

Les fake news qui ont changé l’Histoire

Le magazine Historia revient sur les « fake news » qui ont impacté  le cours de l’Histoire.  Avec les réseaux sociaux, ces « fake news » (fausses nouvelles fabriquées) sont devenues omniprésentes : images et vidéos sont ainsi détournées ou fabriquées de toutes pièces, pour illustrer des rassemblements/manifestations, mais aussi pour dénoncer certains comportements ou prises de position.

Ainsi, dès lors que la désinformation touche une large partie de l’opinion publique, elle se révèle être une arme redoutable, qui peut avoir de lourdes conséquences, de la déstabilisation d’une figure politique à la justification d’actes de cruauté, jugées « nécessaires », en temps de guerre. Aujourd’hui, un nombre incalculable de fausses nouvelles circulent sur internet, sont vues et partagées par ceux qui pensent, en toute bonne foi, lire une information fiable et vérifiée.

Mais les « fake news » ne sont pas nées au XXIe siècle, bien que de fausses nouvelles soient divulguées chaque jour. Depuis l’Antiquité, des mensonges, savamment orchestrés et diffusés, sont à l’origine de guerres, de divisions au sein d’une même patrie, de procès politiques, voire de massacres. Derrière ces « fakes news », se cachent souvent des hommes haut placés, qui répandent de fausses informations afin de  rassembler autour d’eux, pour se maintenir au pouvoir, ou pour justifier une action aux lourdes conséquences économiques et/ou humaines.

Dans la Rome Antique, les hommes au pouvoir jouent souvent sur la peur et le sentiment d’insécurité pour gagner la confiance de la population, quand il est question d’attaquer un voisin, d’aller conquérir un territoire. En réalité, ce sont souvent des raisons personnelles, des rêves de gloire et d’expansion – plus qu’une véritable menace extérieure – qui motivent le déclenchement d’un conflit.

En France, la diffusion des « fake news » commence dès le Moyen-Age, entre les élites, pour rallier à elles le peuple dans un royaume en pleine Guerre de Cent Ans. Les Bourguignons, les Armagnacs et les Orléanistes s’accusent mutuellement de sorcellerie, d’avoir envoûté Charles VI (qui a perdu la raison). S’en suivent les assassinats de Louis d’Orléans (1407) et de Jean sans Peur (1419) : dans tous les camps ce sont des rumeurs (empoisonnements, noyades…) qui mettent le feu aux poudres et, les populations se sentant menacées, ce sont de multiples massacres (sans distinction d’âge ou de sexe) qui sont perpétrés.

Après la prise de la Bastille, en juillet 1789, ce sont également de terrifiantes rumeurs au sujet de l’aristocratie (répression sanglante, vengeance, arrivée imminente de troupes venues de l’étranger…) qui poussent le petit peuple à se révolter contre les seigneurs. Pour apaiser la situation, l’Assemblée Nationale votera l’abolition des privilèges, afin de ramener – temporairement – le calme dans les provinces.

Des chefs d’État, à l’exemple de Napoléon Ier – grand stratège et calculateur – opteront également pour la divulgation de « fakes news » afin de tromper l’ennemi et de triompher de lui grâce à des mensonges. Si, au fil du temps, de nombreux leurres feront d’innombrables victimes, certains permettront de sauver des vies : ainsi, au cours de la Seconde Guerre Mondiale, l’Opération Mincemeat met les allemands sur une mauvaise piste et rend possible le débarquement anglo-saxon du 10 juillet 1943 en Sicile, en limitant considérablement les pertes humaines. 

Enfin, on ne peut passer sous silence les nombreuses « fakes news » colportées au sujet des Juifs, qui ont donné lieu à des nombreuses injustices : déjà victimes de rumeurs à l’époque médiévale, ils sont alors rendus responsables des épidémies ou des mauvaises récoltes. A la fin du XIXe siècle, l’Affaire Dreyfus révèle une fois encore l’antisémitisme dont est victime cette communauté. Quelques décennies plus tard, Hitler utilisera le prétendu « complot juif international » pour justifier le génocide qu’il s’apprête à lancer…

A travers les grandes « fakes news » qui ont jalonné les siècles, les historiens décryptent les rouages de cet outil de propagande et ses conséquences, parfois bonnes mais souvent dévastatrices.

mensuel N° 910 / octobre 2022